Human Rights
11H30 - jeudi 5 janvier 2012

Chronique des droits de l’Homme
semaine du 2 janvier 2012

 

 

 

 

 

Opinion Internationale

Le rejet du protocole textile UE-Ouzbekistan :
un signal pour un recentrage de l’UE sur ses valeurs fondamentales

Le 15 décembre dernier, les parlementaires européens ont rejeté en grande majorité (603 contre 8 voix) l’accord de textile Euro-Ouzbekistan. Ils refusent ainsi d’accorder tout tarif préférentiel au coton ouzbek.

La raison ? L’utilisation d’enfants utilisés lors des récoltes. La mesure devrait perdurer tant que l’Ouzbékistan n’aura pas autorisé l’Organisation Internationale du travail (OIT) à mener une enquête sur le travail forcé des mineurs dans le pays.

Les enfants doivent effectuer un quota atteignant 10 kg par jour pour un salaire de misère. DR

Le 3e exportateur de coton au monde exploite chaque année des centaine de milliers d’enfants durant les 3 mois que durent les récoltes. L’Etat ferme alors les écoles et les enfants risquent d’être expulsés de l’école ou battus s’ils ne réalisent pas leur quota journalier de travail. Des ONG ont également fait état d’actes d’humiliation ou de punitions corporelles infligés à ceux qui refusent d’aller travailler dans les champs. Le gouvernement ouzbek qui a créé sa propre agence pour gérer le travail des enfants, refuse les consultants internationaux.

 

Le Parlement européen entend faire pression sur l’Ouzbékistan pour qu’il cesse de cautionner le travail forcé des enfants. Mais quels seront les effets concrets de la mesure ? Le rejet d’intégrer le protocole textile à l’Accord de partenariat et de coopération (ACP), qui gouverne les relations entre l’UE et l’Ouzbekistan, ne peut suffir s’il demeure isolé. Dans l’état actuel des choses, on peut par exemple douter  de la faisabilité de l’enquête de l’OIT au sein de ce régime autoritaire.

La mesure pointe du doigt le coton ouzbek sans l’interdire totalement. Cependant même dans l’hypothèse d’un boycott total du coton ouzbek, des doutes subsistent quant aux conséquences sur le travail forcé. Les imports des Etats-Unis et de l’Union Européenne ont beaucoup baissé depuis 2008, avec le lancement du boycott par une soixantaine de compagnies textiles américaines et européennes. Cela n’a pas affecté le volume total des exports, les compagnies russes, chinoises et indiennes ayant remplacé les acheteurs américains et européens.

Par le rejet du protocole, le Parlement européen envoie un signal fort à l’UE pour replacer les droits de l’Homme au cœur de sa politique de coopération. Celle-ci devrait en tenir compte et cesser de supporter tacitement les abus du régime de Karimov, au pouvoir depuis 22 ans.

L’APC comporte une clause de suspension en cas de violation de droit de l’homme. Elle pourrait constituer un réel moyen de pression pour que le pays respecte ses engagements internationaux. Cependant les intérêts pragmatiques et économiques risquent encore une fois de se substituer aux principes et valeurs fondamentaux de l’UE, qui n’entend pas renoncer au pétrole et au gaz ouzbeks.

 

 

 

 

 

La situation des migrants à Mayotte, réalisée par Médecins du monde : « parole de sans-papiers »

« Mayotte, paroles de sans-papiers ». Episode 1 par medecinsdumonde

 

 

 

 

L'actualité des droits de l'Homme

 

 

 

 

La France absente de l’enquête 2012 du Conseil de l’Europe sur les lieux de privation de liberté. Pourtant la situation est déplorable à Mayotte.

Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a annoncé la liste des 10 pays membres dans lesquels il se rendra en 2012.

Il y évaluera la manière dont les personnes sont traitées dans les lieux de privation de liberté tels que les prisons, hôpitaux psychiatriques, foyers sociaux, centres de rétention administratifs… On peut regretter que la France ne fasse pas partie de la liste.

Pourtant la situation n’est pas glorieuse, en particulier à Mayotte qui n’a jamais été visitée par le CPT. Les conditions du Centre de rétention administrative de Pamandzi ont été qualifiées par Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) d’ « indigne de la République » en 2008 et de « verrue de la République » par un syndicat de police en 2011. L’amélioration du centre, annoncée en 2010, a finalement été repoussée à 2014. Plus de 120 migrants en attente de déportation y sont entassés dans 136 m2.  Triste conséquence de l’augmentation des moyens et des effectifs de sécurité qui ne sont pas assorties d’un accroissement des capacités d’accueil dans les CRA.

