International
08H02 - mercredi 5 décembre 2012

Controverse en Égypte à la suite d’une déclaration constitutionnelle élargissant les pouvoirs du Président

 

La scène égyptienne a été considérablement bouleversée après la promulgation de la déclaration constitutionnelle du Président Égyptien, Mohammed Morsi, annoncée par le porte-parole de la Présidence Yasser Ali, le 22 Novembre.


La déclaration constitutionnelle consiste en 7 articles considérés comme liberticides car conférant de facto les pleins pouvoir au président M. Mohammed Morsi.

* L’article I prévoit la réouverture des enquêtes et procès pour crimes, tentatives de meurtre, blessures et répression des manifestants, menés par les membres de l’ancien régime.

* L’article II stipule que toutes déclarations précédentes, les lois et tous les décrets présidentiels pris par le président depuis son premier jour au pouvoir, le 30 Juin 2012, et jusqu’à l’élection d’un nouveau parlement sont définitifs et jouissent d’une immunité absolue contre tout type d’appels devant les organismes judiciaires et gouvernementaux. Cet article s’applique rétroactivement,

* L’article III indique que le Président peut nommer le procureur général parmi les membres de la magistrature pour un mandat de 4 ans, menaçant ainsi directement la séparation des pouvoir exécutif et judiciaire, lequel est considéré comme plutôt hostile à M. Morsi. De plus, l’article s’appliquerait « immédiatement », ce qui signifie la résiliation du mandat du procureur général actuel en poste depuis près de 7 ans.

* L’article IV prévoit la réduction à six mois de la durée de rédaction pour la nouvelle Constitution .

* L’article V met le Conseil Consultatif et l’Assemblée Constituante à l’abri de dissolution par la magistrature.

* L’article VI accorde au Président le pouvoir de prendre « toutes mesures nécessaires pour faire face à tous dangers menaçant la Révolution du 25 Janvier, l’unité nationale, la sécurité du pays ou empêchant les instituions étatiques d’exercer leurs rôles. »


Opposition de la part des forces révolutionnaires, forces laïques, juristes et magistrats

« La déclaration constitutionnelle contient les germes du retour de la tyrannie », a déclaré l’activiste égyptien Wael Ghoneim.

L’opposition égyptienne s’inquiète de voir la déclaration créer « un nouveau dictateur», ou, comme le dit le Dr. Mohammad Al-Barabdeï, l’ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, « la déclaration constitutionnelle donne à Morsi les pouvoirs d’un pharaon. »

Tandis que le premier article de la déclaration n’a pas été critiqué par l’opposition révolutionnaire, le deuxième article fait l’objet de critiques sévères, même par les forces islamistes, à l’instar du Groupe de prédication salafiste, commentant le deuxième article de la déclaration qui impose une immunité absolue contre tout type de contestation par voie légale des décisions du président, mettant par conséquent les décisions de Morsi à l’abri de recours devant un pouvoir judiciaire. Du fait qu’il donne au Président un pouvoir absolu, l’article II a été également critiqué par des juristes car il viole le principe de l’interdiction de légiférer sur l’immunité de l’exécutif contre l’avis et hors du contrôle de la magistrature.

Malgré le soutien limité apporté par quelques révolutionnaires au troisième article, l’opposition n’a pas ignoré ledit article, rappelant le caractère sacré de la position du procureur général. Sameh Achour, le Chef du Syndicat des avocats, a averti du danger de permettre au Président de congédier un procureur général et d’en nommer un autre, menaçant ainsi l’indépendance de la position. « L’effet rétroactif des deuxième et quatrième articles n’existe que dans des régimes fascistes», a ajouté Sameh Achour lors une marche contre la déclaration constitutionnelle, le 23 Novembre.

Les forces révolutionnaires et laïques estiment que les quatrième et cinquième articles de la déclaration sont des mesures ayant pour but d’accélérer la rédaction de la constitution par une Assemblée Constituante « dominée par des islamistes ».

