Tunisie
07H19 - jeudi 14 février 2013

Les journalistes, au centre des « révolutions »

 

Les révolutions arabes ont entraîné des changements majeurs dans la presse et pour les journalistes dans les pays du Maghreb. La liberté de la presse est un indicateur pertinent de l’état des libertés dans un pays. Les journalistes et les médias libres constituent un garde-fou dans une société démocratique.

 

Les révolutions ont initié une nouvelle ère pour les journalistes dans les pays tels que la Tunisie ou l’Egypte, qui ont été pendant de longues années sous la coupe d’une lourde propagande et de la censure, dans tous les médias et sur tous les supports. La Tunisie, en s’engageant dans un processus de transition démocratique a connu un changement indéniable dans tous ses médias et une nouvelle génération de journalistes est aussi née avec la chute du Régime de Ben Ali. La liberté de la presse a été mise en cause à différentes reprises  par des atteintes mettant  notamment en perspective l’absence d’indépendance dans les médias publics ou la protection des journalistes, notamment dans le volet pénal concernant les journalistes et la liberté d’information. A ce jour, les médias tunisiens restent dans le flou juridique le plus total car le gouvernement actuel n’a toujours pas mis en application les décrets 115 et 116 (les décrets pris par le gouvernement provisoire avant les élections du 23 octobre 2011) pour encadrer  la profession du journaliste, mais aussi la presse de manière plus générale.

 

Premier Forum de Hammamet pour la déontologie de la presse maghrébine le 24 et 25 janvier 2013

Premier Forum de Hammamet pour la déontologie de la presse maghrébine le 24 et 25 janvier 2013

 

 

Ainsi pour encourager l’émergence et le respect de la déontologie de la presse dans le Maghreb, la délégation de l’Union européenne en Tunisie et d’autres organisations ont  pris

l’initiative d’organiser le premier « Forum de Hammamet pour la déontologie maghrébine » qui a eu lieu le 23 et 24 janvier dernier. Ce forum s’est déroulé en présence des principaux acteurs de la presse européenne et des cinq pays du Maghreb: Maroc, Algérie, Libye, Mauritanie et Tunisie. Ce forum a permis de souligner les différentes problématiques qui se posent pour les journalistes et la presse en général dans ces pays et dans ce contexte politique des révolutions. Les débats des différents intervenants ont permis d’aboutir à l’adoption d’un code de la déontologie de la presse maghrébine (liste des signataires).

Ce code propose d’encadrer la profession d’éditeur de journaux et de journaliste par le respect de la liberté d’information, « condition sine qua non de la démocratie ». Le respect de cette déontologie implique un équilibre entre la notion de liberté et  de responsabilité qui constituent les bases fondamentales des métiers de l’information.

 

La déclaration finale des participants  à ce forum a aussi retenu que : « le 24 janvier de chaque année sera la journée déontologique professionnelle. La nécessité de tenir une réunion régulière dédiée aux journalistes maghrébins et la volonté de créer un observatoire du journaliste maghrébin qui sera chargé d’assurer le suivi de toute forme de coordination, coopération et solidarité pour une presse maghrébine qui respecte le droit de ses lecteurs à une information libre et intègre réponde aux attentes de tous les citoyens maghrébins ».

 

Une telle initiative peut souligner la fragilité de la liberté de la presse dans ces pays, qui est fréquemment mise en cause par des atteintes à la liberté d’expression et soumis à la censure selon les spécificités de chaque pays. La précarité du statut du journaliste est soulignée et leur protection pénale n’est pas garantie à ce jour de manière transparente.

 

L’actualité récente en Tunisie suite à l’assassinat de Chokri Belaid a mis en évidence les tentatives d’intimidations envers les journalistes et le manque transparence dans les procédure judiciaires impliquant des journalistes tunisiens. C’est le cas de Zied El Hani, membre

Zied El Hani

du syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui s’est vu remettre une convocation devant le juge d’instruction  le vendredi 8  février 2013 pour le lendemain, en sortant de la chaîne de télévision Nessma TV, après avoir fait des déclarations à propos de l’assassinat du politique Chokri Belaid et mettant en cause le ministère de l’intérieur. Le journaliste Sofiène Ben Farhat  a également été convoqué devant le juge d’instruction le lundi 11 février après avoir affirmé qu’il avait reçu un sms à la veille de l’assassinat de Chokri Belaïd, l’informant de l’existence d’une liste de personnes à assassiner.

L’encadrement juridique des médias et la protection des journalistes respectant les libertés fondamentales est une réelle urgence afin d’éviter d’autres graves atteintes à la liberté des médias et le retour de l’autocensure, ainsi que favoriser l’émergence d’une presse transparente. Ceci est souhaité par les intervenants du forum de Hammamet qui ont invité les « gouvernements maghrébins à cesser d’opprimer et de harceler les journalistes et d’œuvrer, plutôt, à créer un climat propice qui leur permettrait de travailler dans des conditions plus libres et confortables ».

 

Sarah Anouar, correspondante à Tunis