Human Rights
16H46 - jeudi 15 janvier 2015

Chronique du 15 janvier 2014 – La semaine sanglante de Boko Haram

 

Gros plan

BokoHaram Nigeria : la semaine sanglante de Boko Haram

Selon Amnesty International, Boko Haram, le groupe terroriste implanté dans le nord du Nigéria aurait massacré un cinquième de la population de Baga – près de 2000 personnes – et rasé seize villages des alentours.

Dans l’actu

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Les femmes djihadistes sont-elles de plus en plus nombreuses ?

« Aujourd’hui, dans une partie des milieux djihadistes, la présence féminine n’est plus considérée comme une aberration » 

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Une chaine télévisée pro-européenne en riposte à la propagande russe

Le ministre danois des AE Martin Lidegaard a formulé la semaine dernière l’initiative de la Grande-Bretagne, du Danemark, de la Lituanie et de l’Estonie de fonder en guise de contrepoids aux médias russes une chaîne de télévision en russe pour les russophones habitant en Europe et à l’étranger.


Nigeria : la semaine sanglante de Boko Haram

BokoHaramSelon Amnesty International, Boko Haram, le groupe terroriste implanté dans le nord du Nigéria dont l’appellation signifie « l’occident est impur » en haoussa, aurait massacré un cinquième de la population de Baga – près de 2000 personnes – et rasé seize villages des alentours. Gros plan sur cette secte qui n’en finit pas de semer la terreur.

Des populations décimées

Depuis le samedi 3 janvier, Boko Haram attaque quotidiennement la région de Baga, une zone de pêche sur les rives du lac tchadien dans le nord-est du pays.

Mercredi 7 janvier, au moment où douze personnes sont lâchement assassinées à Paris, seize villages sont détruits dans le nord-est du Nigéria.

On assiste bien à une escalade sanglante contre les civils, dont le nombre de victimes est incalculable. « Personne ne s’attardait pour compter les morts, nous fuyions tous la ville » raconte un résident local à l’ONG Human Rights Watch (HRW). « Sur cinq kilomètres, je n’ai pas arrêté de marcher sur des cadavres, jusqu’à ce que j’arrive au village de Malam Karanti, qui était également désert et brûlé », raconte un autre témoin.

L’armée nigériane, qui lutte pour reprendre Baga des mains de Boko Haram, a tendance à minimiser le bilan des victimes, en affirmant cette semaine que 150 personnes avaient été tuées. Elle accuse de « sensationnalistes » les estimations d’ONGs faisant état de 2 000 morts.
L’étendue des dégâts pourra être mesurée sur place, seulement à l’issue du conflit. Mais c’est le nouvel instrument de la secte islamiste qui a choqué particulièrement la communauté internationale, à savoir l’emploi de petites filles dans des attentats suicides.

La tactique des fillettes-kamikazes

Samedi, une bombe cachée sous le voile d’une petite fille d’une dizaine d’années a explosé dans un marché très peuplé de Maiduguri, le Monday Market tuant au moins 20 personnes, dont l’enfant, et en blessant beaucoup plus. L’âge si jeune de la fillette représente «une nouvelle tactique» pour Boko Haram, selon le New York Times. 

«Le groupe terroriste utilise de plus en plus de femmes pour ses attentats-suicides […] mais utiliser un enfant pour tuer –des témoins, agents de police et un responsable de l’hôpital de Maiduguri se sont tous accordés à dire que le kamikaze était très jeune– pourrait être sans précédent dans leur campagne.»

Une couverture médiatique minimale

A part ce cas terrible d’enfants transformés en bombes explosives qui a indigné, beaucoup reproche aux médias internationaux de ne pas s’être mobilisé autant pour le massacre du Nigéria que celui de Charlie Hebdo. Comme par exemple, le Sud-Africain Simon Allison, qui a couvert de nombreux conflits africains, pour le Daily Maverick. «  Il y a massacres et massacres, écrit Allison. Le massacre de Paris était effrayant, mais ce n’était pas la pire chose qui s’est passée la semaine dernière. Et de loin. »

Alors que les pays voisins s’inquiètent de la montée des violences, le prochain espoir pour la région dépend de l’élection présidentielle, prévue le 14 février au Nigéria.


Les femmes djihadistes sont-elles de plus en plus nombreuses ?

couple-100La semaine dernière, pour la première fois en France, une femme, Hayat Boumeddiene, s’est retrouvée impliquée dans des attentats terroristes de grande ampleur. Simple hasard ou fait de plus en plus fréquent ? Eléments de réponses.

Aujourd’hui, s’il est difficile d’estimer le nombre exact de femmes ayant rejoint le rang de groupes islamistes armés, d’après le journaliste David Thomson (RFI, France 24), il y aurait près de 150 françaises aux côtés des combattants français en Syrie.

Si ce chiffre est variable, il dénote en tout cas d’une nouvelle tendance surprenante de la part de l’organisation de l’Etat islamique (EI). Malgré sa haine des femmes, l’islam radical n’hésite plus à les utiliser pour véhiculer son idéologie. Ce qui n’était pas encore le cas au début des années 2000. Par exemple, Mohammed Atta, un des pilotes impliqué dans l’attentat contre le World Trade Center avait mentionné dans son testament qu’il refusait qu’une femme puisse toucher son cadavre. Ce genre de phobie anti-féminine semble révolu.

