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19H03 - mardi 26 novembre 2019

Sois belle et ouvre-la avec Marie-Christine Oghly : oui aux femmes à la tête des entreprises ! 


 

« Sois belle et ouvre-la » a rencontré à Marie-Christine Oghly, femme d’affaires, présidente de la Commission Education, Formation, Compétences du Medef, PDG de la société « EnginSoft France », mais aussi ancienne présidente Nationale de l’Association des Femmes Chef d’Entreprises France et actuelle Présidente mondiale de Femmes Chefs d’Entreprises (FCE). Un beau parcours pour une femme entrepreneure. Entretien.

 

« Sois belle et ouvre-la », la formule vous parle ?

C’est l’inverse de « Sois belle et tais-toi » ! Bien sûr, cela me parle. Il s’agit avant tout de ne pas voir les femmes comme des objets, qu’elles sortent de l’ombre et qu’elles s’expriment sur tous les sujets. C’est le sens de l’histoire que nous vivons.

 

Votre parcours en est l’illustration. Considérez-vous qu’en 2019, la parole des femmes a évolué par rapport aux débuts de vos engagements patronaux ?

Oui et non. D’abord, oui : une génération de femmes chefs d’entreprises leaders et précurseures ont pris les devants. Des réseaux de femmes se sont multipliés pour défendre leurs intérêts. Prenez l’exemple de notre association « Femmes chefs d’entreprises » (FCE) qui compte plus de soixante délégations locales et plus de 2000 membres ! Celles qui nous rejoignent ont envie de s’investir.

Les femmes se sont ainsi frayées une place dans le quotidien de la direction des entreprises. Mais je suis aussi tentée de répondre NON à votre question. Car si une femme entrepreneure n’est pas constamment vigilante, elle peut être très vite marginalisée. Pourquoi ? A compétences pourtant égales, une femme doit en faire beaucoup plus pour montrer ses capacités. D’autant plus que beaucoup de discours se propagent pour culpabiliser les femmes : seront-elles en mesure d’assurer la gestion à la fois de leur emploi et de leur foyer ?

 

Diriez-vous que les milieux dirigeants patronaux sont machistes ?

Une ancienne génération de patrons freine l’évolution vers l’égalité pour des raisons quasi culturelles.

Heureusement certains patrons ont la volonté sincère de faire bouger les lignes, comme le nouveau président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux. Il veille particulièrement à ce que les femmes soient représentées au sein de toutes les instances dirigeantes du patronat.

Mais mon optimisme tient surtout à ce que les jeunes dirigeants d’entreprises sont très portés sur cette égalité de représentation, ils sont moteurs de l’égalité hommes-femmes. Celle-ci leur est naturelle !

 

Etes-vous partisane d’un système de quotas en économie, comme en politique où une forte féminisation est en marche ?

Longtemps opposée aux quotas, je me suis ensuite pliée à l’idée pour aider à changer les mauvaises habitudes.

Car les freins sont puissants dans l’entreprise : si les hommes entrepreneurs ne veulent pas de collègues femmes, c’est simplement qu’ils ont eu l’habitude de fonctionner entre eux, et sans elles. Demander à ces hommes, qui ont un mandat de direction, mérité depuis des années, de céder leur place à des femmes simplement pour respecter les quotas, c’est compliqué.

La réalité, que certains hommes ne veulent pas voir, est que les femmes sont prêtes à diriger des entreprises, qu’elles se sont formées pour relever ce défi.

 

Ces dernières années, deux lois incitatives pour promouvoir la représentation des femmes dans les conseils d’administration des organismes publics et privés sont entrées en vigueur. La loi Copé-Zimmermann oblige les entreprises de plus de 500 salariés à avoir au moins 40% de femmes dans les CA est-elle vraiment respectée ?

La loi Copé-Zimmermann est respectée au niveau des entreprises du CAC 40. Mais les engagements sont moins tenus dans les entreprises de plus petite taille. Certaines n’ont même pas conscience qu’il faut respecter cette loi !

La réalité est que je n’ai jamais entendu parler d’une entreprise sanctionnée parce qu’elle n’aurait pas respecté cette obligation légale.

 

Rappelons qu’il y a deux incitations fortes, à savoir la suspension des jetons de présence des administrateurs et l’interdiction d’accéder à des marchés publics si, dans certaines conditions, ce « quota » n’était pas respecté.

 En effet.

 

Pensez-vous que le gouvernement accompagne efficacement les entreprises sur le chemin de la féminisation ?

Je pense que le ministère des droits des femmes devrait être remplacé par un responsable « égalité hommes-femmes » dans chaque ministère. Parce que ce ministère perpétue une forme de ségrégation entre les deux sexes.

Marlène Schiappa, l’actuelle Secrétaire d’Etat, est très volontariste sur le sujet. Je dirais même peut-être trop : dans les autres ministères, nombreux sont ceux qui ne la suivent pas. En revanche, le fait de travailler sur la féminisation des entreprises avec Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, c’est une bonne chose et cela marche.

 

Vous avez occupé diverses fonctions internationales au sein du patronat. Rayonner au niveau international a-t-il changé votre regard sur la place des femmes en entreprise ?

J’ai vu sensiblement les mêmes choses dans les autres pays, avec la même réalité de ce « plafond de verre ». C’est un peu différent dans les pays scandinaves : les quotas dans les conseils d’administration existaient bien avant chez nous. Mais on retrouve souvent les mêmes femmes dans différents conseils… Les renouvellements féminins sont trop rares.

Aux États-Unis, les femmes ont été très motrices et la parité a une longueur d’avance sur l’Europe. C’est aussi vrai dans certains pays africains : le Rwanda, la Tunisie… A l’inverse, l’Allemagne est en retard : culturellement, il n’est pas facilement admis qu’une femme travaille et on compte encore peu de crèches pour permettre aux femmes engagées professionnellement de faire garder leurs enfants.

Mais pour revenir sur l’Amérique, mes consœurs parlent désormais de « falaise de verre » ou de « Glass cliff » pour décrire une nouvelle réalité : les femmes qui ont réussi à gravir les échelons, qui arrivent au sommet, sont ensuite poussées hors de l’entreprise. Nous avons recueilli de nombreux témoignages de ces femmes…

 

Mais pourquoi sont-elles renvoyées ?

C’est la compétition. Une femme qui monte vite constitue un danger pour ceux qui sont déjà implantés.

 

Propos recueillis par Michel Taube

 

Directeur de la publication

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