 

 

Kazakhstan :
enquête lancée suites aux manifestations violemment réprimées du 16 décembre dans le nord du pays

Le président Nazarbayev a déclaré l'état de siège à Zhanaozen jusqu'au 5 janvier suite aux manifestations, les plus meurtrière de l'histoire récente du pays. DR

Le 16 décembre, la police a ouvert le feu sur les grévistes du secteur pétrolier de la ville de Zhanaozen. 16 morts et 80 blessés ont été décomptés selon les sources officielles, mais les syndicats de travailleurs font état de 50 morts et 500 blessés.

 

Réunis sur la place centrale depuis le mois de mai, ils protestaient pacifiquement contre la dégradation des conditions de travail et des salaires. Les autorités ont entendu les disperser lors de l’organisation de la cérémonie du 20e anniversaire de l’indépendance du pays. L’armée a alors été dépêchée à Zhanaozen et l’état de siège instauré pour 20 jours dans la ville.

Les graves violations des droits de l’Homme ont été dénoncées par Human right watch (HRW). L’organisation appelle à enquêter sur les violences commises par la police lors de la dispersion du mouvement. D’autre part, elle a également dénoncé les actes de torture en détention après la mort d’un homme. Ce dernier a succombé le 22 décembre, suite aux mauvais traitements dont il a été victime en prison.

Les répressions du régime reflètent la crainte d’une propagation des révoltes au reste du pays dans un contexte de frustrations sociales. La population Kazakhe bénéficie peu des richesses générées par l’extraction pétrolière. Ces violences, les pires depuis l’indépendance, ternissent l’image que le président entend donner de son pays.

 

 

Mauritanie : Mohamed Lemine Ould Dadde toujours en détention arbitraire

L’ancien Commissaire aux droits de l’Homme en Mauritanie est toujours maintenu illégalement en détention. Arrêté le 27 septembre 2010 et inculpé de détournement de fonds, il aurait dû être relâché après 18 mois d’incarcération selon la loi mauritanienne, soit le temps de la fin de l’instruction. La procédure n’a pas non plus respecté le droit de la défense.

M. Ould Dadde est connu pour son engagement contre l’esclavage en Mauritanie, phénomène nié par les autorités. Il avait évoqué son expérience personnelle et la libération de l’esclave qu’il avait reçu à la naissance, dans le documentaire d’Arte « chasseur d’esclaves ». Selon la FIDH, son arrestation constitue un détournement de la Justice à des fins politiques.

 

 

Irak : transfert des réfugiés du camp Ashraf, un test pour le gouvernement irakien

3 400 Iraniens vivent depuis 25 ans en exil au camp Ashraf, situé au nord de Bagdad. DR

Les 25 et 27 décembre 2011, le camp abritant 3 400 opposants iraniens au nord de Bagdad a été victime de tirs de roquettes. L’organisation des Moudjahiddines du peuple d’Iran (OMPI), qui dirige ce camp, a attribué ces attaques à des forces pro-iraniennes.

Les relations entre l’Irak et l’Iran se sont beaucoup améliorées depuis la chute du régime de Saddam Hussein, qui pendant la guerre avec l’Irak, avait accueilli et supporté l’OMPI dans ses attaques armées contre l’Iran.

Ces agressions font suite à la signature du protocole d’accord de l’ONU pour une solution pacifique à la crise d’Achraf. Celui-ci prévoit le transfert des exilés dans un lieu d’accueil temporaire, le temps que le HCR détermine leur statut de réfugié, nécessaire à leur réinstallation. Le gouvernement irakien  s’est engagé à « assurer la sécurité des habitants du nouveau lieu d’accueil ». Le  camp ayant déjà été attaqué en avril 2011, Amnesty International avait alerté sur les dangers encourus par les résidents lors de leurs déplacements.

Selon Maryam Radjavi, dirigeante du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), le transfert des 400 premiers exilés –annoncé le 28 décembre– constitue un « test pour l’attitude du gouvernement irakien sur les engagements qu’il a pris auprès de l’ONU et des USA ».

