Edito
11H29 - mardi 13 octobre 2020

Covid 19 : sommes-nous en dictature sanitaire ? L’édito de Michel Taube

 

On entend siffloter la petite musique de la dictature sanitaire : les médecins dirigeraient le pays avec la complaisance des gouvernants qui leur auraient délégué le pouvoir.

De dictature sanitaire, on la reconnaîtrait plutôt dans un gouvernement qui s’obstine à appliquer des mesures qui ne marchent pas, alors que les solutions universelles existent : les applis Androïd et Apple contre StopCovid (et non TVCovid, Monsieur le premier ministre).

Le principe même de la dictature est l’autocratie, avec à sa tête un chef suprême. Qui serait-il ?  Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, conseil qui serait par conséquent le nouveau gouvernement de la France (hors Marseille, qui a fait sécession) ? Ou serait-ce le patron d’un autre organisme qui donne son avis sur l’épidémie et la manière de la traiter : le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), la direction générale de la santé (DGS), Santé publique France (SPF), le Comité analyse, recherche et expertise (CARE), la Haute Autorité de santé (HAS), l’Académie nationale de médecine, le Comité économique des produits de santé (CEPS), la Commission Nationale des Etudes de Maïeutique, Médecine, Odontologie et Pharmacie (CNEMMOP), la Conférence nationale de santé (CNS), les agences régionales de santé (ARS), le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM), l’Institut Pasteur, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)… ? Cela fait beaucoup de dictateurs ! Ô nous oublions Olivier Veran, excellent pédagogue des chiffres hebdomadaires et gendre idéal de toutes les Françaises guéries du coronavirus, mais l’on doute au final de sa capacité à imposer à Emmanuel Macron et Jean Castex ses éventuelles convictions fortes, (dys)fonctionnement des institutions de la Vème République oblige.

Si l’on ajoute les batailles d’experts sur les plateaux de télévision, et les inepties servies avec autorité par certains scientifiques en mal de célébrité (et qui ont de nombreuses ouailles, y compris dans les médias) : le mensonge du masque inutile, si grossier fût-il, avait une explication : le conseiller (Delfraissy) du prince (Macron) lui servait cet argument pour faire passer la pilule amère de la pénurie de masques. L’OMS a peu ou prou fait de même au bénéfice de ses financeurs, les États de la planète. Mais aujourd’hui, comment donner le moindre crédit à ceux qui affirment que l’épidémie régresse et que le confinement est inutile. On peut débattre de son impact global, mettre sur la balance les intérêts sanitaires et économiques, réfléchir à toute mesure permettant de l’éviter, mais avancer des thèses absurdes pour nourrir la polémique et se faire inviter sur les plateaux des chaînes d’info est indigne de la fonction même de médecin. Dans un précédent article, nous rappelions ces extraits du serment d’Hippocrate : « Je […] n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences… Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. » Certains, comme le professeur Jean-François Toussaint, devraient s’en souvenir, et les médias en tirer les conséquences.

La prétendue dictature sanitaire est une foire d’empoigne. Cela étant, il est parfaitement légitime que des techniciens éclairent le gouvernement, tout comme les juges font appel aux experts avant de rendre leur décision. Le débat du pouvoir exorbitant des experts judiciaires est d’ailleurs de même nature que celui de la dictature sanitaire dans la crise du Covid. Mais comment faire autrement ? Le gouvernement a beaucoup pêché depuis le début de l’épidémie. Outre le mensonge originel, le manque d’anticipation, l’improvisation et le tâtonnement, l’incohérence de la stratégie, la lourdeur bureaucratique… Tous ces reproches étaient (et son hélas encore) parfaitement fondés, comme ils le sont à l’égard de la plupart des gouvernants de la planète. Jean Castex devait être le super Intendant qui remettrait de l’huile dans les rouages de l’Etat… Mission impossible en trois mois évidemment, elle sera tout aussi impossible dans les dix-huit mois qui nous séparent de l’élection présidentielle.

Ceux qui aujourd’hui évoquent la dictature sanitaire pointent non pas tant l’impact économique des mesures restrictives, mais l’atteinte aux libertés fondamentales. Mais de quelle liberté s’agit-il ? Celle de ne pas porter de masque ? Celle de ne pas se réunir en grand nombre dans un espace clos, voire en plein air ? Les compétions sportives à public restreint presque partout sur la planète, est-ce le résultat d’une dictature sanitaire mondiale ? On a beau répéter que les gestes barrières sont comparables à la limitation de vitesse en voiture, qu’il ne peut y avoir de liberté de blesser ou de tuer, rien n’y fait.

Est-ce de la dictature sanitaire que les 96 morts en France le 12 octobre, soit presque le double que la veille ? Malheureusement nous vivons les prémisses d’une deuxième évolution exponentielle propre à cette épidémie. Le 23 février, un patient est mort du Covid à l’hôpital. Le 3 mars, ils étaient trois à succomber, puis 29 le 10 mars, 142 le 17 mars… 3568 le 7 avril. Les alertes des praticiens de terrain, comme l’infectiologue Benjamin Davido ou le professeur Enrique Casalino, qui décrivent objectivement le risque d’une rapide saturation des services de réanimation, doivent être écoutés.

Ceci dit, il est indispensable que la décision appartienne au politique, et que le gouvernement ne la délègue à aucune autorité scientifique. Espérons que demain soir Emmanuel Macron sera au rendez-vous devant les Français et notre médecin en chef pour trouver la bonne voie entre la politique sanitaire et la relance de l’économie et de la société française.

Car le problème n’est pas la dictature sanitaire, mais les avis à l’emporte-pièce, manifestement contraires à l’évidence et au bon sens. Il est gravissime que ces postures soient celles de certains médecins, en violation de leur propre éthique, de leur propre déontologie. La dictature de l’absurde fait hélas des émules.

 

Michel Taube

 

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