Edito
07H57 - mardi 14 janvier 2020

Benoît XVI ou quand le célibat des prêtres contribue aux mœurs criminelles de trop d’hommes d’Eglises.

 

Alors que s’ouvre le procès Preynat (reporté pour cause de grève des avocats), du nom de l’ancien prêtre accusé d’agressions sexuelles commises sur dix mineurs dans la région lyonnaise, l’ancien Pape Benoît XVI et le cardinal Robert Sarah (un des plus traditionnalistes de l’Eglise africaine dans laquelle des religieuses sont parmi les premières à avoir dénoncé des situations d’exploitation sexuelle par des prêtres dans certaines communautés) nous gratifient d’un livre d’un affligent conservatisme rétrograde : « Des profondeurs de nos cœurs ». Un grand pas éditorial pour Fayard, un grand recul pour l’humanité !

Benoît XVI sort de son silence et plaide pour une « abstinence ontologique », bref pour le célibat des prêtres, que le pape François pourrait abolir. En novembre dernier, un Synode de l’Amazonie, un concile consacré à l’Église Sud-Américaine suscita l’ire des conservateurs, à commencer par celle de l’ancien pape allemand, horripilé par les multiples positionnements révolutionnaires de son successeur argentin. Plus précisément, ce synode a voté parmi une centaine de propositions, celle d’ordonner prêtre des diacres permanents, donc des hommes mariés pour donner des prêtres aux régions les plus reculées d’Amazonie. Ce paragraphe 111 précisait néanmoins que cette mesure pourrait aussi avoir une portée « universelle » pour toute l’Église catholique.

On se croirait dans la lutte des classes : François, le page des pauvres, des Amérindiens, des migrants, des réformistes… Benoît, le pape des traditionalistes… Plus encore que la lutte des classes, la métaphore pourrait être celle du combat politique. Personne n’a obligé Benoît XVI à rendre son tablier, en 2013. Pourquoi s’acharne-t-il à déstabiliser son successeur, à l’empêcher de réformer l’Église, ce que lui ne put ni même ne voulut faire ? Les voies de l’ancien pape sont moins impénétrables que celles de son seigneur. Son ouvrage est plus politique que spirituel, et son initiative ne satisfera qu’une fraction de plus en plus marginale, et radicalisée, de l’Église catholique.

L’Église catholique n’a pas l’exclusivité de la pédophilie ou autres dérives ou abus sexuels. Des environnements clos et fortement hiérarchisés peuvent favoriser l’abus d’autorité, la domination ou la manipulation dans le but d’obtenir ou de s’arroger des faveurs sexuelles. Mais ces agissements sont particulièrement inacceptables lorsque les victimes sont des enfants, a fortiori lorsque les faits sont commis par des représentants officiels dans la morale judéo-chrétienne sur laquelle sont, en définitive, fondées les sociétés occidentales et de nombreuses autres.

Pourquoi la grande majorité, voire la quasi-exclusivité des grandes affaires de pédophilie concernent-elles l’Église catholique romaine ? On peut débattre du lien de causalité entre le célibat des prêtres, d’ailleurs très relatif, car ils sont en réalité plus nombreux qu’on ne le pense à vivre en couple, et les dérives pédophiles qui entachent gravement l’image de l’Eglise sur tous les continents. En revanche, il semble difficile de nier que plus que le célibat, la chasteté n’est ni authentiquement chrétienne, ni conforme à la nature humaine.

Comme l’explique le philosophe Michel Onfray dans « Décadence », ouvrage consacré à l’histoire de notre civilisation judéo-chrétienne, le christianisme prit un mauvais départ, sous la férule de Paul de Tarse, dit saint Paul : il n’aimait pas les femmes, ou plus exactement, les femmes n’avaient guère d’attirance pour cet homme. Il haïssait ce qui lui était refusé. Pourtant, la chasteté ne fut pas toujours une « vertu » chrétienne, si on en juge par les tribulations charnelles et parfois conjugales de la Curie, jusqu’à la papauté. Le Moyen-âge connut quelques papes de père en fils !

Dans son livre « L’Éternel au féminin », Hélène Pichon, catholique fervente, prône la « révolution sexuelle » de l’Église, pour la guérir de sa misogynie et de l’hypocrisie malsaine du célibat des prêtres et du vœu cette chasteté, qui ne doivent rien à la parole ni aux mœurs de Jésus. Dans un entretien accordé en février dernier à Opinion Internationale à l’occasion d’un sommet « antipédophilie » organisé par le Vatican, Hélène Pichon expliquait que « comme pour chaque religion, un besoin d’introspection est nécessaire pour que les pratiques de l’institution et celles des fidèles soient en phase avec les évolutions de la conscience humaine ».

Le juge laïc peut aider l’Eglise à lutter contre ses propres dérives en punissant sévèrement les pratiques pédophiles, mais aussi l’omerta que l’Église a trop souvent tenté de légitimer par le secret qui ne peut exister que lorsqu’il se rapporte à la confession, et dans la mesure où la gravité des faits confessés n’oblige pas à effectuer un signalement. Personne ne peut taire la pédophilie, à quelque titre que ce soit.

« Aide-toi et le ciel (ou le juge) t’aidera », pourrait-on suggérer au Pape François, dont on espère que la flamme révolutionnaire, ou plus modestement réformiste, ne s’éteindra pas. La vie sexuelle n’est pas incompatible avec la ferveur religieuse ou spirituelle. Personne ne passe son temps à copuler, et s’il fallait considérer que la dévotion exige l’ascèse, tous les plaisirs, toutes les joies hors du chemin biblique, devaient être bannis. À l’heure de la crise des vocations et de la multiplication des scandales sur les mœurs au sein de l’Église, une révision de la doctrine ne serait pas superflue.

« Je ne peux me taire » confesse Benoît XVI dans son livre. Le voilà qui a oublié que, parfois, le silence est d’or.

 

Michel Taube

 

Directeur de la publication

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