Moyen-Orient
11H13 - lundi 24 mai 2021

Les vrais gagnants, les vrais perdants du conflit Israël – Hamas.

 

L’édito de Michel Taube

Dans la nuit du 20 au 21 mai, le troisième conflit armé entre Israël et le Hamas palestinien a pris fin aussi brusquement qu’il avait débuté, douze jours plus tôt. Comme toujours, les deux protagonistes revendiquent la victoire. Et ils ont raison ! Évidemment, ce n’est pas sur le volet militaire que porte l’analyse. Si Israël s’était comporté comme le Hamas, voire comme la coalition occidentale face à DAESH, la chose aurait été entendue en deux jours, mais avec des dizaines de milliers de morts côté palestinien. Et sans « dôme de fer » pour arrêter 90 % des bombes volantes palestiniennes, la réponse israélienne aurait été d’un tout autre acabit.

De part et d’autre, ce conflit a été traumatisant pour les populations. Il faut se mettre à la place des Palestiniens recevant sur leur téléphone un SMS de l’armée israélienne leur demandant de quitter leur maison avant une attaque (certes, aucune autre armée ne le fait) ou des populations israéliennes entendant les sirènes annonçant l’arrivée possible d’une roquette d’ici une minute. Cela laissera des traces, surtout dans la ville moderne et ouverte de Tel-Aviv, où en 2014, les habitants continuaient à siroter leur boisson aux terrasses des cafés pendant que les localités proches de la bande de Gaza étaient sous le feu du Hamas.

Le cynisme conduit à souligner qu’en Israël, ce conflit a épargné plus de vies qu’il en a coûté (12 au total), principalement du fait de la forte diminution des accidents de la route. Ce constat avait été fait en 2014. A Gaza, on dénombre 232 morts, soit dix fois moins qu’en 2014, malgré une activité bien plus soutenue de l’aviation israélienne. Ce bilan est presque miraculeux, quand on sait que le Hamas utilise sa population comme bouclier humain. En 2014, ce fut la chaîne qatarie Al Jazeera qui avait filmé les tirs du Hamas devant un hôpital. Ajoutons que de nombreuses roquettes sont tombées en territoire palestinien et ont fait de nombreuses victimes (des martyrs, donc), en particulier parmi les enfants, qui n’ont pas reçu de SMS pour les avertir.

Malgré l’ampleur des destructions de ses infrastructures, le Hamas sort politiquement vainqueur de ce conflit. Il incarne plus que jamais la résistance palestinienne et sortirait vainqueur d’élections, tant à Gaza qu’en Cisjordanie. Cette guerre est aussi une réponse à l’énième annulation des élections par Mahmoud Abbas. Aujourd’hui, alors que le cessez-le-feu est en vigueur, une nouvelle « journée de colère », notamment en Cisjordanie et à Jérusalem Est, pousse certains jusqu’au-boutistes à espérer qu’une nouvelle Intifada, et même une guerre civile en Israël prolongeront le conflit.

Mais la cause palestinienne a-t-elle vraiment bénéficié de ces douze jours de guerre ? Oui, en ce qu’Israël, les États-Unis et de nombreux pays arabes qui s’étaient rapprochés de l’État hébreu se comportaient comme si elle avait disparu. Non, si l’on considère qu’aucune cause légitime ne gagne à être incarnée par une entité terroriste dont le but affiché est de tuer tous les Juifs avant d’instaurer la charia, à terme sur toute la planète. Ce positionnement condamne les Palestiniens à un état de belligérance permanent, et ne leur permettra jamais de créer un État indépendant en Cisjordanie. Dans quelques semaines, quelques mois au plus, les tractations reprendront entre Israël et des pays musulmans, certains inquiets de l’expansionnisme iranien, d’autres du désengagement américain dans la région, d’autres (tous en réalité) du réchauffement climatique et du risque de détresse hydrologique, périls contre lesquels le savoir-faire israélien est utile sinon précieux. La Palestine mérite mieux que Hamas et Abbas, avions-nous écrit dans un précédent édito.

Un autre vainqueur de cette guerre, du moins l’espère-t-il, est le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Il y a deux semaines, il se préparait à quitter son poste, à l’issue des quatrièmes élections législatives en moins de deux ans, incapable de former une coalition. Ironie de l’histoire, il avait été question d’y faire entrer le parti islamiste Raam, proche des Frères musulmans, aux côtés de représentants de l’extrême droite religieuse juive. C’est comme si Emmanuel Macron proposait à Marine Le Pen et au CCIF (certes dissous) d’entrer au gouvernement ! Lâché par ses anciens alliés, le président israélien Reuven Rivlin confia au centriste Yaïr Lapid la formation d’un gouvernement. Mais là aussi, les délices de la proportionnelle intégrale l’obligent à courtiser le parti islamiste Raam. La guerre avec le Hamas a rebattu les cartes. Raam a rompu ses négociations avec les autres partis, et il est peu probable (mais en Israël, rien n’est impossible !) qu’elles reprennent, eu égard aux tensions entre Juifs et Arabes dans le pays. En Israël comme en France, la droite est majoritaire, mais divisée. La guerre tend à ressouder les camps et par conséquent, à remettre son chef quasi historique, Benjamin Netanyahou, au centre de l’échiquier politique. Il n’a pas encore gagné la partie, mais il reste dans le jeu. D’ailleurs en Israël, les Combinazzione politiques reprennent leurs droits alors que les canons du conflit avec le Hamas sont encore chauds.

Au-delà du conflit israélo-palestinien, ces deux semaines de tension ont mis en lumière la difficile cohabitation dans les villes israéliennes « mixtes » d’une jeunesse musulmane de plus en plus islamisée et séparatiste avec le reste de la population. Un non-musulman, en l’occurrence un juif, s’installant dans un quartier ou une ville partiellement arabe est maintenant considéré comme un « colon ». Mais n’en est-il pas de même d’un « Français mécréant » à Trappes, à Grigny, à Saint-Denis, dans les quartiers nord de Marseille ou dans les banlieues d’un nombre croissant de villes de France. Ici comme là-bas, le séparatisme, puis la guerre civile et même l’intervention de l’armée sont entrés dans le débat, pour le moment avec les mêmes réponses : maintien de la tentative de cohabitation et rejet de l’intervention de l’armée. En France, la cause palestinienne est largement portée par l’islam radical, comme en témoigne, entre autres, l’implication du leader de l’association dissoute « Cheik Yassine » dans le meurtre sordide de Samuel Paty. Ce trait d’union confirme que lorsqu’une question politique devient religieuse, lorsque la religion devient politique, il ne reste guère d’espace entre la soumission et la confrontation.

 

Michel Taube

 

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