Afriques (2)
05H01 - mardi 9 octobre 2012

Déchets toxiques d’Abidjan : Amnesty et Greenpeace réclament des poursuites pénales contre Trafigura

 

Après trois ans d’enquête sur la tragédie des déchets toxiques versés par l’entreprise Trafugura en Côte d’ivoire, l’Ong Greenpeace et Amnesty international ont produit un rapport sur cette catastrophe environnementale de 2006. Et en le rendant public, fin septembre à Dakar, les deux Ong ont soutenu que Trafigura, une multinationale responsable du déversement de déchets toxiques à Abidjan, doit faire l’objet d’une enquête pénale au Royaume-Uni. Le drame avait affecté plus de 100 000 personnes dont 15 morts enregistrés.

Le directeur de la section sénégalaise d’Amnesty, Seydi Gassama et Raoul Monsembula de Greenpeace, qui ont présenté en conférence de presse le rapport intitulé « Une vérité toxique », affirment que le document «examine en profondeur la succession tragique des défaillances à l’origine d’un désastre sanitaire, politique et environnemental.» Ce rapport explique que la législation existante qui vise à prévenir de telles tragédies a été « bafouée, plusieurs gouvernements s’étant montrés incapables d’interrompre le voyage du Probo Koala et de sa cargaison toxique vers Abidjan ».

Par ailleurs, Amnesty et Greenpeace dénoncent l’accord conclu entre la Côte d’Ivoire et Trafigura permettant à ce dernier d’échapper à toute poursuite judiciaire pour le rôle qu’elle a joué dans le déversement de déchets toxiques. Et ce, après que Trafigura a accepté de verser à l’Etat de la Côte d’Ivoire 149 millions d’euros soit 95 milliards de francs Cfa pour l’indemnisation des 100 milles et quelques victimes et pour la décontamination des sites. Voilà pour pourquoi, le rapport conclut que Trafigura doit être amenée à rendre pleinement compte de ses actes devant la justice.

Selon les conférenciers, les habitants d’Abidjan ont été trahis non seulement par leur propre gouvernement mais aussi par les gouvernements d’Europe qui n’ont pas appliqué le droit en vigueur dans leur pays en laissant le bateau Probo Koala traîner ces déchets hautement toxiques de pays en pays jusqu’en Côte d’Ivoire. Pays où l’entreprise Tommy qui n’a que quelques semaines d’existence s’est engagée à organiser le déchargement des déchets dans les décharges à ciel ouvert d’Akouédo à Abidjan le 19 août 2006.

S’appuyant sur toutes les péripéties qui ont marqué le transfère des déchets à Abidjan, le rapport indique qu’il est «question de criminalité d’entreprise, d’atteintes aux droits humains et des carences des États qui n’assurent ni la protection des personnes ni celle de l’environnement.» Mieux, les conférenciers ajoutent que c’est les systèmes de mise en œuvre du droit international qui n’ont pas joué leur rôle pour les firmes agissant à une échelle transnationale. «Les déchets ont dans un premier temps été acheminés aux Pays-Bas mais Trafigura, estimant que le tarif proposé était trop élevé, a refusé qu’ils y soient traités dans de bonnes conditions. Malgré les inquiétudes qu’ils suscitaient, les autorités néerlandaises ont laissé les déchets quitter le pays, ce qui constitue une grave violation de leurs obligations juridiques. Conséquences : On voit qu’une société a pu profiter des flous juridiques et des conflits de juridiction et que son comportement a eu des conséquences désastreuses», dénonce le rapport.

En Côte d’Ivoire, les victimes attendent toujours que justice leur soit rendue. « Nous ne connaissons pas la vérité, a déclaré Geneviève Diallo, qui habite à proximité de l’un des sites de déchargement d’Abidjan. Les personnes responsables doivent être punies. Celles qui sont réellement coupables n’ont pas été punies.»

Or, dans le cadre d’une action civile intentée au Royaume-Uni au nom d’une partie des victimes, Trafigura a conclu un autre accord sans reconnaître sa responsabilité. En Hollande, un tribunal a déclaré la multinationale coupable d’avoir exporté illégalement les déchets depuis les Pays-Bas, mais le parquet a refusé de prendre en considération les événements qui se sont déroulés par la suite à Abidjan comme leur impact sur la santé humaine.

Pour le moment, rien ne garantit que ce type de criminalité d’entreprise ne se reproduira plus. D’où l’invite de Greenpeace et Amnesty faite aux Etats de renforcer l’application des textes en vigueur pour que leur territoires ne soient plus des dépotoirs de déchets toxiques.

Ibrahim KANDJIMOR

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