Human Rights
13H10 - mardi 20 décembre 2011

Exil ou prison : les défenseurs syriens des droits de l’Homme subissent violences et pressions

 

L’arrestation et l’emprisonnement, le 9 août 2011, d’Abdel Karim Rihaoui, président de la Ligue syrienne des droits de l’Homme (LSDH), avaient suscité l’indignation de la communauté internationale. Le Quai d’Orsay exigeait notamment sa libération immédiate. C’est pourtant dans le silence des médias qu’il est libéré le 22 août.


Baniyas : manifestants brandissant des roses en faveur de la non-violence (syria-frames-of-freedom / flickr)

Même s’il a aujourd’hui quitté la Syrie, Abdel Karim Rihaoui est toujours menacé par les autorités de son pays, la pression de la dictature de Bachar-el-Assad se poursuivant par d’autres moyens. Retour sur les méthodes d’un régime prêt à tout pour anéantir l’opposition à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.

 

Tortures et détention arbitraires : la brutalité comme outil de dissuasion

Le président de la LSDH, également important interlocuteur de la presse internationale, a été arrêté dans un café du centre ville de Damas, en plein après-midi. Sa faute ? Avoir, selon la loi d’urgence, « démoralisé le moral de la Nation », dont le régime avait pourtant annoncé l’abandon au début du mouvement de contestation, en mars 2011.

« Comme d’autres détenus, Abdel Karim Rihaoui a subi des tortures lors de sa détention. », relate Alexandra Poémon de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme. « D’anciens détenus nous font actuellement part des tortures qu’ils ont subies eux mêmes ou dont ils ont été témoins. ».

Les prisons syriennes sont aujourd’hui le théâtre d’une répression effroyable. Les autorités y internent parfois les dissidents en guise d’avertissement. L’écrivaine Samar Yazbek, opposante au régime aujourd’hui exilée en France, a été confrontée aux horreurs des prisons syriennes lors d’une « visite » forcée dans l’une d’elles. Elle témoigne des actes de torture qui y sont commis, notamment des visages humains disparaissant totalement sous les blessures.

Contraints à la fuite ou toujours en prison, les militants sont réduits au silence ou à l’anonymat. Connus des autorités syriennes, les chefs de files des organisations de défense des droits de l’Homme, comme Abdel Karim Rihaoui, sont souvent contraints à l’exil.

 

Des prisons à ciel ouvert pour les exilés syriens

Manifestation à Hama, le 22 juillet 2011 (syriana2011 / flickr)

L’organisation du militantisme, même à l’extérieur de la Syrie, est une activité très risquée.

Les services de renseignements syriens, les «mukhabarat », menaçent en effet directement les opposants au régime dans les pays tiers, aux Etats-Unis ou en Europe, comme le dénonce un rapport d’Amnesty International du 3 octobre 2011. Ainsi, l’exil du président de la LSDH ne lui a pas suffi pour échapper aux violences du régime. Il a, depuis, été la cible de violences physiques et de menaces.

De plus, les autorités syriennes s’en prennent désormais aux familles des activistes. Celles restées en Syrie subissent détention et mauvais traitements, selon la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). Le régime, qui a fermement réprimé toute opposition politique, agit de façon de plus en plus ciblée et brutale, afin de « casser la volonté de la société civile. », analyse Alexandra Poméon.

La Syrie, qui était en train de se faire une place sur la scène diplomatique internationale (rejoignant par exemple le partenariat EuroMed en 2004), tourne aujourd’hui clairement le dos à l’Occident. Si elle compte sur ses supports orientaux, elle risque de se trouver rapidement isolée : les violences commises contre ses habitants et un nombre de morts qui s’élève à 5 000 (selon le rapport de l’ONU diffusé le 12 décembre), ont fait reculer l’Iran et aujourd’hui la Russie. Quant à la Turquie, qui accueille bon nombre de réfugiés, elle a déjà lâché définitivement la Syrie de Bachar el-Assad.

 

Carine Dréau