Edito
06H55 - mardi 4 février 2020

Israël – Palestine : contre le plan de paix Trump. L’édito de Michel Taube

 

Israël et la Palestine ont droit chacun à un Etat viable et sécurisé.

Le président des États-Unis a rendu public mardi 28 janvier 2020 son fameux plan de paix pour Israël et la Palestine en sachant pertinemment qu’il ne sera jamais accepté par les Palestiniens. Que feraient-ils d’un État morcelé sans Jérusalem – Est ni sans « droit au retour », même partiel ?

Tous les plans de paix ont été écrits par les vainqueurs des guerres. Ces plans proposés aux perdants ont toujours été des bases à une discussion entre gagnants et perdants. Il en est de même du plan Trump.

L’État que le président américain propose aux Palestiniens est une lubie, alors que leur aspiration à créer un État viable et indépendant est légitime. Dans les détails du plan, on comprend qu’il n’y aura pas de véritable État palestinien ni de capitale à Jérusalem-Est et, plus important encore, qu’il y a bien une tentative de promouvoir une division de l’esplanade de la mosquée Al-Aqsa.

L’initiative américaine peut même raviver l’exaspération, jusqu’à conduire à une nouvelle « intifada », une révolte populaire contre Israël, ponctuée d’attentats et suivie d’une reprise en main vigoureuse par les directions palestiniennes. Les conséquences du plan Trump peuvent être désastreuses pour les deux parties. On se souvient que l’échec des accords d’Oslo avaient été suivi par une Intifada.

Les seuls qui se frottent les mains, à part Benjamin Netanyaou, ce sont les évangélistes américains, électorat décisif pour la réélection annoncée de Donald Trump et qui rêvent d’accélérer la fin du monde (rien que cela) en poussant les juifs à retourner en Israël, condition préalable au retour du Messie.

D’ailleurs quelle idée que l’Amérique propose unilatéralement une solution alors qu’on n’a jamais vu un peuple accepter d’être libre sous la contrainte et encore moins sous celle de la première puissance mondiale. C’est même une aporie de l’esprit que d’imposer la liberté.

Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, annonce rompre toute relation avec les Américains et les Israéliens, même sécuritaires. Mouais… Cet autocrate octogénaire a beaucoup d’ennemis dans son camp, et jouer ce jeu risquerait de lui coûter son trône et la vie.

 

L’effet boomerang de l’intransigeance palestinienne.

Car si Donald Trump annonce son plan de façon unilatérale, c’est aussi parce qu’il n’a pas d’interlocuteur palestinien crédible. Ayons l’honnêteté de reconnaître que les Palestiniens ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes, où à leur direction arc-boutée sur des exigences irréalistes. Même de nombreuses capitales arabes sont excédées, y compris parmi celles qui manifestent officiellement leur opposition audit plan et leur soutien à la cause palestinienne. Pour certains d’entre eux, Israël est déjà un partenaire. Et il eut été plus pertinent que les Palestiniens jouent la carte de la modération plutôt que celle du rejet systématique.

Avant que la Ligue arabe ne condamne ce week-end le plan Trump, plusieurs pays arabes alliés de Washington, en particulier l’Égypte et l’Arabie saoudite, lui avaient réservé un accueil globalement favorable. Même au Qatar, le ministère des affaires étrangères a déclaré qu’il appréciait les efforts américains pour trouver une solution au conflit tant que ceux-ci respectent le cadre de la légitimité internationale.

Il est donc illusoire et même absurde de croire qu’une paix pourra être imposée de l’extérieur, n’en déplaise à Donald Trump. Mieux vaudrait qu’Israéliens et Palestiniens discutent seuls et trouvent seuls une issue à ce conflit. En 2008, nous y étions presque : 97 % des territoires de Cisjordanie allaient devenir palestiniens, avec des compensations territoriales pour les 3 % restants. Une solution avait même été trouvée pour Jérusalem et les réfugiés. Les Palestiniens ont refusé in extremis en brandissant les sempiternelles exigences : envoyer tous les réfugiés de 1948 et leurs descendants vers Israël, et exiger que Jérusalem-Est, y compris les lieux saints juifs et chrétiens, passent sous souveraineté palestinienne. Il est vrai que la direction palestinienne a toujours vendu à son peuple une Palestine qui remplacerait la totalité d’Israël, comme l’atteste sa carte géographique officielle. Nous sommes très loin du « deux pays pour deux peuples » !

En effet, quelle solution veulent les Palestiniens ? Officiellement, la position de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, rejoint l’analyse traditionnelle de la France : deux États pour deux peuples. Mais les modalités de ce partage doivent, dans l’esprit du leader de Ramallah, aboutir à la solution que les dirigeants palestiniens ne cessent de vendre à leur peuple : le remplacement d’Israël par une Palestine 100 % musulmane en lieu et place d’Israël. En effet, à l’international, Mahmoud Abbas clame qu’il veut la paix, à condition que toute la vieille ville de Jérusalem, lieux saints chrétiens et juifs compris, soit sous tutelle palestinienne. En outre, il exige, malgré la création d’un État palestinien, le « retour » des réfugiés de 1948, en réalité de tous leurs descendants, ce qui conduirait à une submersion démographique devant aboutir à la disparition d’Israël. Aujourd’hui encore, la carte officielle de la Palestine couvre la totalité de l’État d’Israël, loin du discours diplomatique de deux États pour deux peuples.

