Edito
09H28 - mercredi 5 octobre 2011

Tribune de Michel Taube dans La Croix du 5 octobre 2011 pour les 30 ans de l’abolition de la peine de mort

 

Le texte de la Tribune :

France : Pour une Journée nationale pour l’abolition universelle de la peine de mort – Une dernière pierre à l’édifice abolitionniste

On ne rendra jamais assez hommage à Robert Badinter qui, dans les années 1970 et début 80, a mené le combat, d’abord comme avocat, puis comme Ministre de la Justice, contre la peine de mort. C’était il y a 30 ans, l’abolition de la peine de mort, voulue et annoncée avant son élection par François Mitterrand et défendue devant le Parlement par Robert Badinter.

Trente ans après, l’édifice abolitionniste s’est renforcé. Face à celles et ceux qui craignaient un retour possible de la peine de mort, à la faveur d’un fait divers cruel ou d’une opinion trop lente à se convertir à l’abolition, la France a multiplié les engagements rendant irréversible l’abolition : la ratification du protocole 6 de la Convention européenne des droits de l’homme en 1986 interdisant la peine de mort en temps de paix. Vingt six ans plus tard, le Président Chirac – qui avait voté l’abolition en 1981 – ajoutait un double verrou à l’édifice abolitionniste, attendu de longue date, à la toute fin de son second mandat présidentiel : en février 2007, il convoquait le Congrès de la République qui modifia, à une très large majorité, la Constitution et inscrivit dans son article 66-1 titre VIII consacré à l’autorité judiciaire en France, les lignes suivantes : « nul ne peut être condamné à la peine de mort ».

Pour la petite histoire, c’est Pascal Clément, celui-là même qui, comme jeune député en 1981, avait répondu à Robert Badinter en défendant le maintien de la peine de mort, officia à cette réforme constitutionnelle en 2007 comme Garde des Sceaux. Pascal Clément expliqua son changement de point de vue, comme beaucoup de Français, quelques semaines plus tard, lors du 3ème Congrès mondial contre la peine de mort à Paris. Discours utile et courageux pour convaincre les pro-peine de mort, encore nombreux voire majoritaires dans le monde.

En France aujourd’hui, le consensus est très large contre la peine de mort dans le personnel politique. Si quelques dizaines d’élus UMP se disent toujours favorables à son rétablissement en cas de meurtre d’enfants ou de policiers, seul le Front national est, en tant que parti, favorable à son rétablissement. A ceux qui pensent que Marine Le Pen a modernisé sa doctrine par rapport à celle de son père, il suffit d’entendre la nouvelle présidente du FN, à chaque intervention publique, souhaiter ardemment son rétablissement. Pour le reste, les dirigeants français sont abolitionnistes. Le Président Nicolas Sarkozy n’avait-il pas commis un article clair et net lors de l’exécution de Saddam Hussein, le 3 janvier 2007 : « Je suis opposé à la peine de mort. C’est pour moi une question de principe. Je crois que le monde doit continuer à cheminer vers son abolition totale. »

Le droit de l’abolition est solidement ancré, les dirigeants politiques sont convaincus. Reste le combat, jamais gagné, de l’opinion : comment sensibiliser, inlassablement, les opinions publiques, notamment les jeunes générations qui n’ont jamais connu la peine de mort ni la cruauté de la mise à mort d’un homme ? « Couper un homme en deux », comme le décrivait Badinter, voilà en quoi consistait l’application de la peine de mort par la guillotine en France.

Nous proposons l’instauration d’une Journée nationale pour l’abolition universelle de la peine de mort. Pourquoi pas le 9 ou le 10 octobre de chaque année ? C’est le 9 octobre 1981 que fut promulguée la loi d’abolition en France et le 10 octobre a lieu chaque année la Journée mondiale contre la peine de mort.

Les établissements scolaires pourraient faire réfléchir les élèves sur les valeurs de la justice, rappeler le combat qu’a constitué en France le long chemin vers l’abolition : Condorcet, Victor Hugo, Albert Camus et beaucoup d’autres ont écrit des pages mémorables que les professeurs de littérature ou de philosophie, les instructeurs civiques que sont les enseignants pourraient utilement transmettre aux jeunes. Des débats contradictoires pourraient aussi être organisés pour consolider l’argumentation abolitionniste. Les organisations de défense des droits de l’homme, les autorités religieuses, les organisations d’avocats et de juristes pourraient tous les ans approfondir leurs actions de sensibilisation, de pédagogie sans lesquelles les lois peuvent toujours changer.

Cette Journée nationale, le Parlement en a déjà été saisi. En effet, le Sénat a voté une proposition de loi, à l’initiative du groupe communiste, en 2002. Pour des raisons obscures, jamais l’Assemblée nationale n’en a été saisie. La plus belle des façons de célébrer les 30 ans de l’abolition de la peine de mort, et de rendre hommage à Robert Badinter qui vient de quitter la vie politique 30 ans, jour pour jour, après avoir prononcé son fameux discours d’abolition au perchoir du Palais Bourbon, serait que le Parlement vote définitivement cette loi et instaure cette Journée nationale pour l’abolition universelle de la peine de mort.

Les Editions Michel Taube publient le 10 octobre le tome 1 de l’Anthologie de la peine de mort, plus de 200 textes réunis par Armelle Cazeaud, historienne. Pour en savoir plus : www.opinion-internationale.com/anthologie

 

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