Tunisie
07H20 - mardi 11 décembre 2012

Human Screen, un festival international du film en Tunisie pour réveiller les consciences

 

A peine deux ans après la révolution en Tunisie, la première édition du Festival international du film des Droits de l’homme, Human Screen, s’est ouverte à Tunis le jeudi 6 décembre 2012. La tenue d’un tel festival était inimaginable il y a encore deux ans. Plus de 35 films conçus par des réalisateurs de plusieurs nationalités et permettant au public d’envisager la problématique des droits humains à travers le cinéma sous ses différents angles sont au programme. Des invités tels que Andrea Kuhn, directrice du festival international du film des droits de l’homme de Nuremberg, le magistrat Louis Joinet, militant français des droits de l’homme et Malcom Guy, réalisateur canadien, étaient présents.

 

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Le Festival Human Screen s’achève au terme d’une première édition réussie tant dans son organisation que dans son contenu. Les droits humains et le combat pour ces droits étaient en effet au cœur des films, documentaires et courts-métrages présentés au public.

Le festival s’est déroulé du 6 décembre au 9 décembre dans la capitale Tunis mais également à Sbeïtla, à 260 km au sud, afin de partager les films avec le public des régions. Le festival a aussi eu pour vocation de sensibiliser le public par le cinéma. Partager et diffuser les valeurs des droits de l’homme par l’image est essentiel. En Tunisie, la dictature de Ben Ali n’a en effet jamais soutenu à travers l’éducation le sens de la critique de l’image et l’apprentissage de ces valeurs universelles. Différents débats ont été organisés tout au long du festival autour de thèmes d’actualité : droits des femmes, justice transitionnelle et immigration.

Des débats profonds autour des films présentés

 

Le film Die Welt du réalisateur néerlandais Alex Pistra, projeté en ouverture du Festival, a permis aux spectateurs de s’immerger dans le désespoir de jeunes Tunisiens sans perspectives dans leur pays, voulant à tout prix au péril de leur vie quitter le pays pour l’Europe et en particulier l’île italienne de Lampedusa, proche des côtes tunisiennes. On a pu noter par ailleurs l’absence du Ministre de la Culture Mehdi Mabrouk annoncé pour la cérémonie d’ouverture et des médias internationaux, excepté la BBC Arabic venue couvrir l’événement.

La  journée du samedi 8 décembre 2012 a été riche des débats organisés après les différentes projections. Des portraits de militants ont été présentés telle Halima Jouini, la militante de  la Ligue Tunisienne des droits de l’Homme et de l’Association tunisienne des femmes tunisiennes ou Louis Joinet, magistrat français. Un message à la jeune génération pour prendre la relève et continuer de porter ces valeurs universelles en Tunisie.

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© Karim Kamoun

Plusieurs débats ont également été organisés autour du thème des droits des femmes en présence de plusieurs intervenants comme Atidel Mebjri président du CAWTAR (Center of Arab Women for Training and Research- Le centre des femmes arabes pour la formation et la recherche) et de la réalisatrice algérienne Sofia Djemaa venue présenter son court-métrage. Il ressortira de ce débat que la défense des droits des femmes est d’actualité sous différentes problématiques aussi bien en Europe que dans les pays arabes ; car malheureusement la femme reste identifiée par la société uniquement comme un corps par sa représentation à travers l’image et le cinéma et non pas par sa personne qui se détache du personnage jouée par l’actrice.

Le débat s’est poursuivi avec le magistrat français Louis Joinet sur le thème des droits humains. OI a demandé à Monsieur Joinet quelle était sa vision des révolutions en cours dans le monde arabe malgré les évolutions souvent violentes qu’elles ont engendré. Le militant des droits de l’Homme considère que l’Histoire est en train de changer et qu’il faudra beaucoup de temps et de patience pour réussir les différentes révolutions. Il souligne d’expérience, qu’il faut rester vigilant car parfois  « l’oppressé peut devenir l’oppresseur », en imposant des idées contraires aux idéaux progressistes. Une grande émotion donc, partagée avec un public honoré de sa présence en Tunisie pour cette première édition du Festival Human Screen.

 

La diffusion s’est poursuivie ensuite avec la projection des courts métrages évoquant les sujets de l’immigration en France et en Espagne, de la discrimination et des violences faites aux femmes dans différents pays comme la France, l’Algérie mais aussi de la jeunesse en Egypte et des disparitions forcées en Argentine. Des images touchantes pour réveiller les consciences et constater que les droits humains sont bafoués au quotidien partout dans le monde.

Le film Mollement Un Samedi Matin de la réalisatrice algérienne Sofia Djama fut le plus bouleversant. Il évoque la violence de cette société algérienne qui stigmatise en permanence ses femmes, au travers d’une jeune femme victime d’une tentative de viol. Elle observe aussi sa jeunesse, en manque d’espoirs face à la situation économique et au chômage.

 

La journée de clôture : entre palmarès et politique

 

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© Karim Kamoun/Facebook

Après plusieurs diffusions, s’est  distingué le film vol spécial, du réalisateur suisse Fernand Melgar, qui a reçu le prix du jury Human Screen pour le meilleur long métrage. Le film évoque les centres de rétention des sans-papiers, en Suisse, avant leur expulsion vers leur pays d’origine. Le jury a également honoré le film L’affaire Chebaya du réalisateur belge Thierry Michel d’une mention spéciale. Le prix du meilleur film tunisien a été remis au réalisateur Mounir Baaziz pour le film Une vie en dents de scie, portrait de la militante Halima Jouini. Deux courts métrages ont reçu le prix du jury Human Screen en étant premier exæquo : Abuelas un film argentin de Afarin Eghbal et Mollement Un Samedi Matin de Sofia Djama, réalisatrice.

L’absence lors de cette première édition du Maroc, pays organisant par ailleurs de nombreux festivals de films internationaux, est marquante. Pas de films ni de réalisateurs marocains pour aborder les droits de l’Homme à travers le cinéma. Le directeur  du festival, Elyes Baccar, a évoqué dans son discours de clôture la nécessité de continuer à sensibiliser à la culture des droits de l’Homme en Tunisie à travers différentes manifestations culturelles à partir de janvier 2013 et notamment avec le Human Screen Tour, qui diffusera des films du festival dans différentes régions. Il a également évoqué le cas du journaliste tunisien et ancien directeur général de la chaîne qatarie Al Jazeera Children, Mahmoud Bouneb, dans l’impossibilité de quitter le Qatar depuis maintenant quinze mois et demandant une mobilisation de la Tunisie et de ses autorités.

Cette première édition a très bien été relayée par tous les médias en Tunisie et  les différents  artistes présents ont tous appuyé et encouragé cette initiative culturelle. La problématique des droits humains est bel et bien posée aujourd’hui en Tunisie et ce festival est un appel lancé aux Tunisiens à s’engager pour la défense des libertés.

 

Sarah Anouar, correspondante à Tunis

 

>> Regardez la bande annonce de Abuelas de Afarin Eghbal, meilleur court-metrage a Human screen festival