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09H53 - vendredi 27 janvier 2023

Réformer les retraites ? Agissons sur l’emploi des seniors ! La chronique oNE hEALTH de Serge Guérin

 

Paris, 15 juillet 2010. Serge Guerin, nouveau president du Motif, l’observatoire du livre et de l’ecrit en Ile-de-France . – Photo : Baptiste Fenouil

Article paru le 20 janvier 2023

Seulement 56,1 % des 55-64 ans sont en emploi[1]. C’est là, où il faut d’abord agir. Les seniors, avec leurs compétences et leur envie de travailler sont une chance pour les entreprises. Le vivier est là.

Le préalable c’est de changer les représentations des seniors chez les recruteurs et dirigeants d’entreprise et favoriser leur emploi. Comment évoquer de travailler plus longtemps, si les plus de 50 ans continuent d’être évincés au sein des entreprises ? Pour une grande partie des dirigeants et des responsables de ressources humaines, l’image des seniors est encore largement associée à une charge économique, un problème de cohésion interne, un risque de productivité… Sans compter qu’ils peuvent estimer que la présence en nombre de seniors dans leur organisation a un effet repoussoir sur les candidats plus jeunes… Pour 35% recruteurs, les seniors ont du mal à s’intégrer dans un collectif de jeunes et à s’adapter aux évolutions technologiques[2].

 

Changer de regard

De la même façon que les entreprises continuent de vouloir rajeunir leur clientèle et leur image, alors que la consommation est tirée par les seniors, elles recherchent en priorité des jeunes, si possible hyper motivés, super disponibles et formidablement bien formés…

Elles oublient que la hausse attendue de la démographie en France se fera exclusivement par les seniors. Elles oublient, aussi, le déficit de sens du travail.

Ainsi,  77% des classes moyennes inférieures et modestes et 85% des plus pauvres sont favorables à la retraite à 60 ans, contre seulement 35% du côté des catégories aisées[3]. Si 42 % des Français se déclarent prêts à travailler jusqu’à 64 ou 65 ans pour avoir une bonne retraite, seulement 39 % des ouvriers sont d’accord mais 62 % des cadres[4]. Une position largement corrélée à la situation sociale.

Ces réactions s’expliquent en grande partie par des représentations et un vécu négatif du travail. Il reste souvent associé à de la souffrance, au sentiment d’être méprisé et au manque de sens. Il est symptomatique que le mot métier soit remplacé par poste, job, place …

Le travail a perdu de sa centralité : Entre 1990 et 2021, on passe de 60% des Français à 24% qui citent le travail comme très important dans leur vie[5]. Est-ce le travail qui a perdu de sa puissance ou son sens qui s’éteint ?

 

Relancer l’emploi des seniors

Reste que les entreprises sont toujours focalisées sur les jeunes, hyper motivés, super disponibles et formidablement bien formés…Alors, concrètement, comment faire pour augmenter l’emploi des seniors ?

Il n’y a pas de solution unique, des pistes existent pour favoriser l’emploi des seniors et encore plus des femmes qui sont doublement pénalisées. Voici quelques pistes possibles :

Pensons à une approche plus souple du départ à la retraite. Dans les années 1980, l’économiste Dominique Taddéi, proposait, déjà, une retraite à la carte où le salarié senior pourrait progressivement réduire son temps de travail.

Cette approche serait aussi singulièrement bénéfique en termes de santé publique, car le passage brutal à la retraite reste un choc difficile à vivre pour quantité de personnes.

La fin de la vie professionnelle pourrait être aussi un temps utilisé pour la transmission de savoir-faire entre l’expérimenté et un salarié découvrant le métier. Le contrat de génération fut un échec ? Relançons l’idée en la rendant plus simple.

Et pourquoi ne pas construire des parcours professionnels plus longs mais comprenant des périodes de respiration ? Tous les dix ans, pouvoir prendre un temps pour soi, pour se former, ou pour s’impliquer dans la vie collective et une façon de se décentrer, de s’ouvrir au monde.

L’enjeu c’est aussi de construire des politiques actives de la prévention tout au long de la vie professionnelle centrées aussi bien sur la santé (dépistage, suivi), la qualité de vie (agir sur l’ergonomie ou, comme le propose l’Agences des Médecines Complémentaires Adaptées, mobiliser des approches non médicamenteuses) que le maintien et l’acquisition de compétences (culturelles et d’expertise) et de capacité à saisir la société et ses évolutions.

Pensons aussi à la piste des PME et TPE qui n’ont pas nécessité d’employer un expert à plein temps. Elles peuvent, en se groupant à plusieurs employeurs, offrir des conditions satisfaisantes d’activité à un salarié expérimenté.

Enfin, orienter l’emploi des seniors vers des métiers de la relation (accompagnement en formation des jeunes comme des seniors, soutien aux aidants, aux plus fragiles …), est une autre piste. Profiter de ses dernières années de vie professionnelle pour s’orienter vers des métiers du care c’est aussi trouver du sens à un parcours professionnel.

Renforcer l’emploi des seniors est un enjeu global pour réussir une société solidaire de la longévité.

 

Serge Guérin

Sociologue, Professeur à l’INSEEC GE.

Auteur de La société résiliente, avec V Fournier, Fauves, 2022, et Les Quincados, Calmann-Levy, 2019

[1] Les seniors et le marché du travail, Dares, avril 2022

[2] Etudes Ipsos, novembre 2022

[3] Sondage Ifop, février 2022

[4] Barometre du Cercle de l’Épargne /Amphitéa, de mai 2022

[5] Fondation Jean-Jaures et Ifop, Grosse fatigue et épidémie de flemme : quand une grande partie des Français a mis les pouces, novembre 2022

 

 

 

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