International
13H36 - mardi 7 février 2012

Idan Raichel, itinéraire d’un artiste surdoué

 

Après plus de deux ans d’absence, Idan Raichel revient sur la scène française à l’occasion des 110 ans du KKL. Réunis autour de son concept, plus de 100 musiciens issus de tous les continents mêlent la musique électronique aux sonorités ancestrales d’Ethiopie, du Yémen ou encore d’Afrique du Sud. Ajoutez à cela des textes prenant racines dans les écritures sacrées hébraïques et des chants interprétés en plus de 10 langues, et vous obtenez un mélange créatif, envoûtant et onirique. Portrait d’un chanteur atypique offrant une vision alternative d’Israël.

 

Zénith de Paris (5 Février 2012) : à gauche Idan Raichel, à droite Maya Avraham, originaire d’Inde. DR

Zénith de Paris (5 Février 2012) : à gauche Idan Raichel, à droite Maya Avraham, originaire d’Inde. DR

Le Zénith de Paris fait salle comble, en ce glacial dimanche de février, pour le retour du magicien Idan Raichel, révolutionnaire de la scène pop israélienne et chantre du  « New Age Rasta ». Les membres de son « Project » le précèdent et prennent place un à un, dans une semi-pénombre. Comme toujours, il entre en dernier, sans regarder la salle et prend place au clavier sur la gauche de la scène. Son regard fuyant cherche un refuge à sa naturelle timidité derrière ses longs dreadlocks. Autour de son cou pend une hamsa, main protectrice pour Juifs et Musulmans du bassin Méditerranéen. Soudain, la lumière jaillit, le public explose et se rue sur le devant de la scène. Se succèdent alors une symphonie de musiques mêlant rythmes électroniques, clarinette, saxophone et khrar (lyre éthiopienne), le tout en Hébreu, en Amharique et en Arabe. Si tous sont israéliens, ils proviennent d’horizons divers, du Brésil au Yémen, d’Inde à l’Ethiopie. Le résultat tient du sublime, alternant mélodies mélancoliques et rythmes toniques. Retour sur les tribulations du précurseur de la World Music en son pays.

 

Eclosion d’une icône

Idan voit le jour le 12 septembre 1977, dans la ville israélienne de Kfar Saba, à quelques kilomètres de la frontière Cisjordanienne. Ses parents, Juifs ashkénazes de Russie, l’initient très tôt à la musique et il excelle à l’accordéon dès l’âge de 9 ans. Il est attiré par les répertoires Tsiganes et le tango argentin.

Cette ouverture vers les sonorités du monde contraste avec le mutisme d’un enfant solitaire, qui passe de longues heures à observer ce qui l’entoure sans mot dire, inquiétant ses parents qui le confient au soin d’un psychologue.  Mais la musique se fera catharsis de son inhibition au lycée, où il étudiera le piano et le jazz, développant ainsi ses capacités d’improvisations et surtout de collaboration avec d’autres musiciens.

A 18 ans, Idan rejoint Tsahal, où il intègre le groupe de rock de l’Armée et interprète, au gré des bases qu’il visite, les reprises des plus grands succès israéliens et américains. Accédant très vite au rang de directeur musical de la troupe, il devient maître dans les arrangements et dans la production.

 

Rencontres éthiopiennes

C’est lors de son retour à la vie civile que le destin d’Idan prend une tournure décisive. Le jeune homme d’une vingtaine d’années devient alors conseiller d’orientation au sein d’une école pour immigrants, qui compte une forte concentration de jeunes Juifs éthiopiens, issus du rapatriement massif de cette communauté en Israël entre 1984 et 1991.

Si bon nombre tendent à taire, voir à rejeter, leurs traditions ancestrales par soucis s’assimilation, un petit groupe d’adolescents demeure proche de leur musique, et font découvrir à Idan des artistes tels que Mahmoud Ahmed ou encore Aster Aweke. Emerveillé devant la richesse de ce patrimoine musical, il fréquente de plus en plus les bars live éthiopiens de Tel-Aviv, y puisant l’inspiration nécessaire à la réalisation de son œuvre.

 

Une percée fulgurante

Idan Raichel, symbole de la diversité israélienne. DR

Idan Raichel, symbole de la diversité israélienne. DR

Après avoir servi quelques sommités de la chanson israélienne, tels qu’Ivri Lider, il décide en 2002, de se concentrer sur ses propres perspectives musicales et enregistre une démo dans un petit studio créé par ses soins dans le garage de ses parents. Lui vient alors l’idée d’inviter 70 artistes et musiciens de différents styles.

