Edito
15H03 - vendredi 24 janvier 2020

Parcours de la manifestation parisienne du 24 janvier contre la réforme des retraites : le feu et l’eau. L’édito de Michel Taube

 

La Préfecture de Paris (et donc le ministre de l’Intérieur, le Premier ministre et le Président de la République) joue-t-elle avec le feu, en acceptant le parcours de la manifestation que lui a soumis l’intersyndicale ?

Le long cortège qui vient de s’élancer de la Place de la République s’apparente à un long fleuve tranquille, mais le restera-t-il jusqu’à son embouchure ? Ambiance bon enfant, loin des violences qui caractérisèrent quelques-unes des dernières marches contre la réforme des retraites. Mais n’est-ce pas toujours ainsi que débutent les manifestations ?

Si l’on veut être optimiste, il existe cependant quelques raisons de s’inquiéter : d’abord, l’intersyndicale en question est celle de la CGT, de SUD, de FO… Une intersyndicale du refus de tout compromis, dont le combat est clairement politique et d’essence révolutionnaire : c’est la lutte des classes, contre le système et celui qui l’incarne, Emmanuel Macron.

Philippe Martinez n’a pas pris les mesures qu’il faut pour exclure de ses rangs des leaders et militants cégétistes qui ont envahi le siège de la CFDT et procédé à des coupures d’électricité dangereuses. Peut-on donc lui faire totalement confiance ?

Or pour éviter des débordements, le Préfet de police Didier Lallement fait confiance au service d’ordre des syndicats anti-système, alors qu’ils sont eux-mêmes débordés par leur base. Il ne peut ignorer que les casseurs, les anarchistes, les blacks et reds blocks, sont certains sont aussi issus de leurs rangs, ont d’autres objectifs que le retrait du projet de réforme des retraites, et qu’ils n’obéiront ni aux injonctions des forces de l’ordre, ni à celles de la GGT.

Le parcours de la manifestation est en lui-même source de dangers. Elle longera le forum des Halles et le Centre Georges Pompidou (Beaubourg), passera par Châtelet, point le plus central de la capitale, à proximité immédiate de la Préfecture de police (une provocation, pour certains), de nombreux commerçants et représentants du « grand capital » (multinationales de l’habillement, de la restauration rapide, de la banque…).

Puis elle longera la Seine, si près de la rue de Rivoli, donc de la place Vendôme et de la rue de la Paix (la plus chère au Monopoly), autant de symboles d’un luxe qu’exècrent les manifestants (sauf les pilleurs !).

La suite pourrait s’apparenter à une promenade bucolique sur les berges de la Seine, l’un des plus beaux parcours pédestres urbains du monde, qui conduira les gentils manifestants vers la place de la Concorde. Une foule massive sur un ruban de bitume de quelques mètres de large, le long d’un cours d’eau : faut-il être expert ou avoir la mémoire courte pour ne pas y voir un danger ? Souvenons-nous des 14 manifestants tombés dans les eaux de la Loire, près de Nantes, en juin dernier, dont Steve Maia Caniço, qui y périt noyé.

En 1995, Brahim Bouarram mourut noyé dans la Seine en marge d’une manifestation du Front national, jeté à l’eau par un militant d’extrême droite, parce qu’Arabe (« on est chez nous ! »).

Loin de les apaiser, l’eau semble exalter les enragés : en janvier dernier, on craignit qu’une manifestation violente sur la Passerelle Léopold-Sédar-Senghor entraîne des chutes (accidentelle ou non) dans la Seine, et donc des noyades. Ce fut aussi « l’heure de gloire » du boxeur Gilet jaune Christophe Dettinger, qui fit parler ses poings sur un policier à terre.

Place de la Concorde, donc, pour une arrivée du cortège suivie d’une dispersion en fin d’après-midi… ou de soirée, ou en pleine nuit. Place de la Concorde, anciennement place de Grève où la Guillotine chère à Robespierre (idole de Mélenchon) trancha tant de tête (et finalement la sienne) durant la Révolution française. Une place immense, difficile à contrôler pour les forces de l’ordre, si proche de l’Assemblée nationale et de l’Élysée.

Le pire n’est jamais certain, évidemment. Mais tout a-t-il été fait pour l’éviter ? Alors que la stratégie du maintien de l’ordre fait débat, que l’on voudrait faire d’excellentes omelettes (maintenir l’ordre, précisément, face à des ultras qui ont l’objectif inverse) sans casser d’œufs, dont sans dommages corporels pour ces gentils et pacifiques manifestants, on se demande pourquoi accumuler autant de risques majeurs le même jour, sur un même parcours.

A l’instant où s’écrivent ces lignes, tout se passe bien. Mais l’heure de vérité, celle de ce jour en tout cas, approche…

 

Michel Taube

Directeur de la publication

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