Depuis 2008, les rapports de force et les jeux d’intérêts ont considérablement évolué en défaveur des Palestiniens, même indépendamment de l’élection de Donald Trump. Aucun plan ne leur sera aussi favorable que ceux qu’ils ont rejetés par le passé, en 2008 donc, et aussi en 2000. C’est pourquoi les défenseurs invétérés des Palestiniens défendent en réalité leur direction, autocratique et corrompue, et non le peuple. Quelles que soient les évolutions géopolitiques, la Palestine ne pourra se construire en lieu et place d’Israël, pays, peuple et Etat tout aussi légitimes que le pays, le peuple et l’Etat à venir palestiniens, mais aussi puissance économique, technologique, militaire et sans doute nucléaire.

 

L’unilatétalisme de Netanyahou

Si le plan Trump est taillé sur mesure pour Israël, Benjamin Netanyahou y est évidemment pour quelque chose : depuis dix ans, sa politique unilatérale, prisonnière de minorités religieuses extrémistes du fait du mode de scrutin proportionnel intégral, sa stratégie de judéisation de la politique et de l’identité israéliennes, ont conforté la démarche elle-même unilatérale de Donald Trump. Il serait temps que les Israéliens se dotent d’une alternative à « Bibi ». Mais le veulent-ils vraiment après deux élections législatives terminées en impasse ? Du côté israélien, des milliers de personnes ont manifesté contre le plan Trump samedi 1er février à Tel Aviv.

Même avant le discours de Trump, le Premier Ministre israélien a déclaré sa volonté d’annexer la vallée du Jourdain et des colonies de Cisjordanie. Le gouvernement israélien devait se réunir le dimanche 2 février pour entériner cette décision. Entre temps, les États-Unis ont demandé à Israël de ne pas entamer immédiatement le processus d’annexion, mais de coordonner cette démarche par le biais d’un comité conjoint qui n’a pas encore été créé.  La Cour suprême de son côté a toujours la même jurisprudence : bien qu’il n’y ait pas de limites formelles aux pouvoirs d’un gouvernement intérimaire, il ne devrait prendre des mesures au-delà des besoins du public que « dans les cas où un ‘besoin public essentiel’ exige une action immédiate et ne peut être retardé jusqu’après les élections », comme le soulignent les juristes Amichai Cohen et Amir Fuchs de l’Institut israélien de la démocratie.

 

Les Arabes israéliens veulent rester Israéliens

Il est très intéressant de noter, alors qu’ici de Paris le conflit israélo-palestinien est souvent instrumentalisé et où l’on ignore (ou l’on ne veut pas voir !) les nuances qui traversent les parties, le « deal du siècle » proposé par Trump qui prévoit un Etat palestinien est condamné par les Arabes Israéliens eux-mêmes qui refusent de perdre leur nationalité israélienne. Des centaines d’Arabes israéliens ont manifesté samedi dans le nord d’Israël, contre le plan de paix américain, critiquant l’inclusion d’une clause proposant de redessiner les frontières pour inclure des villes habitées par la minorité palestinienne du dénommé « Triangle » sur le territoire d’un futur Etat palestinien.

Les arabes israéliens refusent qu’on les prive de la citoyenneté israélienne car ils ne veulent pas perdre les bénéfices de l’économie prospère d’Israël, de son système de santé et de tous les avantages sociaux.« Je suis Arabe, je suis Palestinien et je suis également citoyen de l’Etat d’Israël », commente Yousef Jabareen, député de la Liste arabe unie.

 

Quel plan pour la paix ?

Côté Palestinien, il est temps que le peuple fasse le ménage parmi ses élites pour qu’Israël ait enfin un interlocuteur crédible. Qui se souvient qu’il y a vingt ans les femmes palestiniennes étaient les plus libres et modernes du monde arabe ? Il est temps qu’à Gaza le peuple ose se débarrasser de la chape de plomb et d’obscurantisme du Hamas (dont on voit ce que ses affidées du Hezbollah font au Liban aujourd’hui contre les jeunes mobilisés pour un Liban moderne). Il est temps qu’en Cisjordanie des hommes (et des femmes !) moins corrompus prennent la place de l’équipe de Mahmoud Abbas. Il est temps que la jeunesse palestinienne s’inspire de l’Iran, oui l’Iran, où des étudiants ont refusé de piétiner les drapeaux américains et israéliens peints sur le parvis de l’université de Téhéran au lendemain de l’élimination du général Soleimani.

Nous en sommes convaincus : si les Palestiniens abandonnaient cette idée saugrenue de créer leur État sur les cendres d’Israël, plus personne ne s’embarrasserait du plan Trump, et tout deviendrait possible, y compris un compromis sur Jérusalem et sur les réfugiés.

Une autre option serait une issue en définitive assez conforme aux prémices des premiers plans de partage de la Palestine mandataire britannique : deux États, l’un juif, qui est Israël. L’autre arabe qui empièterait sur des territoires occupés par les Israéliens mais aussi sur la Transjordanie devenue Jordanie, et dont la grande majorité de la population est palestinienne. On comprend mieux pourquoi ce pays pourtant officiellement en paix avec Israël soutient si vigoureusement la création d’un État palestinien en Cisjordanie, sur les fameux territoires occupés.

En attendant, après Yasser Arafat, Mahmoud Abbas pourrait obtenir rien pour avoir voulu avoir tout. Une partie de la Jordanie sera peut-être le lot de consolation de son successeur. Une revanche de l’Histoire, en somme.


Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

 

Remerciements à Eric Gozlan, co-directeur de l’International Council for Diplomacy and Dialogue, et Raymond Taube, rédacteur en chef d’Opinion Internationale.

 

Directeur de la publication

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