 

 

Chine : le dissident Chen Xi condamné à dix ans de prison

Chen Xi est condamné à 10 ans de prison pour "incitation à la subversion du pouvoir de l'Etat". DR

Le 26 décembre, l’opposant de 57 ans, qui avait participé au mouvement de Tien an Men en 1989, a été condamné à dix ans de prison pour subversion du pouvoir de l’État.

Il avait milité sur internet au travers d’écrits en faveur de réformes politiques et d’une amélioration des droits de l’Homme. l’ONG Chinese human rights defenders (CHRD) a dénoncé le caractère expéditif de son procès.

Depuis le printemps arabe, le régime chinois renforce actuellement la répression contre les opposants, après des appels à manifester aient été lancés sur internet.  Pour les mêmes motifs, le 23 décembre 2011, l’écrivain Chen Wei, militant connu des droits de l’homme en Chine, a été condamné à neuf ans de prison.

 

 

Ethiopie : 2 journalistes suédois condamnés pour terrorisme

Accusés de « soutien au terrorisme » et d’entrée illégale sur le territoire, Martin Schibbye et Johan Persson ont été condamnés le 27 décembre 2011 à 11 ans de prison. Arrêtés le 1er juillet, en compagnie de rebelles du Front national de libération de l’Ogaden (ONLF), ils enquêtaient sur les activités du groupe pétrolier suédois Lundin Oil.

Au moment de leur arrestation, la Suède avait demandé à Addis Abeba de libérer les journalistes « aussi vite que possible ». Selon les États-Unis, l’accusation confond l’activité terroriste et le fait « d’écrire sur le terrorisme ».

 

 

Zambie : danger pour les travailleurs dans les mines de cuivre chinoises !

Les investissements chinois auraient rapporté 1 milliard de dollars à la Zambie, mais les travailleurs payent cher le partenariat économique. DR

L’organisation Human right watch a accusé les compagnies minières chinoises de bafouer le droits du travail et d’ignorer les règles de sécurité dans les mines de cuivre en Zambie. La richesse générée par les investissements chinois en Afrique –parfois perçus comme une stratégie alternative de développement pour le continent– se fait souvent au détriment des droits et de la sécurité de la population.

 

Dans les mines, les ouvriers travaillent parfois jusqu’à dix-huit heures par jour. Ils exerçaient leur profession dans des conditions dangereuses, risquant des maladies pulmonaires, sans équipement de protection adéquats. Des mineurs ont rapporté avoir été soudoyés ou menacés afin qu’ils ne témoignent pas de ces accidents aux autorités.

Cela n’est pas sans rappeler la situation en Chine, où les scandales liés aux accidents dans les mines sont précautionneusement étouffés.

 

 

Haiti : la police suspectée d’implication dans des exécutions arbitraires et acte de torture

Le 27 décembre, le Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a exhorté les autorités haïtiennes à enquêter sur les cas de torture policière et à poursuivre les responsables. Plus de 20 personnes seraient décédées entre octobre 2010 et novembre 2011.

Dans 2 rapports, le Haut-commissariat revient sur le cas de 9 décès liés à des tortures ou des exécutions arbitraires, affaires qui impliquent 20 policiers. Les auteurs des violences n’ont pas été poursuivis en justice et il n’y a pas eu d’autopsies sur les corps des victimes.

Le Haut-commissariat a aussi exprimé son inquiétude face à la décision du Conseil de sécurité de l’ONU de réduire  les forces miliaires et la police de la Minustah. Cette décision revient à déléguer davantage encore la sécurité à la police nationale haïtienne.

 

 

Colombie : la France condamne l’assassinat d’Alexa Gomez Polania, présidente de l’ONG pour les droits des populations déplacées

Alexa Gomez Polania, mère de famille de 35 ans a été assassinée le 18 décembre à son domicile à Mocoa, capitale du Putamayo, dans des circonstances mal connues. Cette militante des droits de l’Homme, présidente de l’association des personnes déplacées “El Progerso” avait déjà reçu des menaces.

Associée à  l’Alliance des femmes du Putumayo « Tejedoras de vida » (Tisseuses de vie), elle était à l’initiative de la construction d’un monument consacré aux femmes victimes de la violence. A ce titre, l’Alliance avait reçu le Prix franco-allemand des droits de l’Homme « Antonio Nariño » pour l’année 2011.

Le Quai d’Orsay a exprimé sa solidarité avec les victimes de la violence en Colombie et a appelé à ce que les auteurs du crime soient identifiés et jugés.

