Abolir la peine de mort
07H59 - mercredi 5 décembre 2012

Retour sur l’échec californien d’abolition de la peine de mort

 

Lors d’un referendum coïncidant avec l’élection présidentielle, les citoyens de l’Etat de la Californie ont rejeté la Proposition 34, qui visait à remplacer la peine de mort par une peine de prison a perpétuité, sans possibilité de sortie.

 

Echec californien, proposition 34, cause abolitionniste, peine de mort, abolition, proposition 30, hausse d’impôts, opposition, editoCe revers pour la cause abolitionniste intervient après que le mouvement a enregistré un certain nombre de victoires au cours des dernières années, avec notamment les décisions du Connecticut, de New York, du New Jersey et du Nouveau Mexique d’abolir la peine de mort. Il marque également un coup d’arrêt pour une stratégie argumentative qui s’était concentrée jusqu’a présent, et avec succès, sur le coût prohibitif de la peine de mort et sur les économies que les alternatives proposées  permettraient de réaliser.

 

Cet argument fut soutenu, de façon paradoxale, par un effort de campagne chiffré a plus de $7 millions, une somme largement supérieure à celle dépensée par l’opposition victorieuse. Et pourtant, les Californiens ont démontré le 6 novembre leur réelle volonté de régler le déficit de leur état. Au moment même où ils rejetaient l’abolition de la peine de mort, ils ont adopté, dans des proportions semblables, la Proposition 30,  qui prévoit une hausse des impôts pour les contribuables les plus riches afin de financer leur budgets sociaux.

 

En fin de compte donc, les californiens se sont montrés prêt à tout pour renflouer les caisses de leur Etat, allant même jusqu’à autoriser une hausse d’impôt, fait pratiquement inédit dans le contexte idéologique actuel. Prêt à tout, sauf à abolir la peine de mort.

 

Dans leur combat contre l’abolition, certains opposants à la Proposition 34 ont remis en question la véracité et la fiabilité des études démontrant le coût supérieur de la peine de mort. Pour beaucoup d’autres, l’argument, même accepté, n’a pas pesé. La réponse au cout prohibitif de la peine de mort ne se trouve pas dans son abolition, mais dans une série de réformes qui viseraient à accélérer les procédures judiciaires, limiter les recours, et ainsi réduire le chemin qui mène du tribunal a l’échafaud. Ainsi l’exigent, selon eux, les impératifs de justice, de rétribution et de soutien aux victimes.

 

L’échec de la Proposition 34 est peut-être due a des circonstances conjoncturelles. Il marque peut être un cout d’arrêt uniquement temporaire d’une stratégie ayant fait ses preuves dans d’autres états. Il ne doit cependant pas dédouaner les abolitionnistes d’un effort de réflexion sur les choix stratégiques à venir. Il reflète un attachement viscéral, de principes a la peine de mort, de la part de citoyens qui, sont, après tout, relativement « progressistes » sur de nombreux autres sujets de société. Face à cela, les arguments pragmatiques devront nécessairement être renforcés par des démarches et des discours mobilisant non seulement les intérêts économiques de chacun mais également les valeurs fondamentales. Organisations religieuses, associations de victimes et autres mouvements de conscience de tout bord devront continuer à se mobiliser pour approfondir la conviction abolitionniste au sein du tissu social américain, indépendamment de la conjoncture politique et des aléas budgétaires. Rien de moins ne pourrait alors enlever de façon certaine et définitive l’ombre de l’exécution qui, au lendemain du 6 novembre, s’est considérablement rapprochée de 13 hommes vivant encore dans les couloirs de la mort californien, mais dont les derniers recours judiciaires sont désormais épuisés.

 

Marc Jacquand