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06H08 - vendredi 5 novembre 2021

Apartheid de la pensée ?

 

Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques »

Alice Coffin, Le génie lesbien (2020)

 

Wokisme, Cancel culture, intersectionnalité, réunions racisées ou non-mixtes, etc… ces mouvements apparus pour la plupart au sein d’universités US de Columbia à Berkeley trouvent aujourd’hui un écho favorable chez les jeunes européens, mais également au sein de la France Insoumise (J-L Mélenchon) et du parti écolo (tendance Sandrine Rousseau).

 

Derrière ce jargon abscons qui s’est répandu en France et en Europe par la rapidité des réseaux sociaux et par une certaine mondialisation de la pensée oublieuse des différences sociologiques et communautaires entre les US et le vieux continent se cache une doxa qui laisse peu de place à la liberté de pensée et d’expression.

Comment des mouvements a priori antiracistes ont pu développer une pensée aussi radicale et sectaire ? Que disent-ils de l’état de notre société ? Quid de la fraternité (triptyque républicain) et de l’altérité qui permettent de se sentir semblable de celui/celle qui ne nous ressemble pas ?

 

Émergence des questions identitaires ou militantisme de la censure?

 

Alors que seuls 6 % (1) des Français interrogés à propos de la pensée « woke » savent de quoi il s’agit (les 94 % restants se demandant bien pourquoi on les interroge sur une grande poêle à frire venant d’Asie !), le concept est présent du matin au soir dans tous les débats et sur tous les médias sans qu’on sache réellement de quoi on parle.

Pour la petite histoire, le terme woke apparait pour la première fois en 2008 dans un titre de la chanteuse afro-américaine Erykah Badu « I stay woke ». Il s’agit d’une prise de conscience où il faudrait « être éveillé » face aux injustices raciales et sociales. Le slogan woke prend réellement son essor aux US à partir de 2013 via le mouvement Black Lives Matter qui milite contre un racisme « systémique » envers les Noirs. En 2020, le mouvement sera largement répandu hors des frontières US à la suite de la mort de George Floyd tué par un policier blanc.

À cela s’ajoutent de plus en plus de réunions « racisées » ou « non-mixtes », au sein desquelles, par exemple, un homme blanc serait exclu ou prié de se taire si le sujet de la discussion portait sur l’esclavage des noirs.

Comme le disait Martin Luther King : “Ce qui compte chez un homme, ce n’est pas la couleur de sa peau ou la texture de sa chevelure, mais la texture et la qualité de son âme ». C’est limpide et écrit noir sur blanc (que le lecteur n’y voit aucune malice de ma part !)

Le mouvement des droits civiques de Martin Luther King exigeait l’égalité des droits, non des droits particuliers. Son antiracisme était un universalisme, pas un particularisme. Il réclamait qu’on juge les êtres humains indépendamment de leur couleur de peau. Au contraire, les wokes, sont obsédés par les questions de race.

Partant d’une juste cause et de combats légitimes menés pour l’égalité de groupes minoritaires, le discours woke a fait ressurgir des luttes de plus en plus identitaires et a réintroduit la notion de race. Quel saut en arrière alors que l’anthropologue Claude Lévi-Strauss nous expliquait en 1952 que la race n’existe pas et qu’il n’y a que des couleurs de peau ! Le wokisme, mouvement antiraciste, racialise les rapports sociaux ! On marche sur la tête !