 

 

Nigéria : escalade des violences intercommunautaires

L'attentat revendiqué par Boko Haram sur l'église sainte Thérésa à Madalla, non loin de la capitale, a fait 35 morts le jour de Noël. DR

Le 29 décembre 2011, le président Goodluck Jonathan a convoqué une réunion d’urgence. L’objectif était de discuter de la menace islamiste montante, après les attentats à la bombe qui ont ciblé des églises le jour de Noël.

 

Ces attaques, revendiquées par le groupe islamiste Boko Haram, ont fait 40 morts. Le 29 décembre au soir, l’attentat d’une école coranique a blessé 7 personnes dont 6 enfants. Les auteurs des violences sont mal connus. Il pourrait s’agir d’une stratégie de déstabilisation du pays menée par des groupes politiques opposants.

Au-delà de Boko Haram, il y a d’autres groupes qui pourraient avoir intérêt à une déstabilisation et commettre des violences sous leur nom. L’organisation, qui aurait éclaté en plusieurs branches, serait en lien avec d’autres groupes islamistes , comme Al Chabab en Somalie ou les Katiba d’AQMI.

L’escalade des violences fait craindre une guerre de religion. Dans le nord du Nigeria, les membres des différentes confessions vivent désormais au sein de quartiers séparés et se sont organisés en milices.

 

 

Congo : 24 morts depuis l’annonce du résultat de l’élection présidentielle

A Kinshasa les forces de l'ordre ont été déployées dans la ville. DR

Selon un rapport de l’ONG HRWE, les répressions des Forces de sécurité entre le 9 et le 14 décembre 2011, ont fait 24 morts.

 

Une dizaine de personnes seraient également placées en détention arbitraire, accusées de «désordre public, vol, incendie volontaire et incitation à la désobéissance civile». La police aurait tiré sur la foule pour disperser les manifestations des supporters de l’opposant Tshisekedi.

Selon le rapport établi, les autorités auraient tenté de dissimuler les morts, en retirant rapidement les corps. Les hôpitaux et les morgues auraient reçu l’ordre de ne pas fournir d’informations aux ONG de défense de droits de l’Homme ou à l’ONU.

 

 

 

 

 

Jean-François Dubost, d’Amnesty International :
le défaut de protection de l’OPFRA

Le 3 novembre dernier, le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a indiqué, par une note interne au service, de rejeter les demandes d’asile des personnes accusées de falsification d’empreintes.

Cette note, qui place en défaut de protection un grand nombre de demandeurs d’asile, sera contestée le 9 janvier 2012 par Amnesty International et la Coordination Française pour le droit d’Asile (DFDA) devant le Conseil d’État.

 

Jean-François Dubost d’Amnesty International revient sur la logique et les conséquences de cette note interne, révélatrice de l’affaiblissement actuel du régime de protection des réfugiés.

 

Pouvez-vous revenir sur l’objet de la note interne de l’OFPRA ? Sur quelle base juridique a été prise cette note interne ?

Jean-François Dubost : La note du 3 novembre ne fait référence à aucun texte. C’est donc une libre interprétation qui a été faite sans source juridique.  En demandant le rejet systématique des demandeurs d’asile dont les empreintes sont suspectées d’altération, elle a des conséquences dangereuses puisqu’elle prive les individus du recours au droit d’asile.

Jusqu’alors, la présomption de falsification d’empreintes avait pour conséquence de positionner la demande d’asile en procédure prioritaire –plus expéditive et critiquable quant à l’accès au droit de la défense– mais l’OPFRA acceptait d’examiner la demande.

 

Comment s’établit la falsification d’empreintes ?

J.-F. D. : C’est à la préfecture qu’est établi le dossier de demande d’asile. La vérification d’empreintes permet de savoir si le demandeur est passé par un autre Etat de l’UE. Dans ce cas, il devrait alors y être renvoyé.

Si elle constate une falsification des empreintes, la préfecture l’indique dans sa fiche de liaison avec l’OFPRA. La personne est alors placée en procédure prioritaire.

La préfecture présume d’une volonté de falsification sans en apporter la preuve : un  produit, une surface peut altérer nos empreintes digitales au cours de notre vie de façon accidentelle.

Les pratiques varient beaucoup selon les préfectures comme l’a montré l’étude menée par Amnesty en 2010, dans le cadre du projet de loi Immigration. Certaines préfectures, dès lors qu’elles ne parviennent pas à prendre les empreintes une seule fois, décident de recourir à la procédure accélérée.

