Edito
07H42 - mercredi 26 février 2020

Coronavirus : entre trop et trop peu, les Etats sont sur le fil du rasoir et ne doivent pas céder à la panique ! L’édito de Michel Taube

 

Sur BFMTV, Christophe Barbier osait hier matin poser les termes d’une équation qui hante l’esprit de tous les dirigeants de la planète : « pour sauver quelques vies de personnes très âgées, va-t-on mettre au chômage des milliers de gens ? ». Le style était provocant, mais il n’est qu’une lecture de la pensée gouvernementale. L’éditorialiste à succès ne donne évidemment pas la réponse, et souligne que si la vie n’a pas de prix, elle a un coût. Il rappelle aussi que chaque épidémie conduit à désigner des boucs émissaires, donnant l’exemple de la peste noir en 1348 : « comme toujours en Europe, ça tombe sur les Juifs ».

Aujourd’hui, les boucs émissaires sont chinois, plus généralement asiatiques, alors qu’en Chine, plusieurs indicateurs semblent confirmer un plafonnement de l’épidémie, annonciateur de sa régression. Subitement, le coronavirus frappe l’Italie : dix morts et plus de 200 contaminés, pour la plupart en Lombardie. Panique à bord, mesures de quarantaine, évocation (puis rejet) de la fermeture des frontières (la France n’est pas loin) et déjà, stigmatisation des Italiens, qui commencent à rejoindre les Chinois au banc des boucs émissaires.

L’indice de contagiosité du coronavirus étant estimé de 1,5 à 3,5 (contre 1 pour la grippe saisonnière et 9,5 pour le Choléra), on ne peut exclure une pandémie planétaire dans un monde où les échanges de personnes et de marchandises sont généralisés. Serions-nous alors tous des boucs émissaires ? L’irrationalité, l’ignorance, la panique, le racisme sont autrement plus dangereux que le coronavirus. Non pas qu’il faille le sous-estimer : 2600 des 77000 contaminés en Chine sont décédés, ce qui donne un taux de mortalité de 3,37%. Mais ces chiffres sont contestés. Selon une étude chinoise rendue publique le 20 février, ce taux serait plutôt de 2,3 %. Quatre fois moins que le SRAS, certes, mais bien plus que le taux de 0,1 % de mortalité de la grippe saisonnière. Il n’empêche, rien qu’en France, la grippe tue des milliers de personnes chaque année. Nous n’en sommes pas là !

Sachons donc raison gardée : quand bien même le virus affecterait-il 100.000 personnes en Chine, cela ne représenterait que 0.01 % de sa population. Rapporté à la France, cela ferait 6500 cas, dont 130 mortels. Certes, ces projections n’ont que peu d’intérêts, tout comme celles d’un médecin de Hong Kong estimant que 60 % de la population mondiale pourrait être contaminée. La raison en est que tous les pays ne sont pas à égalité en termes de gouvernance sanitaire, d’équipements médicaux, de transparence, mais aussi de capacité à appliquer et faire accepter les mesures de confinement que des dizaines de millions de Chinois subissent depuis deux mois, dans l’intérêt de la Chine et du monde entier.

La Chine, et aujourd’hui l’Italie, semblent opter pour la méthode la plus juste et sans doute la plus efficace : le confinement local, autour des foyers d’infection. C’est aussi la politique de la France, comme l’a souligné hier le ministre de la Santé, Oliver Véran, au micro de RTL : la fermeture des frontières « n’aurait pas de sens ». Pas davantage que la panique. Car si le ministre admet qu’il y a beaucoup d’alertes, la réalité est qu’il n’y avait plus un seul malade hospitalisé en France hier et que deux ont été recensés hier soir mais sans présenter le moindre signe de gravité. Et d’ajouter « l’épidémie est à nos portes. Nous nous préparons, nous préparons l’ensemble des dispositifs de veille sanitaire et d’intervention, en ville comme à l’hôpital, dans l’hypothèse où l’épidémie viendrait ».

Prévenir, anticiper et non paniquer.  Le gouvernement marche sur le fil du rasoir, sans droit à l’erreur. Négliger le risque sanitaire lui serait fatal, et on peut compter sur l’opposition, surtout aux extrêmes, pour faire d’Emmanuel Macron le bouc émissaire ultime du coronavirus. Mais céder à la panique et paralyser l’économie en se comportant comme si un fléau digne du roman éponyme de Stephen King s’était déjà abattu sur la France serait une faute politique tout aussi impardonnable. L’heure est à la mise en place de mécanismes préventifs permettant d’éviter une contagion massive, tout en se préparant à y faire face. Provoquer une crise boursière, économique, sociale et diplomatique, qui de surcroit attiserait la haine, le racisme et le complotisme ne permettrait nullement de venir à bout du coronavirus.

Dans le monde, les bourses baissent dangereusement. En Ukraine, un bus de touristes chinois a été attaqué. Ici et là, on stigmatise, on dénonce, on accuse. La chasse aux sorcières ne peut être acceptée. S’il devait y avoir une sorcière, elle s’appellerait COVID-19. Elle n’a pas de nationalité, de religion, n’appartient à aucune ethnie. L’heure est à la solidarité ; l’exigence au sang-froid. Les virus prospèrent depuis que la vie existe sur terre. Ils sont partie intégrante de cette vie, même si parfois, ils sèment la mort.

Ensemble, non seulement nous vaincrons le coronavirus et surmonterons nos peurs irrationnelles, mais nous nous préparerons à réagir à de futures épidémies, dont seule les dates sont inconnues.

Michel Taube

 

Retrouvez l’intervention de Michel Taube sur BFMTV samedi 22 février 2020 :

 

Directeur de la publication

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