La France vue par un Belge... La chronique de Didier Jacques
00H19 - jeudi 9 février 2023

Querelle sur les retraites en France : une bonne blague belge ? La chronique de Didier Jacques

 

Jonchés sur leur tour d’observation, les Outre-Quiévrains observent la quiétude du nord et son bonheur tranquille, la force socioéconomique alémanique et la rigueur de sa société, les atermoiements anglo-saxons et leur câblage différent, et surtout l’ « exception française ».

Dernier sujet en date de celle-ci, la réforme des retraites et les postures compliquées qu’elle engendre systématiquement depuis des décennies ne peuvent qu’étonner voire intriguer.

Petit pays multilingue à la croisée des chemins, la Belgique fait face aux mêmes enjeux de financement des retraites et de longévité de carrière tout en se souciant de sa compétitivité internationale et préservant son traditionnel savoir-vivre bon enfant qui n’oublie certes pas sa fameuse autodérision. Après quelques discussions certes musclées, l’âge de la retraite légale est maintenant fixé à 67 ans, et ce sans beaucoup d’exceptions et avec une extension probable non avouée. Les durées de vie moyennes y sont identiques au reste de l’Europe et le bonheur de vivre, si tant est qu’il puisse se mesurer, y est reconnu.

Alors, les Belges s’interrogent sur la propension des Français à cette fébrilité qui caractérise la plupart des débats dans un pays qui se veut cartésien.

Justement, parlons-en…

L’ancêtre de tous les régimes de retraite aurait été inventé sous Colbert pour les marins vers 1673 quand l’espérance de vie était royalement de moins de 30 ans avec des conditions de travail or incommensurables par rapport à celles d’aujourd’hui. Avons-nous aussi oublié que l’âge de la retraite de 60 ans a été défini il y a plus d’un siècle, in tempore non suspecto puisque l’espérance de vie était dans la fourchette de ces 60 ans ; à ce moment, la pénibilité était sans doute un terme non usité voire inconnu.

Dès lors, il nous est difficile de comprendre qu’un jeune encore aux études s’interroge sur quelques années de plus de travail quelque 40 ans plus tard. N’est-il pas mieux à cet âge de s’enthousiasmer d’avoir la chance de vivre et d’apprendre dans un beau pays et de ne pas trop se soucier de ce qui se passera dans un chapitre encore lointain de sa vie. Et d’ailleurs, pourquoi changer d’attitude au cours de sa carrière, l’activité et donc le travail étant source d’énergie voire de bonheur ?

Outre-Quiévrain où tout n’est pas parfait, loin s’en faut, on s’étonne donc de gaspiller autant d’énergie passionnée dans un combat contre l’évidence, alors que celui-ci semble plutôt devoir se recentrer sur les valeurs. Le travail c’est la santé et n’est pas un vilain mot.

Le postulat intuitif de tout cela pourrait donc être que le travail est non seulement une nécessité mais aussi contribue au bonheur personnel et à l’équilibre de la communauté.

Réveillons les moussaillons qui nous habitent, glorifions plutôt les valeurs dont celles de l’entreprise, de l’activité et du travail. Celui-ci est source de prospérité et de continuité de notre mode de vie. Supportée par l’éducation familiale, cette attitude doit être renforcée dans le système éducatif et tout au long de la vie. Cultivons l’entreprenariat, sa valorisation – y compris monétaire, et son initiative. Le politique et les institutions remodelées (le monde est dynamique) y ont un rôle à jouer, tels cadrer le débat, dépenser de manière judicieuse et responsable, libérer les énergies et limiter les interventions à tout va.

Le travail n’est pas une corvée, un bon esprit alimenté d’une énergie positive fait partie de la vie. Cela se fonde dans des valeurs fortes, entretenues par une activité équilibrée et motivante. La spirale est donc positive ; mettons-y les ressources nécessaires.

La finalité de l’effort, et du travail, est bien le bonheur individuel et le bien-être social. Le graal du bonheur dont les moyens ne sont pas exclus (essayer sans) ; le graal du bonheur qui se nourrit par l’activité jusqu’au possible. Le bien-être social, ferment de notre classe moyenne laborieuse, ferment de notre démocratie. Le bien-être social, nourriture de l’économie, comprenant l’éducation, l’art, la santé, les infrastructures et les services d’État.

Sans effort, pouvons-nous être heureux ? Moi pas.

 

Didier Jacques

Francophone et francophile, Didier a parcouru le monde avec curiosité et enthousiasme, à la fois pour son métier et pour son plaisir. Sa formation d’ingénieur à Liège (Belgique) a été complémentée par un MBA Finance à l’Université de Chicago dont l’approche basée sur faits est largement reconnue. Comme pour tous les Belges, la France et ses valeurs sont un baromètre culturel et socioéconomique observé plus qu’attentivement.