 

Depuis quand la falsification d’empreintes est-elle un motif pour placer un demandeur d’asile en  procédure accélérée ?

J.-F. D. : Cette pratique remonte à 2008 – 2009. Jusqu’à la publication de la circulaire, l’OPFRA ne refusait pas pour autant d’examiner les demandes d’asile. Ce changement de comportement montre l’absurdité du fondement de ce document. Les personnes concernées, majoritairement soudanaises, érythréennes et somaliennes, avaient auparavant des taux de reconnaissance parmi les plus hauts.

 

Quels ont été les résultats des interventions d’Amnesty et de la Cimade dans les affaires liées à cette note ?

J.-F. D. : Les 21 et 27 décembre 2011, AI et la Cimade sont intervenues au tribunal administratif de Melun et au Conseil d’État pour appuyer les demandes d’asile qui avaient été réduites à néant, en l’absence d’entretiens et d’examens personnalisés des demandes.

Le TA de Melun a considéré que, suite à la publication de la note et au fait que les demandes n’ont pas été examinées pour des personnes encourant des dangers dans leur pays d’origine, il y a eu atteinte au droit d’asile et  refus de la reconnaissance du besoin de protection.  Le tribunal a alors demandé une réévaluation des demandes au regard des conditions du pays d’origine.

Le 27 décembre, l’OFPRA a fait appel devant le Conseil d’État contre la décision du tribunal administratif. Le CE a invalidé la décision du TA, déclarant qu’il ne lui revient pas de s’occuper de ces questions. C’est la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui doit être saisie. Cependant cela n’est pas satisfaisant, la CNDA n’offrant pas une protection efficace pour les personnes placées en procédure prioritaire.

 

Pouvez-vous préciser les raisons pour lesquelles le système français actuel n’offre pas de recours efficace contre un rejet de demande d’asile ?

J.-F. D. : Une fois le cas classé en procédure prioritaire, un rejet de demande d’asile peut être contesté en saisissant le CNDA. Cependant le préfet peut, à tout moment, décider de l’éloignement du demandeur d’asile. Le recours n’est pas suspensif. En pratique, l’accès au juge n’est pas effectif, certains demandeurs d’asile quittent le territoire alors que leur demande aurait dû  être réexaminée.

De plus, le CNDA n’a pas pour fonction d’examiner le travail de l’OPFRA. Il s’y substitue en réexaminant la demande d’asile, mais ne contrôle pas l’OPFRA.

Ainsi, avec d’autres associations, comme la Cimade et la Coordination française du droit d’asile, nous tentons un recours contre la note interne devant le Conseil d’État. Nous espérons que le CE décidera que ce document ne se fonde sur aucun texte et qu’elle est donc illégale. Dans ce cas, les demandes d’asiles rejetées seront réexaminées.

 

Est-ce la première fois que l’OFPRA prend de lui même des mesures restreignant l’accès au droit d’asile ?

J.-F. D. : C’est la première fois que l’OFPRA décide indépendamment de limiter l’accès à l’asile à une catégorie de population. Mais cela s’inscrit dans un contexte de rapprochement entre l’OFPRA et le ministère de l’Intérieur.

L’office, auparavant rattaché au ministère des Affaires étrangères, est passé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur depuis le dernier remaniement ministériel. La note n’est pas sans lien avec l’argumentaire de Claude Guéant qui, en fin novembre, avait évoqué les abus des demandeurs d’asile sur le système français, les qualifiant de « migrants économiques ».

On sent une volonté de l’OFPRA de se perpétuer à l’action du ministère en faisant davantage du contrôle migratoire que de la protection.

 

Quelles sont les causes d’altération d’empreintes selon vous ?

J.-F. D. : Je pense que l’on peut distinguer deux cas : des altérations volontaires et involontaires. Ces dernières peuvent  survenir  au cours d’une vie. Les conditions d’exil avant la France peuvent induire un changement des empreintes des demandeurs d’asile, par exemple des travaux sur des chantiers ou dans des mines de sel. Elles peuvent aussi découler de persécutions comme la torture ou les conditions de détention.

