Tunisie
12H24 - lundi 29 avril 2013

Sidi Amor, un écovillage au coeur de la Tunisie

 

ecovillage

Cet écovillage se situe sur les premières collines qui surplombent la baie de Tunis, au dessus de l’Ariana. La ville et ses grands lacs s’étalent en contrebas. Du lieu, on ne voit que la plaine agricole du nord et la mer au loin : il est caché au creux d’un vallon désert entouré des seuls champs d’oliviers et des bois de pins. Dans cette sérénité, on oublie que, la capitale gronde, toute proche, à peine à vingt minutes de voiture.

Ce lieu ambitionne d’être la concrétisation d’un mode de vie harmonieux et apaisé, respectueux de l’environnement et du monde social qui l’entoure. Face à la bétonisation massive et rampante qui menace les paysages et les villes, Sidi Amor se veut le pionnier dans l’écoconstruction et relève le défi d’un habitat d’avenir durable, adapté aux conditions sociales et climatiques de la Tunisie. Ici on innove, on recherche, on expérimente les techniques alternatives de maraîchage, de construction et de vie collective.

Une soixantaine de personnes participent à ce projet. Un noyau dur d’une quinzaine de femmes et d’hommes sont en permanence sur le lieu. D’autres habitent Tunis et apportent leur aide ponctuellement, ou viennent de la Tunisie entière et de la France pour des séjours à durée très variable. Ils s’impliquent dans la vie du lieu et son élaboration. L’une des réussites est d’avoir su accueillir des personnes de niveau socioculturel, d’âge et de parcours professionnels très différents, de leur avoir donné une juste place en adéquation avec leurs volontés et leurs compétences. Pas de rôles stricts, chacun travaille selon les besoins et ses préférences. Thierry par exemple, tailleur de pierre et forgeron, compagnon du Tour de France a découvert Sidi Amor il y a plusieurs années et n’est jamais reparti. Aujourd’hui, il forme les jeunes apprentis de l’équipe.

Un grand souci esthétique imprègne le lieu. Au milieu de l’aridité des pinèdes, de l’odeur sèche des résineux, on trouve ce havre de verdure aux douces odeurs de fleurs. En premier lieu, le projet s’est élaboré autour de la création d’une roseraie. Elle est aujourd’hui la clé de voute des quatre jardins d’agrément avec plus de 200 variétés de roses apportées du monde entier. La finesse des agencements des jardins, la précision des éléments architecturaux, tout concourt au sentiment de se trouver dans une oasis belle et réfléchie.

Avec l’esthétique, un autre élément central du projet, la revalorisation. Redonner une valeur aux objets, aux savoirs et aux espaces délaissés par la course à la modernité et à la sur‐consommation. Les déchets des carrières de pierres toutes proches servent directement à la construction des bâtiments. Avec les déchets des carrières de marbre, le jeune céramiste Med Fadel crée des splendeurs : mosaïques dans les jardins, ornements sur les murs…

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Les merveilles de la récup’.

En lien avec les paysans, les savoirs vernaculaires liés à la nature sont revalorisés. Plantes sauvages comestibles, fabrication d’objets en osier et diss, techniques agricoles traditionnelles, autant de savoirs qui auraient tendance à disparaître au profit d’une agriculture moderne et conventionnelle. Ces savoirs viennent compléter les connaissances en permaculture et agroforesterie de Hayder, qui s’occupe des plantations. Le lieu tend vers l’autosuffisance en fruit et légumes. La forêt est en cours de sauvegarde et sera revalorisée par un parcours de santé. L’enjeu est d’arrêter l’exploitation sauvage d’une carrière de gravas.

Les espaces de production agricole de grande culture (céréales et oliviers) sont plus éloignés

Plusieurs jardins dans le jardin : la roseraie, la carré médicinal, le jardin d’orient.

du centre de vie (le bâtiment principal) que les jardins d’agrément. Le long de l’oued (l’emplacement du ruisseau éphémère) a été mis en place un système de mare pour favoriser une biodiversité aquatique et attirer les oiseaux. Les espaces naturels, forêt et garrigue, se situent en périphérie sur les hauteurs. C’est là qu’on trouve par exemple la terre blanche pour les enduits des murs. Le puits, un forage de plus de 180 m, alimente tout le site en eau.

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Les espaces de production agricole de grande culture (céréales et oliviers) sont plus éloignés du centre de vie (le bâtiment principal) que les jardins d’agrément. Le long de l’oued (l’emplacement du ruisseau éphémère) a été mis en place un système de mare pour favoriser une biodiversité aquatique et attirer les oiseaux. Les espaces naturels, forêt et garrigue, se situent en périphérie sur les hauteurs. C’est là qu’on trouve par exemple la terre blanche pour les enduits des murs. Le puits, un forage de plus de 180 m, alimente tout le site en eau.

Le centre d’expérimentation en éco-­‐construction : novateur dans le contexte tunisien, le projet

Le Diss est utilisé pour la fabrication des paniers.

s’articule autour de la formation et de l’expérimentation des techniques de construction alternatives en partenariat avec de nombreux acteurs de l’éco-­‐contruction dans le bassin méditerranéen : le centre CRAterre spécialisé dans les construction en terre, la voute nubienne, association de réhabilitation des techniques traditionnelles en terre, le Centre Technique des Matériaux de Construction, de la Céramique et du Verre (CTMCCV). Le but est de promouvoir en Tunisie des techniques comme l’adobe, le pisé, la brique de terre compressée (BTC), la paille, qui sont peu coûteux voire gratuits et non polluants… Plusieurs prototypes ont déjà été construits à Sidi Amor : une maison en paille porteuse avec un toit végétalisé, un bâtiment basse consommation et une maison en BTC (la terre du site est compressée à l’aide d’une machine construite par Thierry). Chaque été est organisé un chantier-­‐école d’éco-­‐construction à destination des étudiants en architecture, apprentis et ingénieurs. Ces initiatives ont mis éveillé les curiosités et les intérêts du gouvernement et des associations. Plusieurs ministres tunisiens, les ambassadeurs de Corée, de Turquie et des Etas Unis, des architectes internationaux et de nombreux acteurs de la société civile ont ainsi visité le site ces deux dernières années en vue de monter des partenariats.

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Chantier école en 2011 : construction d’une maison en brique de terre compressée.

Sidi Amor est un projet en cours. A terme, il est prévu que le site soit un espace d’accueil : accueil de groupes pour des séminaires et des particuliers pour du tourisme vert. Il comptera un village des métiers d’artisanat pour promouvoir les techniques traditionnelles de ferronnerie, taille de pierre, céramique… D’un point de vue économique, le centre vit des dons, du bénévolat et de quelques subventions. Il n’a pas actuellement de modèle économique viable qui le rende totalement indépendant. Cependant, il offre du travail à des personnes qui en cherchent. Il veut aussi avoir un rôle social d’insertion. Il travaille déjà avec des femmes rurales et accueille des personnes handicapées en lien avec la ferme thérapeutique pour handicapés de Sidi Thabet.

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L’un des projets tourne autour de la promotion des huiles essentielles. Le centre possède un distillateur et produit lui‐même de petites quantités d’huile essentielle de romarin et de cyprès. Il soutient les travaux sur la production et la commercialisation de ces huiles thérapeutiques : une doctorante planche ainsi actuellement sur l’utilisation du pistachier lentisque, très abondant dans les collines environnantes.

En retrait des remous politiques et des tourbillons urbains, Sidi Amor participe activement à l’émergence d’une modernité respectueuse de l’humain et de la nature en Tunisie.

Arthur Liantran, écoactiviste

Visitez son blog : Sentiercentroutes