Edito
06H50 - mercredi 15 avril 2020

10 millions de chômeurs ou 400.000 morts ? Faites vos jeux, Monsieur le Président ! L’édito de Michel Taube

 

Alors que le Président de la République vient de reconduire l’assignation à résidence, certes partielle, des Français jusqu’au 11 mai et en fait bien au-delà, l’un après l’autre, les pays européens présentent leur plan de sortie du confinement, ayant compris que proroger cette situation allait conduire au chaos économique, chaos qu’aucune aide de l’État (l’État, c’est nous !) ne parviendrait à endiguer ou compenser. En France, Emmanuel Macron n’a quasiment annoncé aucune mesure concrète, si ce n’est la réouverture partielle des écoles, sans doute la pire initiative qu’il pouvait prendre d’un point de vue sanitaire.

Les pouvoirs publics sont toujours incapables de fournir à la population les outils d’un déconfinement qui ne conduirait pas à une flambée de Covid-19. Pour les masques, on aura appris à se débrouiller (ils auraient pu le dire tout de suite !), et pour les tests, le système D risque aussi de prendre le dessus sur les retards et les affres du pouvoir et de l’administration, si tant est que le gouvernement accepte d’homologuer rapidement des tests fabriqués par les laboratoires, et qu’ils puissent être vendus et réalisés en pharmacie, lesquelles délivreraient un certificat sérologique.

Toutes les personnes suspectées d’être malades seront testées, claironne notre président, au milieu d’un discours dégoulinant de patriotisme lyrique et d’autocongratulation à peine tempérée par l’aveu de quelques loupés.

Mais pas un mot sur la méthode. Faudra-t-il être gravement malade pour être testé (ou mourant, comme pour bénéficier de la chloroquine) ? Dans un nombre croissant de pays, qui ne sont pourtant pas tous dans le peloton de tête des puissances mondiales, on prend la température de chaque personne entrant dans un lieu ouvert au public. C’est un premier outil, certes imparfait, mais qui permet un dépistage qui ne soit pas totalement aveugle et généralisé. Rien de cela en France. C’est à croire que nos gouvernants croient que le bon vieux thermomètre au mercure dans le derrière est la seule manière de prendre la température !

Emmanuel Macron préfère-t-il prendre le risque de 10 millions de chômeurs ou celui de 400.000 morts ? Ce dernier chiffre ne sort pas de nulle part : sans confinement et sans mesures barrière efficaces, 60 % de la population pourrait être contaminée rapidement, avant que l’épidémie ne décroisse. Mais le prix de cette immunité collective serait insupportable, compte tenu d’une mortalité estimée entre 1 et 3 %, selon le degré de saturation des hôpitaux. Faites le compte !

Si le 11 mai, la sortie du confinement ne permet pas un véritable redémarrage de l’économie, les effets d’une multiplication des faillites ne pourront plus être compensés par un État privé de ressources fiscales. L’emprunt a ses limites, même pour la France, d’autant plus que les taux d’intérêt seraient sur le point de remonter. La France a accumulé tant de retards, et est si plombée par une administration obèse et engluée dans une bureaucratie pathologique, que personne ne croit que l’on pourra sortir du confinement avant la fin de l’été, sauf à risquer une hécatombe sanitaire. Les dix millions de chômeurs deviennent dès lors un horizon réaliste, même si ce chiffre ne résulte pas d’une équation mathématique.

Nul besoin de concours Lépine du déconfinement. Il suffit de regarder ce qui fonctionne ailleurs, quitte à ravaler notre égo national. La recette est connue, car préconisée par l’OMS dès 2012 pour lutter contre le paludisme, méthode qu’elle rappela en mars (donc bien tard) face au Covid-19 : 3T, comme trouver (ou tracer), tester, traiter. C’est aussi la méthode Raoult et de tous les praticiens des épidémies.

C’est pourquoi il est urgent que tous les commerces ouvrent leurs portes, que les entreprises et les administrations se remettent au travail en multipliant les gestes barrière, et mieux des barrières elles-mêmes. Il n’est pas impossible d’organiser la distanciation sociale au travail, comme cela se fait dans les supermarchés, quitte à ce que cela s’accompagne, le temps de la relance, d’une adaptation du droit du travail pour ne pas trop pénaliser les entreprises. On entend déjà la gauche, qui n’a jamais rasé que gratis, scander que les salariés ne doivent pas payer le prix de la crise sanitaire et économique. N’a-t-elle pas conscience que le creusement du déficit et la récession sont le prix que nous payons déjà tous pour les préserver, pour sauver leur emploi ?

Prise de température, masques, tests sérologiques et virologiques, désinfection régulière des locaux (voire des trottoirs qui, du moins à Paris, sont d’une saleté injustifiable), des poignées de porte et des chariots de supermarchés, nettoyage des mains de toute personne entrant dans un commerce ou tout autre lieu ouvert au public… Tous les outils sont connus et sur la table.

Reste le traçage numérique, tel qu’il est notamment pratiqué en Corée du Sud et en Israël. L’enjeu du déconfinement étant d’éviter des millions de chômeurs ou des centaines de milliers de morts, les chantres du droit et de l’éthique devraient admettre que ce traçage répond à l’exigence de proportionnalité justifiant cette atteinte à la confidentialité. Quel serait notre préjudice ? Éviter la maladie ou la prison à domicile, puis le chômage ? Il faut mettre en place d’urgence le traçage, même sans l’accord des intéressés, et en utilisant leurs échanges numériques et le GPS (et non le Bluetooth, peu efficace et facile à pirater), ainsi que les caméras publiques pour géolocaliser les personnes atteintes du Covid-19, et celles qui pourraient l’être. On peut envisager, pour des motifs plus politiques que juridiques, d’améliorer notre droit pour donner au citoyen des garanties quant à la finalité des données collectées et à la temporalité du dispositif. Mais il serait absurde de se priver d’un outil qui peut sauver des vies et l’économie d’un pays, au nom de principes juridiques déconnectés de la réalité.

Monsieur le Président, vous ne nous avez pas rassurés, dans votre trop belle allocution du 13 avril, bien au contraire. Au lendemain de votre discours, on se demande encore si, des chômeurs ou des morts, nous n’aurons pas les deux !

Michel Taube

 

 

 

 

 

Directeur de la publication

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