Edito
10H18 - mardi 10 mars 2020

Municipales : 34.968 scrutins locaux au goût d’élection nationale ? L’édito de Michel Taube

 

902.475 candidats sur 20765 listes (à l’exception de 106 sans candidat) se disputeront le premier magistère dans 34 968 communes de France les 15 et 22 mars !

Depuis que la diffusion du coronavirus a pris une dimension exponentielle, il y a à peine quelques jours, on se demande quelle place restera-t-il ces jours-ci aux autres enjeux dans les débats publics comme privés.

En France, et nulle part ailleurs en ces temps de crise sanitaire, de crise boursière et économique, du plus petit village à la capitale, les Français vont devoir voter les deux dimanches à venir ! Même en période de pandémie, nous devons conserver la fierté d’être une démocratie et en assumer les devoirs, à commencer par celui de nous intéresser aux enjeux des élections et de voter. Or les élections municipales sont devenues le scrutin le plus important après la présidentielle, même si en droit, notre régime parlementaire devrait faire des élections législatives le cœur de la conquête du pouvoir. En pratique, sous la 5ème République, a fortiori depuis que le septennat est devenu un quinquennat, les élections municipales sont la première source d’un pouvoir indépendant, directement palpable par les électeurs.

Le maire a une vraie capacité à modifier le cadre de vie de ses administrés, ce qui fut fait dans de nombreuses villes comme Grenoble ou Paris, généralement pour des motifs environnementaux, malheureusement pas toujours de façon pragmatique. Partout, l’organisation des transports, la place du vélo et celle de la voiture, les mesures prises pour lutter contre la pollution et anticiper de futures canicules, sont au cœur du débat municipal, hors évidemment coronavirus.

Cette préoccupation environnementale montante donne des ailes aux écologistes. On l’a vu déjà aux élections européennes. On le reverra dès le premier tour des municipales ! Quel sera le positionnement des écologistes par rapport à la gauche ou en son sein ? EELV sera-t-il une force d’appoint pour constituer une majorité de gauche, comme à Paris, ou le parti vert sera-t-il capable de devenir le pivot de la gauche, en lieu et place des Insoumis, dont il est souvent très proche ? Trop proche au goût de certains sympathisants et d’un nombre croissant d’électeurs qui préféreraient qu’à l’image des verts allemands, leurs homologues français rompent avec la gauche et plus encore l’extrême gauche pour devenir un vrai parti de gouvernement, d’abord local, puis national. C’est le rêve pas si secret de Yannick Jadot !

A bien des égards, ces élections municipales de mars 2020 prennent les allures d’une répétition générale des alliances possibles en vue des prochaines élections présidentielles. Cela peut aussi concerner les relations entre LREM et LR. À Paris, on commence à évoquer un rapprochement entre Rachida Dati et Agnès Buzyn pour contrer Anne Hidalgo, même si les deux leaders s’en défendent pour le moment. Cette alliance reste improbable, car l’aile gauche de LREM (rappelons qu’Emmanuel Macron est un ancien ministre de François Hollande) risquerait de déserter le parti du Président. Pourtant, les différences programmatiques entre LREM et LR sont assez minimes, à Paris comme sur le plan gouvernemental. Leur alliance serait salutaire pour les uns comme pour les autres.

LREM risque d’être le principal perdant des municipales, a fortiori dans le contexte du coronavirus qui tend à favoriser les sortants, qui n’ont pas à forger leur notoriété, et parce que les électeurs âgés (bon renfort de voix du parti présidentiel) risquent fort de ne pas se déplacer dimanche dans les bureaux de vote (les procurations vont certainement être nombreuses cette année). La défiance à l’égard de l’Élysée restant forte, la claque risque d’être forte pour LREM, même si les conséquences n’en seront pas nécessairement essentielles, LREM n’ayant pas grand-chose à perdre au niveau national. Ce ne serait pas la première fois que la majorité présidentielle perd les élections locales !

Tout juste de l’ampleur de la défaite annoncée dépendra peut-être celle d’un éventuel remaniement ministériel. Le lendemain des municipales est souvent l’occasion parfaite de mettre en place l’équipe qui préparera les échéances prochaines. La campagne des présidentielles débutera de facto dans un an. À ce stade, il vaudrait mieux éviter trop de chamboulements. Et n’oublions pas que l’année prochaine les élections départementales et régionales constitueront le vrai coup d’envoi de l’élection présidentielle.

Finalement, le principal enjeu politique de ces municipales n’est-il pas le retour en grâce, au moins partiel, de l’ancien monde, celui de la gauche et de la droite républicaines, de LR et du PS ? Ce dernier est moribond depuis les présidentielles de 2017, mais grâce à ses nombreux sortants, il peut espérer, tout comme LR, un retour au premier plan dont il s’efforcera de faire un tremplin pour d’autres enjeux, au détriment du duel LREM-RN et du trublion LFI qui a échoué à fédérer la gauche.


Michel Taube


A partir de demain, Opinion Internationale publie une édition spéciale « Municipales 2020 » avec des interviews de candidats « Mes cent premiers jours » et une immersion – focus de quatre jours dans la ville de Bobigny, capitale de la Seine-Saint-Denis.

 

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