Edito
06H48 - vendredi 30 avril 2021

« Si Dieu le veut » : Inde, Etats-Unis, Mulhouse 2020, quand les clusters religieux sèment la mort. L’édito de Michel Taube

 

 

Cet édito a été rédigé avant la terrible bousculade qui a causé des dizaines de morts et de blessés en Israël.

Combien de rassemblements religieux ont été des accélérateurs de développement foudroyant de la pandémie de Covid ? L’Inde le connaît tragiquement à ses dépens.

« Si Dieu le veut, je ne serai pas malade », entend-on dans la bouche de quelques croyants, toutes obédiences confondues, masque défraichi porté sous le nez quand ce n’est pas sous le menton, même dans un lieu aussi clos qu’un supermarché ou un métro.

« Aide-toi, et le ciel t’aidera », pourrait-on leur rétorquer ! Ou encore, « aime ton prochain », car mépriser les gestes-barrières en pleine pandémie, c’est comme être ivre au volant, bien pire que de ne pas attacher sa ceinture. C’est de l’inconscience, de l’égoïsme, ou les deux. Une forme de croyance idiote, voire de superstition. Ces illuminés devraient se dire que si Dieu existe, il pourrait leur en vouloir d’avoir joué avec leur santé et celle des autres. Ils se défendront en disant qu’ils ont écouté un docteur expliquer à la télé que le masque ne sert à rien, pas plus que se laver les mains. Et ils n’auraient pas tout à fait tort ! Sauf que certains n’écoutent que les voix (et non les voies) du Seigneur, et qu’ils sont impénétrables par le bon sens et à celui des responsabilités.

Revenons donc très religieusement à la genèse française de l’épidémie (pour sa genèse planétaire, le Dieu Xi Jinping ne veut pas trop qu’on mette le nez dans son église).

Mulhouse (Haut-Rhin). Nous sommes en février 2020. Plus de 2 000 fidèles venus de toute l’Europe et même de Guyane se réunissent dans une église évangélique. Premier cluster de France. Quelques semaines plus tard, c’est la panique dans les hôpitaux de la ville, puis de la région, tous au bord de l’asphyxie. Asphyxiés sont aussi les patients atteints de cette nouvelle maladie, a priori venue de Chine. Le mot « Covid » n’est pas encore entré dans le vocabulaire courant. On évoque plutôt le coronavirus. Mais la conscience du risque n’était pas encore ardente. L’absolution peut donc être accordée aux fidèles. Ce ne sera pas le cas un an plus tard, lors de la célébration de la Messe de Pâques dans une église parisienne bondée. Personne ne porte de masque ni ne respecte la moindre distanciation physique. Le seul geste barrière, c’est Dieu.

Bien sûr, le Dieu de l’ignorance n’est pas seulement chrétien. En novembre dernier, des Juifs ultra-orthodoxes célèbrent un mariage hassidique dans une synagogue de Brooklyn, à New York. Agglutinés les uns aux autres, ils chantent et dansent sans la moindre précaution sanitaire. Inutile, car Dieu veille !

 

 

En Israël, il faudra l’intervention de l’armée pour faire comprendre aux orthodoxes les plus fervents que le coronavirus n’a pas de religion, et que la prière ne suffira à les épargner.

En Inde, on fait les choses en grand. C’est par centaines de milliers que les pèlerins se rassemblent au bord du Gange, dans le cadre d’un rite hindou, dont le point d’orgue est une grande journée de baignade. La plupart ont dû écouter certains de nos médecins et chroniqueurs qui jurent que le masque à l’extérieur, ça ne sert à rien, et que le variant indien, c’est une plaisanterie. Ce n’est pas ce que pensent les autorités sanitaires indiennes, en prise à une déferlante mortelle de Covid. Pour eux, ce show aquatique est source d’un énorme cluster. L’eau du Gange ne purifie pas de tout. À voir sa couleur, on se demande même de quoi elle purifie. Mais Dieu veille…

Conclusion. Si la croyance religieuse dérive parfois vers l’obscurantisme, c’est surtout l’exaltation collective qui conduit à perdre le sens du danger et parfois celui des réalités. Dans les raves parties privées, les restaurants clandestins ou les parcs transformés en dance floor, Dieu n’est généralement pas invité.

 

Attention aux fêtes de Ramadan et de l’Ascension qui risquent de retarder la baisse espérée de la courbe pandémique. 

Notre monde se divise désormais entre les enfermistes et les anti-enfermistes, chaque chapelle ayant ses propres dieux. Le second camp est tellement plus attirant, mais le prix à payer est le respect des gestes barrières (dans le doute, mieux vaut en faire trop que pas assez) et une certaine discipline à la japonaise. Mais certains ne veulent ni fermetures ni restrictions. Ils nous chantent la liberté, mais en vérité ne chantent que la leur. Jusqu’aux premiers symptômes. « Vous chantiez ? J’en suis fort aise. Eh bien dansez maintenant ! »

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

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