Valeur compliance
10H49 - mercredi 1 décembre 2021

La blockchain, une solution pour mettre fin à des détournements de l’aide au développement des pays émergents ?

 

La défiance des populations envers leurs gouvernements ne fait que croître, notamment dans des pays émergents, plus particulièrement s’agissant de l’utilisation de l’aide au développement et du financement de projets notamment publics. Quelle pourrait être la solution ? Une gestion plus rigoureuse et contrôlée des aides au développement.

Mais comment faire ?

Comme le souligne Yani Hadar, chef de rubrique « Valeur compliance » d’Opinion Internationale, et spécialiste en compliance, « la mise en place d’un système de blockchain peut être une solution déterminante pour assurer traçabilité, transparence et, au final, efficacité accrue des politiques d’aide du Nord vers le Sud ». On notera avec intérêt qu’en l’Afrique les Comores, le Ghana ou le Burkina Faso sont par exemple des États qui utilisent déjà la blockchain.

C’est une solution qui impliquerait en effet un contrôle par l’ensemble des intervenants, des donateurs ou prêteurs aux bénéficiaires finaux.

Mais qu’est-ce que la blockchain ?

La blockchain est une chaîne de blocs ou conteneurs numériques, dans lesquels sont stockées des informations de toute nature : transactions, contrats, titres de propriétés, œuvres d’art, etc.

 La blockchain est, pour résumer, un registre numérique inaltérable, bâti sur la base d’un consensus, entre les participants, de toutes les étapes ou séquences d’une opération. Ainsi, concernant les prêts et dons aux États pour financer des projets clairement identifiés, une blockchain serait à même d’identifier pour chaque projet, les montants prêtés ou donnés, et leur utilisation « euro par euro », de la date de la mise à disposition des fonds jusqu’à celle de la dernière dépense.

Tous les intervenants dans l’utilisation des fonds contribuent à l’enrichissement de la base de données (de chaque bloc correspondant aux étapes des financements) et contrôlent la bonne gestion de ces fonds y compris, par exemple, conformément principes ESG.

Pour garantir la fiabilité et l’intégrité des données, la blockchain fait appel à des « mineurs », choisis parmi ses intervenants (participants au projet financé, contributeurs ou lecteurs) qui, suivant des règles prédéfinies (conditions d’utilisation des fonds), valident les informations avant de les inscrire (pour toujours) sur la blockchain. Les blocs d’informations, horodatés et ajoutés à la chaîne, ne peuvent plus être modifiés et deviennent une preuve électronique de la bonne utilisation des fonds (sujet complexe de la preuve en cette matière d’informations cryptées).

Les pays en voie de développement offrent une parfaite illustration de l’intérêt de la blockchain et de sa mise en place pour mettre fin à des détournements de transferts financiers massifs.

En 2011, le sénateur américain du Kentucky Rand Paul avait estimé qu’en moyenne 70 % des décaissements des institutions internationales au profit des pays en voie de développement étaient détournés.

Aussi la blockchain avait été mise en place pour ces décaissements, sur 100 millions de dollars, jusqu’à 70 millions de dollars environ n’auraient probablement pas été détournés. A chaque étape de décision concernant les versements et l’utilisation des fonds, les différents intervenants (y compris des tiers comme des certificateurs) auraient dû approuver la décision des autres participants, contrôler chaque étape des opérations et ainsi permettre d’éviter des détournements.

« On peut ainsi penser que des institutions financières notamment internationales (y compris des fondations à but philanthropique) pourraient estimer utile de mettre en place un tel système de contrôle de l’utilisation de ces aides au développement, dons ou financements (parfois bonifiés) et éviter des détournements trop souvent dans des centres financiers off-shore. », souligne Yani Hadar.

Les États seraient plus en mesure de démontrer que les projets sont financés et réalisés dans le respect des règles de « compliance » génératrices de confiance et ainsi mieux veiller au même respect de ces principes par les entreprises installées chez eux.

Un cercle vertueux serait créé qui positionnerait mieux ces États encore fragiles comme des acteurs plus affirmés des marchés et de la concurrence internationale et participer à une croissance plus équilibrée qui bénéficierait à leurs populations.

La blockchain est aujourd’hui déjà utilisée et/ou mise en place par de grands groupes notamment pour la traçabilité de leurs activités et entre un peu à la fois comme pratique de gestion qui pourrait devenir rapidement incontournable. On peut pour cela utilement comprendre ce que font des groupes comme par exemple certains grands acteurs français comme LVMH ou BNP Paribas et les propositions faites par de grands cabinets de stratégie comme McKinsey, Boston Consulting Group ou encore Bain & Company.

Il serait intéressant de suivre ce que pourraient décider d’initier de grandes institutions financières comme la Société Financière Internationale ou l’Agence Française du Développement. Une gestion plus rigoureuse et contrôlée des investissements, que ce soit sous forme d’aides ou de financements pourrait contribuer de façon significative à une meilleure gouvernance, au développement, au mieux-être des populations et à l’envie de vivre dans son pays, « chez soi ».

Stéphane Brabant, avocat, senior partner, Trinity International, Paris

Yani Hadar, Chef de rubrique « compliance », chroniqueur Opinion Internationale, expert dans le secteur de la compliance et du contrôle interne en France, et à l’international

Opinion Internationale lance la rubrique « Valeur compliance » destinée à tous les risques non financiers des entreprises et des acteurs privés et publics : environnement, égalité femmes — hommes, diversité, RSE, la compliance est, avec la productivité et les bénéfices, le second secret de la réussite!

La rubrique est animée par Yani Hadar, expert doté d’une expérience de huit années acquises dans le secteur de la compliance et du contrôle interne (missions dans le financement de projets, l’énergie et le secteur bancaire) et à l’international (France, Luxembourg, Maghreb).