La chronique d'Olivier Peraldi
13H57 - mercredi 28 juillet 2021

David Lisnard et Christophe Tardieu : pour un sursaut culturel français

 

David Lisnard pour la culture

Le citoyen habitué à l’exercice apaisé de la chose publique (s’il en reste) pourrait en être étonné. Le lecteur que l’examen factuel des circonstances et de leurs effets ne rebute pas trop (en reste-t-il à part vous et moi ?) en sera réjoui. Voilà un ouvrage, « La culture nous sauvera » de David Lisnard et Christophe Tardieu aux éditions de l’Observatoire, qui souligne à quel point la question de la culture est devenue cruciale aujourd’hui en France mais qui, surtout, y apporte des réponses. La culture peut donc encore faire l’objet d’une réflexion sereine et citoyenne, en dehors des polémiques mais avec détermination et bonne volonté, et (la chose n’est pas si courante) démonstration à l’appui.

Pour les auteurs, David Lisnard, maire de Cannes et vice-président de l’Association des maires de France, et Christophe Tardieu, administrateur des finances, nommé récemment secrétaire général de France télévision, pas de temps à perdre. L’enjeu est annoncé dès le titre. Il est d’importance et sans ambiguïté : La culture nous sauvera. Car nous en sommes là. Il s’agit bien de se sauver. Pas dans la fuite (comprenons-nous bien), mais par l’élévation. Elévation des esprits, élévation par le partage de la connaissance et des arts qui n’ont de sens qu’en patrimoine commun, élévation aussi par l’accès de tous au savoir culturel et du plus grand nombre à la pratique des arts. Cette exigence à un coût qui, selon les auteurs, est trop souvent battu en brèche par ceux qui n’y voient que dépenses improductives, chants de cigales et paniers percés. Tous les regards se tournent vers Bercy. Il est des réflexes qui ne manquent pas de pertinence.

Tout au contraire, les auteurs rappellent quelques réalités. La protection du patrimoine bâtit occupe 500 000 emplois en France, le Hellfest, festival d’heavy metal, organisé à Clisson en Loire-Atlantique est devenu phare et culte avec plus de 180 000 spectateurs, le Festival du Cinéma, à Cannes, génère 3 000 emplois pérennes, 40 emplois ont été créés dans le petit village ardéchois de Lussas grâce à l’initiative locale autour du film documentaire… La liste pourrait être longue tant l’action des élus territoriaux peut-être porteuse de grandes réussites. Tout cela dans un contexte d’instabilité chronique de la question culturelle au sein de l’exécutif : onze ministres de la culture en vingt ans… En sport, cela s’appelle une contre-performance.

« Des valeurs chargées de sens »

La culture est le facteur centrifuge essentiel d’adhésion des citoyens à des valeurs communes « chargées de sens ». Il n’y a d’insertion dans la société que par la connaissance partagée et la confiance en soi. L’Education artistique et culturelle (EAC) en est, selon les auteurs, un bel exemple de réussite. Encore faut-il que cette politique publique puisse révéler tout son potentiel. Pas gagné semble-t-il, tant l’objectif du dispositif qualifié de « majeur » par le président de la République en 2017, est contrecarré par la décision du gouvernement de plafonner les dépenses des collectivités locales, y compris en matière culturelle…

L’ouvrage liste les freins, mais aussi les opportunités d’une culture qui sera salvatrice ou ne sera pas. Ainsi en va-t-il de l’ambivalence d’une Union européenne qui se souvient parfois avoir une culture partagée entre les nations mais ne sait toujours pas comment s’y prendre pour surmonter cet oubli originel lors de sa constitution. Ainsi en va-t-il aussi de l’articulation entre volontarisme culturel public et initiatives privées insuffisamment prise en compte, ou encore du rééquilibrage (à venir, tout espoir n’est pas perdu) du rapport de force entre les acteurs culturels et les GAFA.

Les auteurs vont au-delà du simple constat et ne manquent pas d’idée pour redonner à la culture le pouvoir de « nous sauver », tels que la création d’un musée de l’Histoire de France, la mise en place d’un moratoire sur l’implantation parisienne d’équipements culturels alors qu’ils manquent cruellement dans certains territoires par trop délaissés, la création d’une plateforme de contenu audiovisuels et cinématographiques indépendants des GAFA, ou encore un rapprochement entre le ministère de l’Education nationale et celui de la Culture…

Le livre se termine sur une vision qui sonne comme une incantation : la culture comme « énergie collective » face au renoncement, au délitement, à l’isolement. Tout un programme.

Olivier Peraldi

Chroniqueur Opinion Internationale

 

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