Tunisie
06H06 - mercredi 23 janvier 2013

Qui veut déstabiliser l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections ?

 

Quels sont les enjeux autour de la création de l’ISIE ? Alors qu’une nouvelle loi a mis sur pied une prochaine Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), celle que préside Kamel Jendoubi et qui a organisé les élections de 2011, et qui est toujours en place officiellement, fait l’objet d’une polémique. Des fuites de documents confidentiels ont déclenché des actions en justice dans une tentative flagrante de déstabiliser les organisateurs des élections du 23 octobre 2011.

Une plainte contre l’ISIE fait polémique

C’est au sujet des comptes de l’ISIE première du nom, qu’une polémique fortement médiatisée a éclaté en plein examen de la loi créant la nouvelle ISIE en décembre 2012. Le travail de la précédente instance en charge des élections et celui de son président Kamel Jendoubi a en effet été attaqué par la Cour des comptes, qui a vu des extraits de ses travaux fuir dans la presse.

Suite aux observations préliminaires des comptables de l’État, une enquête a été ouverte le 3 décembre 2012 sur de supposés « dépassements d’ordre financier et administratif ». C’est le turbulent et médiatique avocat Fethi Lâayouni, travaillant pour le contentieux de l’État, qui est à la manœuvre. Il a porté plainte, laquelle a été transmise au procureur de la République du tribunal de Tunis.

 

La contre-attaque de l’ISIE

M. Fethi Lâayouni

Dès le lendemain, l’ISIE riposte dans un communiqué signé par Kamel Jendoubi en personne. Celui-ci pointe en premier lieu l’incongruité de la plainte, basée sur des observations préliminaires de la Cour des comptes et non sur son rapport préliminaire, qui n’était pas encore achevé au moment de la plainte. De plus, le texte rappelle que c’est au commissaire général du gouvernement auprès de la Cour des comptes d’initier une procédure judiciaire s’il le juge nécessaire.

L’ISIE conclut en s’interrogeant sur les parties à l’origine de cette plainte anticipée. Cette procédure est d’autant plus intrigante qu’en attaquant l’Instance au moment où la nouvelle ISIE doit être formée, cette action en justice pourrait avoir pour objectif non avoué d’écarter ses membres, dont le travail a pourtant été reconnu lors des élections du 23 octobre 2011.

 

La société civile solidaire de l’ISIE

M. Kamel Jendoubi

 

L’ISIE présidée par Kamel Jendoubi auditionné le 17 décembre 2012, a reçu le soutien de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) qui a annoncé le 27 décembre dernier qu’elle déposait une plainte au pénal à la suite de la fuite des notes préliminaires de la cour des comptes. Le Réseau euro-méditerranéen pour les droits de l’Homme, la Fédération internationale des droits de l’Homme, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme et l’Association tunisienne des Femmes démocrates ont également fait savoir qu’ils prennent la défense de l’Instance supérieure indépendante pour les Élections du 23 octobre 2011 et de son président.

 

 

 

Pas d’élections avant de longs mois

Outre cette procédure, la volonté politique d’organiser rapidement des élections est aussi en question. De nombreuses voix se sont élevées pour pointer le retard pris en la matière. Yadh Ben Achour, professeur de droit constitutionnel, a formellement exclu l’organisation des prochaines élections au mois de juin, date avancée par le gouvernement, dans le contexte politique actuel. Il faudrait selon lui huit mois à partir de la mise en place de la nouvelle instance électorale. L’estimation de six à huit mois est celle qui revient le plus souvent, ce qui conduit les prochaines élections en Tunisie en automne 2013 au mieux, mais plus vraisemblablement au début de l’année 2014.

 

Rached Chérif