Il n’est pas établi que la majeure partie des cas d’altérations reportées soit le fait de brûlures ou des blessures visant à éviter un renvoi vers la Grèce, Malte ou l’Italie. Une bonne logique de protection voudrait que l’on s’interroge sur les raisons qui ont poussé ces personnes à s’infliger de telles blessures, qui touchent aux conditions de vie et d’examen des demandeurs d’asile.

La CEDH a donné raison aux personnes qui tentent d’échapper aux pays peu protecteurs. Elle a demandé aux États d’arrêter de renvoyer les migrants en Grèce et a condamné le pays. En Italie ou à Malte, autres portes d’entrée de l’Europe, les conditions de détention sont déplorables.

Au lieu de se poser les bonnes questions, on en est resté à l’image du demandeur d’asile fraudeur. L’évolution du traitement des demandes d’asile s’inscrit dans le contexte électoral et de crise économique. La criminalisation des migrants est toujours facile. Mais elle reste dans les esprits et a des conséquences sur le comportement des administrations, qui mettent des vies en danger.

 

 

 

 

 

Mercredi 4 Janvier

11 h : Thomas Delthombe : « La construction médiatique de l’islamophobie en France »
Conférence organisée dans le cadre du séminaire de recherche de l’EHESS sur l’islamophobie
EHESS – École des hautes études en sciences sociales
Amphithéâtre François Furet  – 105 boulevard Raspail
Métro Saint Placide ou Notre Dame des Champs

 

Vendredi 6 janvier

19 h : Conférence débat « Le réveil arabe et nous ? » organisée par le Collectif des Musulmans de France (CMF) dans le cadre de l’appel « Printemps des Quartiers 2012 ». Avec Tariq Ramadan, intellectuel, islamologue ; Alain Gresh , directeur adjoint du Monde Diplomatique ; Sofiane Meziani  et Nabil Ennasri, flottille française pour Gaza ; Fadela El Miri – NPA
Bourse du Travail de Saint-Denis – 9-11 rue Génin
Saint Denis (93). Métro Porte de Paris

 

20 h 30 : « Retour sur Ouvéa » : Projection et rencontre-débat avec le réalisateur Mehdi Lallaoui.
Le drame d’Ouvéa avait causé la mort de 4 gendarmes français et de 19 jeunes indépendantistes kanaks. 20 ans après, les acteurs de ce drame et les familles des nationalistes assassinés se souviennent.
Centre d’Animation Mercoeur – 4 rue Mercœur – Métro Charonne ou Voltaire
Entrée libre
http://www.fetealeon.org/CineLeon

 

20 h 30 : Projection-débat  « Journée mondiale des Roms 2007 Montreuil »Organisé à l’occasion de la parution du livre-film. Présentation du mouvement culturel Rrom avec Saimir Mile (La voix des Rroms), Léa Longeot (association Didattica) et (sous réserve) Mica Stefanovitch (Communauté mondiale gitane).
http://didattica.reseau2000.net/spip.php?arti
Atelier Coriandre – 86 rue Gaston Lauriau – Montreuil (93)
Métro Mairie-de-Montreuil ou Croix-de-Chavaux

 

Samedi 7 janvier

9 h 30 : Rencontre Terra n°36 : « Politiques de l’exception »
Conférence & débat organisés à l’occasion de la sortie de l’ouvrage sous la direction de Michel Agier : Politiques de l’exception – Réfugiés, sinistrés, sans-papiersAvec Etienne Balibar, Gérard Gromer, Michel Agier, Alain Brossat, Clara Lecadet, Simona Tersigni, Jérôme Valluy
Entrée libre, inscription obligatoire auprès de Anne Dizerbo : [email protected]
EHESS – École des hautes études en sciences sociales
Amphithéâtre François Furet – 105 boulevard Raspail
Métro Saint Placide ou Notre Dame des Champs

 

Samedi 14 janvier

18 h 30 : Projection du film « Nostalgie de la lumière » et rencontre avec son réalisateur, Patricio Guzmán.
Organisé par l’Association d’ex-prisonniers politiques chiliens-France, au bénéfice du projet « Archives audiovisuelles » (témoignages filmés d’exilés chiliens).

Vente solidaire d’Empañadas, vin et boissons. Chants et danses par les artistes : Polo Gómez, Marcos Soto et Isabelle de la Preugne
Entrée : 5 €
Confluences – 190 bd de Charonne
Métro Philippe Auguste ou Alexandre Dumas

 

Chronique réalisée par Carine Dréau
pour Opinion internationale