Edito
16H38 - mercredi 20 février 2013

Mali : une bataille trop vite gagnée ?

 

La perspective de voir le Mali tomber aux mains de Djihadistes était inadmissible, tant moralement au vu des pratiques barbares qu’imposaient les troupes d’Ansar Dine, d’Aqmi et du Mujao aux habitants du nord du Mali, qu’en termes géopolitiques. A ce titre, il faut se féliciter de l’intervention militaire rapide de la France, saluée par la plupart des pays africains et la communauté internationale.

Si l’on omet la forte résistance en sous-main des dirigeants algériens, qui ne se sont résolus que très récemment à une intervention  de la France dans ce qu’elle juge être son pré carré, seuls des pays à tradition religieuse rigoriste ont dénoncé cette intervention. Le président égyptien Morsi, – qui vient d’annuler sa visite à Paris – s’y est vivement opposé. Les Autorités qatariennes ont mis en doute son bien-fondé. La Tunisie, troïka gouvernementale oblige, a eu une position plus confuse, se cachant derrière la souveraineté du Mali pour soutenir du bout des lèvres cette intervention. Rappelons tout de même que la plus haute autorité musulmane du Mali, au nom des principes de l’Islam, M. Mahmoud Dicko, a accordé son soutien sans faille à l’opération française.

 

 

 

Où sont passés les Djihadistes ?

 

L’on peut donc se réjouir de la reprise, par les soldats français et maliens, de nombreux territoires alors contrôlés par les Djihadistes, et notamment de grandes villes du Nord-Mali. Cependant, la déclaration du président français François Hollande, “Nous sommes entrain de gagner la bataille”, prononcée le 28 janvier dernier, peut paraître hâtive. Le retrait rapide des Djihadistes de leurs anciens bastions ne saurait garantir sa pérennité. L’armée malienne saura-t-elle assurer l’ordre qu’elle n’a pas su maintenir dans le passé ? Et quelle autonomie souveraine aura-t-elle avec des troupes africaines et françaises présentes à ses côtés ? Et puis se pose la question : où sont passés les Djihadistes ? Les médias se gardent bien pour le moment d’évoquer cette question. La ville de Kidal, habitée par des touaregs, résistera-t-elle plus longtemps ?

 

Comment reconstruire le Mali ?


Et puis surtout, il faudra s’interroger – et y répondre très vite – sur les raisons de l’effondrement de l’Etat malien dans le nord du pays et les conditions d’un retour de l’État de droit dans l’ensemble du pays. Si le coup d’Etat de janvier 2012 orchestré à Bamako par un quarteron de militaires en colère  a facilité la prise du Nord-Mali par les Djihadistes, c’est l’absence d’État dans la capitale malienne qu’il importe notamment de mettre en cause.

Il faudra aussi s’interroger – et y répondre très vite – sur le jeu coupable, et longtemps dénoncé par les populations civiles, insuffisamment écoutées, des Touaregs du MNLA. Ils ont pactisé avec le diable et se sont brûlé les ailes. Ce que l’on sait moins aussi, c’est qu’au cours des précédentes années, les Touaregs qui contrôlaient des parties du Nord-Mali commettaient des exactions sur les populations civiles et laissaient les villes et les villages dans une anarchie totale, autant d’éléments qui ont fait le lit des Djihadistes et du semblant d’ordre qu’ils apportaient.

Il faudra enfin s’interroger sur la priorité donnée au renforcement des troupes africaines en cours d’acheminement au Mali. Hier mardi 29 octobre à Addis Abeba, la Conférence des donateurs pour le Mali a mobilisé près de 450 millions d’euros de promesses de dons pour l’armée. Mais est-ce vraiment l’armée qui a le plus besoin de soutien et de moyens si la libération du Nord-Mali avance si vite ?

N’est ce pas plutôt la société civile, les corps intermédiaires à reconstruire, les écoles, les hôpitaux qui ont besoin d’être soutenus pour saper les fondations du discours des islamistes et de leur idéologie moyenâgeuse ?

 

Inquiétudes humanitaires et espoirs pour demain

 

Un raid « raté » de l’armée tricolore aurait coûté la vie à plus d’une dizaine de civils maliens et en auraient blessé quinze autres. Par ailleurs, des informations remontent depuis plusieurs jours sur des exactions et des représailles commises par l’armée malienne sur des habitants des villes reconquises, soupçonnés d’avoir soutenu les islamistes. Informations auxquelles les autorités françaises ont promptement réagi en demandant le « déploiement rapide d’observateurs internationaux » dans le pays pour veiller au respect des droits de l’homme face au risque d’exactions. La vigilance et la célérité des autorités maliennes, de la France et de la communauté internationale doivent effectivement et nécessairement se porter sur le respect des conventions internationales et sur les poursuites contre les auteurs de tels actes pour que soit envisagé le retour d’un État de droit au Mali.

Il s’agira également de compter sur l’esprit pacifique et non communautariste de la plupart des Maliens. Si l’Islam rigoriste a gagné de nombreuses consciences en Afrique ces dernières années, sur le terreau de la pauvreté et du désœuvrement, il n’empêche : les Maliens vivaient sans violence dans une société pluriethnique apaisée.

C’est au niveau de l’État, de mouvements politiques opportunistes et de l’armée que des raisonnements dangereux ont germé ces dernières années et que des alliances contre-nature entre touaregs et islamistes se sont forgées. Un profond renouvellement du personnel politique malien est aujourd’hui nécessaire.

 

Michel Taube


Un raid « raté » de l’armée tricolore aurait coûté la vie à plus d’une dizaine de civils maliens et en auraient blessé quinze autres[i].  


[i] « Revealed: how French raid killed 12 Malian villagers », The Independent, 28 janvier 2013. http://minu.me/85aa

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