Toutefois, labels et producteurs considèrent son travail comme trop « ethnique » et hors des registres traditionnels. Seul Gadi Gidor, du label Helicon Records, lui donnera sa chance. Il prête alors sa voix chaleureuse à la chanson Bo’i (Viens), savante alternance d’Hébreu et d’Amharique, qui le propulse immédiatement au sommet. Le même enthousiasme accueillera la majorité de ses autres titres, interprétés par des artistes devenus majeurs tels que Din Din Aviv (Im Telech), Ortal Ofek (Medabrim be sheket), Sergio Brahms (Brong Faya), ou encore Zamanwit Zoë Gadmu (Ayal Ayale).

Cette mosaïque d’identités se recentre autour de la thématique de l’amour, le plus souvent perdu, parfois rêvé, comme dans « Hinach Yaffa », inspiré du Cantique des cantiques du roi Salomon. Au final, l’album sera triple disque de platine avec plus de 138 000 exemplaires vendus, devenant ainsi l’un des plus grand succès dans l’histoire de la musique populaire israélienne. Pour le  New York Times, il  est « chanteur israélien du Monde », alors que le Billboard Magazine salue l’ “un des plus fascinant groupe de World Music”.

 

Confirmation et internationalisation

La performance sera renouvelée en 2005, lors de la sortie de son second opus  « Mi’maamakim », littéralement « Des Profondeurs », en référence au Psaume 130 qui est notamment récité chez les Juifs endeuillés.  S’il conserve les bases de son premier succès, Idan diversifie sa palette linguistique en y ajoutant l’Arabe, le Zoulou ou encore l’Hindi. Il invite aussi la prestigieuse chanteuse Yéménite Shoshana Damari, disparue depuis, à interpréter 2 titres.

Cet album marque également l’arrivée dans le groupe de la rayonnante Kabra Kasai, artiste d’origine éthiopienne et chanteuse principale du groupe aux côtés de Maya Avraham. Résultat : un nouveau triple disque de platine. Conscient de sa singularité sur le marché, car ne chantant pas ou très peu en anglais, le Project sort, en novembre 2006, un album reprenant ses plus grands hits, proposant des bonus comme des clips vidéos, traductions et photos inédites. Ce support permettra, notamment aux Etats-Unis et en Angleterre, d’asseoir une audience conséquente lors de ses concerts. Le rayonnement à l’Est, lui, viendra quelques temps plus tard.

 

Interview d’Al Jazeera

Fort de son avènement, le chanteur multiplie les concerts de par le monde. C’est alors que la chaîne Al Jazeera le contacte, en mars 2008, pour une interview exclusive de plus d’une heure à Doha (Qatar), faisant de lui le premier chanteur israélien à être reçu par une télévision arabe. Riz Khan, qui conduit l’interview, le présente comme l’un des artistes « les plus talentueux de sa génération, triomphant et unifiant les cultures dans une région tourmentée. Dans un pays avec tant de mixité ethnique et de tensions interculturelles, ses sonorités éclectiques et innovantes sont une bouffée d’oxygène », note-t-il.

Retraçant les contours de sa vie, Idan glisse alors malicieusement que sa grand-mère l’aurait voulu « médecin ou avocat… ou les 2 en même temps », puis déclare que la majorité des Israéliens ne connaissent que peu de choses sur la souffrance des Juifs d’Ethiopie : « Pour beaucoup, Addis-Abeba est un désert ». Conscient de l’importance que revêt cette rencontre, il affirmera, peu après, qu’il fut « très excitant et surprenant d’avoir l’opportunité de présenter une autre facette d’Israël au public Arabe».

 

Un concept sans cesse renouvelé

La même année, il invite autour de son 3e recueil intitulé « Bein Kirot Beiti » (Entre mes murs), la star colombienne Marta Gomez. Idan travaille également sur le rapport entre sonorités et éléments, intégrant notamment un percussionniste uruguayen qui immerge ses instruments pour obtenir des variations sonores. Nouveau disque de platine.

Après de longs mois sur les routes, un double CD, « Travelling home, back and forth », recueille les versions live des plus grands succès du groupe et quelques nouveaux titres inédits, interprétés par le chanteur marocain Shimon Buskila ou encore par le malien Vieux Farka Toure. En parallèle, Idan multiplie les collaborations de renom sur le plan national, comme avec Aviv Gefen, aux Etats Unis avec, au printemps prochain, un album commun l’associant à India Arie, récente détentrice d’un Grammy Award.

Ainsi, Idan fait mentir le proverbe : on peut être prophète en son pays… et bien au-delà.

Aurel Barry

 

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