Opinion Amériques Latines
17H18 - samedi 24 octobre 2015

Colombie : une femme à la tête de la capitale ?

 

Sauf bouleversements majeurs, le prochain Maire de Bogota, devrait être la candidate d’une coalition des forces de gauche et progressistes, Mme Clara López Obregón. Et ce ne seront pas les sondages qui auront eu le dernier mot à l’issue des élections qui définiront les gouverneurs et députes départementaux ainsi que les maires et conseillers municipaux pour les cinq années à venir.

 

Appartenant à l’élite colombienne -sa famille compte dans son histoire deux présidents et un de plus grands peintres du pays- mais gardant un lien étroit avec des partis radicaux et des mouvements populaires, cette dirigeante vient d’entamer une bataille contre les instituts de sondages à cause des derniers résultats concernant les préférences électorales des habitants de la capitale qui la donnent perdante, la plaçant en troisième voire en cinquième position derrière le vote en blanc quand il y a deux mois a peine Mme López n’avait aucun concurrent. Selon elle, il y a intérêt des droites à Bogotá et des directeurs des médias pour influencer l’opinion en faveur des candidats de leur gré, et l’un en particulier : l’ancien maire, perdant à deux reprises consécutives face aux candidats de la gauche, Enrique Peñalosa.

 

L’image retouchée du candidat des couches privilégiées de la capitale

La course à la mairie de Bogotá présente deux paradoxes connectés. Primo, les attentes liées à la santé, l’éducation, les services publics de distribution (eau, gaz, électricité) et l’accès au logement n’apparaissent plus être des préoccupations majeures des « bogotanos ». Qui pourrait croire une partie influente de l’opinion, composée des classes des moyennes supérieures jusqu’au plus riches qui crie haut et fort que la qualité de vie dans la capitale colombienne a dégringolée due à l’action de trois dernières maires ; alors qu’elle est aujourd’hui le symbole de la réussite en matière sociale, et ce précisément à cause des politiques pratiquées pendant ces trois gouvernements.

Secundo, lors des prochaines élections les demandes le plus fortes concernent le transport et la mobilité urbaine. En responsabilisant du chaos véhiculaire urbain avec une certaine virulence l’actuel et l’avant dernier maire, Gustavo Petro et Samuel Moreno, ces mêmes couches ont déjà choisi leur élu, Mr Peñalosa, pour redorer leur ville. Ne se rappelant pas ou plutôt ne le voulant pas, elles ne reconnaissent pas que c’est pendant qu’il dirigeait Bogotá que les embouteillages se sont aggravés, et pour cause : la non planification pour répondre à l’augmentation du parc automobile; l’immobilisme pour renouveler les anciens véhicules des transports publics ; l’absence d’un ajustement des tarifs pour les plus pauvres habitants ; sans oublier surtout la décision prise en 1999 par Enrique Peñalosa de dire non au métro, et préférant le « transmilenio » peu approprié aux exigences d’une métropole avec une population qui se rapproche de 7 millions, et en octroyant les contrats de son exploitation à seize grandes familles.

 

Les médias montrés du doigt

Le seul but de ceux et celles qui soutiennent la candidature de Mr Peñalosa c’est d’empêcher que pour la quatrième fois consécutive Bogotá ait une direction de gauche. Pour y arriver ils/elles se servent des moyens dont ils disposent le plus, tels que les médias. Radio, télévision, presse, les plus importants chaînes et journaux bien qu’ils ne désignent pas nominalement Enrique Peñalosa, agissent de conserve pour affirmer qu’il faut un changement de cap dans la manière de gérer la ville, ce qui veut dire qu’il ne faut pas donner une chance à celle qui représente la continuité. Même les générateurs d’opinion ne cachent pas leurs préférences et invitent les électeurs à choisir entre s’enfoncer ou sortir du tunnel ; à leur yeux tous les autres candidats en tête dans les sondages, la plupart de droite, sont préférables à celle qui a su montrer son efficacité en 2007 en remplaçant le maire démissionnaire dû aux pratiques de corruption.

Le mécontentement de Mme López est tel qu’elle a envoyé des lettres au Conseil National Electoral et aux directeurs des principaux médias. Au premier, elle demande d’inspecter la qualité et exactitude des derniers sondages, en sollicitant que les enquêtes menées soient connues publiquement et en conviant le Conseil d’établir des paramètres qui permettent des sondages plus fiables et impartiaux. Quant aux directeurs des medias par contre, et en s’adressant particulièrement au directeur de El Tiempo, le journal de l’establishment, elle exige une égalité de traitement. Se demandant comment un journal aussi important ait fait appel à un institut de sondages qui dans la passé avait montré de sérieuses déficiences Mme Clara López rappelle comment la presse, les journaux télévisés et les antennes de radio ont une responsabilité vitale pour la consolidation de la démocratie, la reconnaissance de la pluralité des opinions politiques, et l’acceptation de l’opposition.

En espérant que ses démarches aient un effet, et restant vigilante quant a la mise en place d’interventions correctives, Mme López, seule femme dans la course pour un poste considéré en Colombie comme le deuxième en importance après celui du président de la République, attend avec sérénité les prochains sondages qui devraient rendre compte, d’une part, des adhésions récentes à sa candidature, comme la candidate de verts, Mme Maria Mercedes Maldonado, des membres du cabinet de l’actuel maire qui ont démissionné, des anciens sénateurs, ex ministres et ex candidats à la présidence tels qu’Antonio Navarro Wolf ; d’autre part, aspect non négligeable, les avancées positives concernant la dernière étape de négociations avec les FARC. En plus les politiques entreprises en matière d’éducation et de santé pendant ses dernières douze années à Bogota, dont la réussite ne peut être niée, et malgré de gros problèmes en mobilité urbaine que Mme Clara López affrontera avec détermination en construisant le métro, devraient se traduire par un appui des couches populaires et des secteurs appartenant aux classes moyennes, quand aura lieu le vrai sondage qui se fait le jour du vote, ce dimanche 25 octobre.

 

Jorge Guerra Velez
Sociologue