Olivier Roy, politologue français, spécialiste de l’islam, le confirme dans une interview pour TV5 Monde : « Aujourd’hui, dans une partie des milieux djihadistes, la présence féminine n’est plus considérée comme une aberration ».

En juin dernier, la création d’une brigade féminine par le dit Etat islamique, surnommée El-Khansa d’après la poétesse préislamique, en Irak et en Syrie témoigne de ce changement de mentalité des groupes terroristes. Plus qu’une simple tactique, une stratégie durable se dessine dans l’arsenal idéologique des islamistes. L’implantation d’agences matrimoniales dans la vile d’Al-Bab (région d’Alep) est un signe, parmi d’autres, destiné aux femmes qui souhaiterait épouser un ultra-radical, sachant que le mariage est une étape obligatoire du recrutement des femmes djihadistes. Le cas d’Hayat Boumedienne, mariée à Amedy Coulibaly, le rappelle.

Les femmes apparaissent donc comme un nouvel instrument du djihad, assurant aux groupes terroristes une médiatisation plus importante et leur garantissant des servantes dévouées, pour quelque 200 dollars par mois, quand elles combattent. Car nombre d’entre elles, sont plutôt réduites à procurer du soutien moral et à élever « les futurs lions de l’Islam dans l’amour du djihad », comme le disent les djihadistes eux-mêmes. Cet asservissement, affirme Nahida Nakad, ancienne journaliste devenue consultante en relations internationales, s’explique par le lavage de cerveau visant à faire croire aux femmes que seul l’islam les respecte et que l’Occident leur manque de respect, puisque cette société montre leur corps et les oblige à côtoyer des hommes.

Comme pour leur homologues masculins, l’endoctrinement de ces femmes se déroule activement sur les réseaux sociaux, où de nombreux comptes Twitter, Facebook ou Skype sont le théâtre de manipulations idéologiques en toute impunité. Une régulation de ces réseaux sociaux parait donc s’imposer, sans devoir pour autant passer par le reniement de la liberté d’expression en ligne.


Une chaine télévisée pro-européenne en riposte à la propagande russe

le-president-russe-vladimir-poutine-sur-un-plateau-de-television-a-moscou-le-11-juin-2013_4716879Le ministre danois des AE Martin Lidegaard a formulé la semaine dernière l’initiative de la Grande-Bretagne, du Danemark, de la Lituanie et de l’Estonie de fonder en guise de contrepoids aux médias russes une chaîne de télévision en russe pour les russophones habitant en Europe et à l’étranger.

Depuis le 1er janvier 2015, la Lettonie a pris la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. Ce pays balte à l’histoire tourmentée, entre annexions et libérations, et animé par une bi-culture russo-lettonne, fait l’objet de tensions palpables avec Moscou. Malgré l’indépendance lettonne obtenue en 1991, la liberté d’information n’y est toujours pas garantie.

En effet, l’audiovisuel letton repose en grande partie sur les chaines de télévision russes comme RBK Ren TV, RTR Planeta ou encore NTV Mir. Néanmoins, depuis la récente crise ukrainienne, la population et les autorités lettonnes accusent le Kremlin d’intensifier sa propagande à travers les programmes télévisés. En avril dernier, plusieurs programmes russes anti-ukrainiens avaient déjà été interdits en Lettonie et en Lituanie.

Si cette propagande russe ne convainc pas toute la population russophone de Lettonie, la représentante permanente lettone à l’UE, Ilze Juhansone regrette que ces chaines russes qualifient régulièrement les représentants ukrainiens de nazis ou fascistes et emploient des expressions de la guerre froide, le tout dans un style très années 1980.

La diplomate, déplorant cette propagande lors de la présentation des priorités lettones pour la présidence de l’UE, ajoute qu’il relève de la « responsabilité de l’État » de diffuser des points de vue différents sur l’actualité.

Le ministère des affaires étrangères letton, avec l’appui de l’Union européenne, espère donc que le lancement de cette chaîne de télévision généraliste, alternative aux programmes russes, pourra être annoncé dans le courant du mois de mai. Un travail d’experts indépendants devrait précéder.

La nouvelle chaine serait différente de la version russe d’Euronews, puisqu’elle ne diffuserait pas que des informations mais des programmes diversifiés. Selon le conseiller du ministre des affaires étrangères letton, Viktors Marakrovs, l’indépendance éditoriale de la chaîne télévisée sera garantie, le but n’étant pas de remplacer la propagande russe par celle de Bruxelles.

C’est pourquoi, la Commission européenne apporterait un soutien financier partiel, complété par celui de pays volontaires comme la Suède et le Danemark. Selon Viktors Makarovs, une déclinaison radio de cette chaîne télévisée européenne pourrait être envisagée. Contrer la propagande du Kremlin est un des enjeux cruciaux pour les anciens pays de l’URSS, pourtant aujourd’hui pleinement intégrés dans l’Union européenne.

Cette initiative médiatique serait donc inédite pour l’Union européenne, puisqu’il ne s’agirait pas de soutenir une chaine d’information telle Euronews, mais bien d’une chaine de télévision généraliste. Comme l’adhésion au projet européen passe, entre autres, par le temps d’antenne et le nombre de colonnes consacré à l’Europe, et que les médias ont la capacité de rapprocher peuples et cultures, cette initiative pourrait-elle ouvrir le débat sur une chaine télévisée européenne indépendante et généraliste, diffusée dans les 28 Etats-membres ?

Journaliste en formation