Tunisie
06H52 - mercredi 10 avril 2013

FSM Tunis 2013 : une réussite organisationnelle, un bilan mitigé sur le contenu

 

Du 26 au 30 mars dernier, Tunis a été la capitale de la société civile altermondialiste. À l’occasion du 12e Forum social mondial (FSM), 4 000 organisations et plus de 60 000 participants se sont rassemblés pour ce grand rendez-vous mondial. Participants et organisateurs ont salué une organisation remarquable pour ce premier FSM dans un pays arabe en pleine transition démocratique.

rassemblement fsm

Organiser un FSM à Tunis ? La décision a été prise en 2011 au FSM de Dakar, indiquait Mokhtar Trifi, président d’honneur de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), en marge de la marche d’ouverture, le mardi 26 mars dernier. Ce choix semblait tout naturel en ce début de Printemps arabe, pour soutenir la transition démocratique et surtout la jeune société civile tunisienne qui tente laborieusement de s’organiser après avoir été bâillonnée pendant des décennies de dictature.

 

Un programme lourd et de qualité inégale

Ces deux derniers thèmes ont d’ailleurs été, avec celui de la migration, les principaux sujets abordés tout au long de ce Forum. En effet, lors de ces quatre jours se sont tenus pas moins de 1 700 ateliers, tables rondes et débats. Ils forment d’ailleurs, en théorie, la raison première de la tenue du FSM, en permettant à la société civile du monde entier d’exposer et de confronter ses expériences et ses idées.

Dans la pratique, ces activités sont toutefois de qualité assez inégale et connaissent une affluence tout aussi déséquilibrée. Leur nombre a également  fait l’objet de certaines critiques. Nous avons pu croiser des participants consciencieux ne sachant plus où donner de la tête devant ce programme pléthorique. La conférence donnée par Tarik Ramadan le 28 mars a ainsi fait salle comble dans l’une des plus grandes salles du campus universitaire d’El Manar de Tunis, alors que beaucoup d’autres ateliers, au moins aussi pertinents, ne comptaient qu’une poignée de participants.

 

Le nationalisme arabe omniprésent dans les allées de ce FSM tunisien

village fsmMais, c’est dans les allées du campus que se déroulait l’essentiel : stands d’associations, rassemblements spontanés autour d’un orateur plus ou moins improvisé, danses et spectacles traditionnels ainsi que les inévitables défilés revendicatifs, dont le bruit couvrait toutes les discussions à leur passage.

Ce battage revendicatif a d’ailleurs suscité bon nombre de commentaires. L’altermondialisme des débuts a laissé la place, pour cette édition, au nationalisme pro-arabe et exacerbé des jeunes de la gauche tunisienne. Les pro-Bachar Al-Assad étaient en nombre sur le campus, certains allant jusqu’à arborer des portraits de l’ancien dictateur Saddam Hussein. Des échauffourées entre pro et anti-Bachar, rapidement maitrisées, ont menacé de gâcher l’ambiance plutôt détendue du Forum dans l’ensemble.

La cause palestinienne, chère à nombre de Tunisiens, était également omniprésente. Les passants étaient notamment invités à piétiner un drapeau israélien sur l’esplanade centrale de la faculté de droit, à côté d’une exposition de photos d’exactions attribuées à l’État hébreu. Seuls de rares participants, principalement non Tunisiens, ont paru gênés par ce déferlement d’antisionisme, parfois à la limite de l’antisémitisme, comme cette pancarte brandie lors du défilé de clôture, associant la croix gammée et le drapeau d’Israël.

L’occasion de renforcer les réseaux internationaux de militantisme

Dans cette marée de drapeaux palestiniens et syriens, les autres thèmes du FSM auraient presque pu passer inaperçus. L’effacement de la dette, la situation des femmes dans les pays du sud, la liberté de circulation et d’installation, l’écologie, la liberté d’expression ou encore le désarmement ne sont que quelques exemples des thématiques abordées lors des débats, mais qui n’ont bénéficié que d’une faible médiatisation.

Cependant, les militants travaillant aux quatre coins du monde sur des causes communes se sont retrouvés en un même lieu pendant quelques jours. C’est là le véritable intérêt du FSM, celui de tisser des réseaux internationaux et de préparer de futures collaborations entre associations et ONG d’horizons divers. Dans ce registre, l’édition tunisienne du Forum a pleinement donné satisfaction.

Durant cinq nuits, Tunis a pris des allures festives jusque tard dans la nuit. Les milliers de visiteurs venus de l’étranger ont ainsi fait le bonheur des restaurateurs, cafetiers et barmen de la capitale tunisienne.

Un FSM hautement politisé

Au final, ce FSM tunisien est un succès du point de vue de l’organisation. Le comité international, relayé sur place principalement par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), a accompli un travail remarquable qui a payé. De l’aveu même de plusieurs organisateurs, le FSM 2013 est le seul dont le programme ait été arrêté plusieurs jours avant son démarrage. Lors des précédentes éditions, notamment celle de Dakar en 2011, le planning s’établissait à la fur-et-a mesure ou n’était tout simplement pas respecté.

La politisation à outrance du FSM de Tunis pose en revanche un certain nombre de questions. La charte du forum stipule en effet que les organisations et partis politiques n’y ont pas leur place. Cela n’a pourtant pas empêché l’expression d’un certain nombre de revendications politiques et la présence de certains partis. Outre la gauche tunisienne présente et bruyante, il était par exemple possible de croiser une délégation du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) menée par sa figure de proue, Olivier Besancenot.

Rached Cherif