Dans le même temps, la notion sociologique d’intersectionnalité se développe démontrant une certaine convergence des luttes. Ainsi, une femme noire pourrait subir des discriminations croisées à l’emploi parce que noire et parce que femme. De la même manière, une femme blanche lesbienne pourrait être considérée à la fois comme « oppresseur » parce que blanche et « victime » de discriminations parce qu’homosexuelle. Dans quelle case faudrait-il alors mettre un homme albinos transgenre ? Les exemples sont illimités…

Au nom de la justice sociale, focalisée sur les uniques critères de la race et du genre, certains militants empêchent, censurent, interdisent. De plus en plus d’intellectuels, invités par des enseignants ou des étudiants, font l’objet d’un boycott plus ou moins violent, une fois arrivés sur place. À titre d’exemple, Sylviane Agacinski, féministe historique, a été contrainte de renoncer à se rendre en 2019 à l’université Bordeaux Montaigne en raison de menaces liées à sa position sur la GPA. N’est-il plus possible d’avoir des débats contradictoires sur des questions éthiques sans entrer dans une dérive de la censure ? Est-il normal qu’aujourd‘hui certains conférenciers (Alain Finkielkraut, Caroline Fourest,…) fassent l’objet de menaces, soient sous protection policière, soient insultés, caricaturés, délégitimés ? Ne s’agit-il pas du nouvel apartheid 2.0 ?

Évidemment, il faut lutter contre toutes formes de discriminations. Mais en identifiant le blanc (de préférence mâle, hétéro et de plus de 50 ans) comme l’oppresseur, on le délégitime de facto et on nie toute possibilité d’universalité humaine.

Vous suivez toujours ? Alors, poursuivons avec la « Cancel culture » ou culture de l’effacement, de l’annulation. Le procédé est simple, voire simpliste : faire tabula rasa du passé pour reconstruire l’avenir. Par exemple, pour régler le passé esclavagiste ou colonial, on a déboulonné la statue de Thomas Jefferson (à la fois auteur de la déclaration d’indépendance des États-Unis et esclavagiste, car détenteur de 600 esclaves noirs) dans la mairie de New-York. En France, pas de déboulonnage, en revanche l’Élysée invite à honorer davantage de personnes issues de la diversité. Certes il vaut mieux expliquer que déboulonner, mais on peut s’interroger sur la pertinence de ce « en même temps », car qui imaginerait aujourd’hui en France une statue de Philippe Pétain (héros de la guerre 14-18 et traitre à la nation française) ?

Puisant sa légitimité dans la lutte contre le racisme, contre les violences faites aux femmes, etc… la « cancel culture » utilise bien souvent le procédé de la délation, de la censure. Ainsi #MeToo et #BalanceTonPorc en France s’inscrivent dans cette mouvance. Ces hashtags incarnent la libération de la parole des victimes, l’accusé voyant alors son nom jeté en pâture et se retrouvant, dans bien des cas, jugé coupable aux yeux de l’opinion publique avant même tout procès. Bien souvent, il n’y a même pas d’instruction judiciaire, soit du fait de la prescription des faits, soit parce que les plaignant(e)s ne souhaitent pas déposer plainte jugeant peut-être la diffamation suffisante !

Où est donc passée la présomption d’innocence ? À titre d’exemple, le comédien Philippe Caubère a été accusé en 2019 de viol, la plaignante l’accusant d’être un « serial violeur »… mais qui sait aujourd’hui que cette femme a été condamnée pour diffamation ?

De la même manière, qui sait que Woody Allen a été blanchi par deux enquêtes commandées par la justice américaine et n’a jamais été l’objet de la moindre plainte sur aucun de ses tournages ?

Diffamez, il en restera toujours quelque chose…

 

Un nouveau totalitarisme?

 

Il y aurait encore beaucoup à dire tant les exemples de dérives sont nombreux.

Force est de constater que tous ces mouvements enferment, fragmentent et divisent chaque catégorie ethnique ou sociale. Des luttes légitimes se sont laissées débordées par des mouvances totalitaires où le boycott, via les réseaux sociaux, règne.

Finalement, une partie de la gauche française, porteuse à l’origine des notions d’universalité et de fraternité, est gangrénée. Ce constat est malheureusement la conséquence de l’atonie du débat intellectuel actuel et de l’absence de projet politique porteur d’espérance à gauche.

Face au mouvement woke, les Camarades feraient mieux de se réveiller !

 

Sandrine Pilcer

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