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08H46 - lundi 5 décembre 2011

Dix ans après les premières Conventions Education Prioritaire, le bilan de la « positive action à la française »

 

 

Rentrée 2001, coup de tonnerre dans le paysage universitaire français. Sciences Po Paris, la prestigieuse et très bourgeoise « école de l’élite » décide de tenter une expérience inédite : proposer à de brillants élèves issus de quartiers défavorisés d’intégrer le cursus sans devoir passer le sacro-saint concours d’entrée, qui recale chaque année entre 90 et 95 % des candidats qui s’y frottent.

 

Sciences Po Paris en précurseur : les résultats sont là

Remise en question du modèle républicain, mépris de la réussite au mérite, « américanisation » de la vision de l’intégration, volonté d’instaurer des politiques de « quotas », la mesure ne faisait pas franchement l’unanimité à ses débuts. Elle ne concernait que 17 étudiants issus de 7 « lycées partenaires ». Mais l’école de la rue Saint-Guillaume du très chic 7e arrondissement a tenu bon. Ils sont aujourd’hui 130 (soit tout de même 10 % d’une promotion) venant de 85 établissements « sensibles », pour la plupart enfants d’employés, d’ouvriers ou de chômeurs, à venir apporter de la diversité parmi la sociologie des étudiants de Sciences Po.

Quid de l’intégration de ces étudiants ? On leur prédisait une stigmatisation dans leur vie professionnelle, pour ne pas avoir intégré Sciences Po « au mérite ». Un bilan chiffré proposé par Sciences Po à la rentrée 2011 a bousculé bien des idées reçues : les étudiants diplômés (depuis 2006 pour les premiers) et issus de Conventions Education Prioritaire ont les mêmes taux d’intégration professionnelle, et ont même… des salaires plus élevés ! Leur salaire médian (toutes filières confondues) serait en effet de 2500 € nets au premier emploi, contre 2200 € nets pour les autres.

Une statistique reste cependant le point noir de ce tableau apparemment sans tâche : seuls 10 % des diplômés issus de CEP intègrent la fonction publique (contre 26 % des étudiants de Sciences Po), un secteur où, en principe, les discriminations son sensées être réduites par les modes de recrutement, anonymes et « méritocratiques ». La diversification des profils sociologiques de Sciences Po ne se retrouve pas, en bout de chaîne, dans tous les secteurs professionnels visés par l’école.

 

 

Un modèle d’intégration qui ne se propage guère  

Malgré les  dix ans du lancement du programme, son expansion dans la pyramide des formations universitaires françaises reste modeste. Plusieurs écoles ont rapidement emboîté le pas de Sciences Po Paris.

Dès 2002 l’Essec, grande école de commerce parisienne, lance son programme « Une Grande Ecole, pourquoi pas moi ? », rapidement suivie par 80 écoles de commerce ou d’ingénieurs. Mais le concept de ce programme est complètement différent : pas d’intégration directe d’étudiants, il s’agit plutôt d’aider en amont quelques profils prometteurs en leur apportant un soutien pour mieux préparer un concours difficile, ou intégrer plus facilement une classe préparatoire prestigieuse. Il s’agit donc de gommer ce qui est perçu comme la cause des inégalités de réussite au concours : un environnement scolaire, familial et social jugé peu favorable à une préparation optimale. Mais ces écoles ne veulent pas franchir le cap d’une intégration directe à l’école, un format où Sciences Po reste le seul établissement notable à avoir franchi le pas. Les autres formations ayant choisi un « tutorat » poussé comme formule d’intégration présentent des résultats mitigés : les six Instituts d’Etudes Politiques de province ayant opté pour cette solution présentent un taux de réussite au concours de 20 % pour les élèves aidés, soit un chiffre légèrement supérieur à la moyenne des autres candidats. Mais l’Essec, elle, n’a encore jamais vu l’un des ses élèves aidés par son programme réussir son difficile concours d’entrée…   

Damien Durand

 

Photos :

Titre : un amphithéatre d’université (DR)

Article : la « Péniche », hall d’entrée de Sciences Po Paris (Antoine Genel)

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