L’ambiguïté du sixième article concernant la non-détermination du champ des pouvoirs du Président et la qualification bien vague des événements constituant des dangers menaçant la révolution, l’unité nationale, etc– concentrent les critiques. « Le sixième article ne définit ni les dangers menaçant la révolution ni les limites des pouvoirs du Président, comme ça le Président peut faire n’importe quoi contre n’importe qui en justifiant ses décisions par cet article, qui place les décisions présidentielles à l’abri de tout recours en justice », a publié la page révolutionnaire Égyptienne « La Troisième Révolution de la Colère » sur Facebook.

 

Dans le camp des forces islamistes on a néanmoins soutenu la déclaration constitutionnelle, estimant qu’il s’agit aujourd’hui de prendre des mesures révolutionnaires ayant pour objet de protéger la révolution et d’atteindre ses objectifs. Ils estiment que la déclaration a pour objet de mettre les décisions du Président à l’abri du contrôle d’une magistrature «corrompue ». Ils applaudissent le décret présidentiel visant à congédier le procureur général « qui appartenait à l’ancien régime. »


La situation actuelle et la réaction de la rue Égyptienne

Suite à leurs déclarations, la Cour de cassation, trois cours d’appels, tous les tribunaux de première instance de la république et huit administrations de parquet, le Haute Cour, ont suspendu leurs travaux jusqu’à l’annulation de la déclaration constitutionnelle.

Par ailleurs, les journalistes ont appelé à une grève générale lors d’une réunion d’urgence organisée par leur syndicat le 25 Novembre contre « le manque de liberté de la presse » contenu dans le dernier projet de la Constitution et contre la déclaration constitutionnelle qui conduirait à l’accélération de la promulgation de cette Constitution jugée liberticide pour les médias.

Après plusieurs jours de manifestations quotidiennes suite à la promulgation de la déclaration constitutionnelle, plus d’un million d’Égyptiens ont participé aux manifestations dans 14 gouvernorats les 27 et 30 novembre, contre la déclaration et la constitution et les Frères musulmans .

En outre selon le journal Al-Hayat Journal du 26 Novembre, plus de 200 diplomates égyptiens ont fait objection dans un mémorandum adressé au Ministre des Affaires étrangères, contre les ordres qui leur ont été communiqués par ce dernier de défendre à l’étranger M. Morsi et la déclaration constitutionnelle.

De leur côté, les Frères musulmans ainsi que des forces islamistes ont organisé une manifestation soutenant le Président devant le palais présidentiel, le 23 Novembre, durant laquelle le Président a prononcé un discours défendant sa déclaration constitutionnelle comme étant « révolutionnaire ». Par ailleurs, des centaines de milliers de Frères musulmans et des islamistes ont organisé des marches de soutien au Président, à ses décisions et à la constitution dans 5 gouvernorats le 1 décembre.

Malgré la contestation et le fait que la situation en Égypte s’aggrave jour après jour, le Président Égyptien  n’a montré aucun signe indiquant la possibilité pour lui de revenir sur décisions ou de satisfaire les demandes de l’opposition, qui réclame une constitution « consensuelle et représentant toutes les idéologies, les minorités et tous les segments de la société égyptienne ».

Les Égyptiens sont concernés par l’avenir du pays qui est considérablement affecté par l’incertitude des événements. Une confrontation est possible entre les partisans du Président et l’opposition. Un référendum est prévu dans 2 semaines sur cette constitution. Au bout du tunnel constitutionnel point de lumière pourtant : rédigée par une Assemblée constituante d’où sont absentes les forces révolutionnaires, libérales, laïques, mais aussi les jeunes, les travailleur, paysans, femmes, chrétiens, ou minorités ethniques et religieuse, le texte semble bien illégitime à prendre le relais des années Mubarak.

 

AbdelGhany Sayed

correspondant d’OI au Caire

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