Talents citoyens
06H45 - mardi 20 novembre 2012

Maroc, l’engagement audacieux d’Ibtissame Lachgar, la co-fondatrice du Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles

 

 

Ibtissame Lachgar

Dans le sillage du printemps arabe a aussi soufflé en février 2011 un vent de contestation populaire au Maroc, pour revendiquer des changements politiques et le respect des libertés fondamentales dans la monarchie du souverain Mohamed VI. Le Royaume du Maroc est une monarchie de droit divin dont la religion d’Etat est l’Islam. Le poids de la religion et le caractère sacré de la monarchie ont des conséquences indéniables sur les droits humains, et les libertés individuelles des Marocains. Les élections législatives de novembre 2011 ont permis aux islamistes de former un gouvernement dirigé par Abdellilah Benkirane. Dans ce contexte, le Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles (M.A.L.I.) se démarque d’autres organisations marocaines pour la défense des droits de l’homme par sa pugnacité. Ce mouvement, fondé par deux marocaines dont Ibtissame Lachgar poursuit son combat quotidien pour  défendre les libertés individuelles au Maroc, contre vents et marées.


Ibtissame Lachgar, née au Maroc à Rabat en août 1975, est psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée en criminologie et victimologie. Elle a fait ses études secondaires au lycée français de Rabat et ses études supérieures en France. Fille de syndicaliste et militante politique, son engagement a commencé pendant ses études en France par sa participation à des mouvements féministes ou à vocation humaniste. Après son parcours universitaire, elle décide de repartir vivre au Maroc à Rabat en ayant également le souhait de faire évoluer les libertés et de s’engager dans son pays. Avec son amie journaliste, Zineb El Rhazoui, elle décide en 2009 de fonder le M.A.L.I. par un groupe sur le réseau social Facebook, alors en plein essor au Maroc. Ce mouvement, dont le nom a aussi un sens en dialecte marocain  « Mali ? » « Qu’ai-je de différent ? », revendique le respect des droits de l’homme et en particulier de la liberté de conscience et d’opinion, la laïcité, les droits des femmes et l’abolition de la peine de mort. Ses prises de positions abordent de nombreux sujets tabous dans la société marocaine et suscitant régulièrement l’émoi de la société civile marocaine.

Le débat et la polémique sont vite lancés au Maroc par la première initiative du mouvement  qui a organisé un pique-nique « symbolique » le 13 septembre 2009, en plein mois de Ramadan, pour revendiquer le droit pour le marocain de choisir de ne pas jeûner. La non-observation du jeûne pour un marocain étant proscrite par le code pénal marocain dans son article 222, l’initiative provoque une onde de choc dans l’opinion marocaine et dans la classe politique ainsi qu’une médiatisation internationale.

Cet engagement sans faille d’Ibtissame et ses actions ont eu des conséquences sur sa vie quotidienne : son arrestation par les autorités marocaines après cette première initiative mais pas seulement. Ibtissame Lachgar évoque également des tentatives d’intimidations directes ou indirectes, des menaces et des insultes au quotidien. Mais elle tient bon, la médiatisation internationale du M.A.L.I. et de son activisme agissant comme une sorte de protection, de ligne rouge à ne pas franchir pour les autorités marocaines qui souhaiteraient exercer des représailles contre son action. D’abord humaniste, son activisme prend également une dimension politique avec sa participation à la coordination du mouvement du 20 février 2011 au Maroc, pour revendiquer la démocratie, le respect des droits humains, la justice sociale, l’indépendance de la justice et la fin de la corruption. Ce mouvement a aussi reflété la volonté des jeunes marocains de participer à la vie politique de leur pays.

Quoiqu’aujourd’hui en perte de vitesse, ce mouvement a permis aux jeunes marocains de participer à la vie politique de leur pays via ses nombreuses manifestations populaires. De plus, suite à ce mouvement, le roi Mohamed VI a entrepris une réforme constitutionnelle pour limiter certaines de ses prérogatives au profit du Parlement et du gouvernement. Ibtissam Lachgar pourtant ne voit aucune avancée pour les libertés individuelles depuis l’adoption par référendum de cette réforme constitutionnelle avec une très large majorité de 98,5% des votants. Elle continue de défendre les libertés à travers différentes causes, notamment associatives sans parvenir à faire collaborer le M.A.L.I. avec d’autres organisations ou associations marocaines pour la défense des libertés et des droits humains. Plusieurs tentatives de travail avec notamment des associations féministes ont ainsi échoué car Ibtissame dénonce leur connivence avec le système politique actuel et la monarchie. Féministe, elle se revendique évoquant le manque d’indépendance de certaines associations de défense des droits des femmes au Maroc en les qualifiant de « féministes d’Etat ».

Depuis la dernière réforme en 2004 du code de la famille marocain, la Moudawana, aucune avancée n’a été faite pour faire évoluer la condition et le statut des marocaines, dans une société qui reste basée sur un modèle familial hiérarchisé et patriarcal. Le M.A.L.I. a récemment encore fait la différence dans son combat pour les libertés des femmes en revendiquant le droit à l’avortement, interdit par l’article 455 du code pénal et en demandant à l’Organisation non gouvernementale (ONG) néerlandaise Women on Waves, qui propose aux femmes des avortements médicamenteux sur un navire dans les eaux internationales, de se rendre au Maroc. Le 4 octobre 2012, l’ONG a entrepris pour la première fois sa démarche dans un pays musulman où l’interruption volontaire de grossesse est interdite. Son navire a été empêché d’accoster dans le port de Smir, au nord du pays par les autorités marocaines mais Ibtissame et l’action du M.A.L.I. sont parvenus à relancer le débat dans l’opinion marocaine et à créer un fort impact médiatique au Maroc et à l’international.

Ibtissame défend les droits humains au quotidien dans le Royaume mais aussi à l’international, en participant à différents événements ou manifestations et en relayant les actions de M.A.L.I qui reste aujourd’hui un mouvement indépendant et sans cadre légal au Maroc. Le mode d’action du mouvement est « la désobéissance civile » par des actions qui vont aller à l’encontre de la loi : initiative de rompre le jeûne en public pendant le Ramadan ou l’action d’information sur l’avortement.

Depuis sa création, les fondatrices et les activistes du mouvement n’ont jamais été invitées à rencontrer des membres du gouvernement ou des représentants officiels pour  évoquer l’évolution des libertés au Maroc. Ibtissame reconnaît être une « personae non grata » dans le Royaume mais rien ne semble affaiblir sa détermination quand bien même elle ne voit pas à court terme d’évolution positive de l’état des libertés dans son pays.

Le 18 novembre 2012, elle a participé à un sit-in devant le Parlement pour protester contre le budget alloué aux palais royaux, une action à haut risque sachant que la critique de la monarchie et du Roi reste interdite au Maroc, du fait de son caractère blasphématoire. La manifestation a été dispersée violemment par les forces de l’ordre. Elle confirme par là, si besoin était, sa réputation de femme effrontée et sans appréhensions dans un combat bien singulier au Maroc, appelant avec persévérance pour un changement sans concessions ni connivences dans le Royaume.

 

Sarah ANOUAR

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