Talents citoyens
10H08 - samedi 18 juin 2011

Entretien avec Tarik Ghezali, co-fondateur et administrateur du Labo de l’Economie Sociale et Solidaire

 

A l’occasion des Etats généraux de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) du 17 au 19 juin 2011, Opinion Internationale rencontre Tarik Ghezali, co-fondateur et administrateur du Labo de l’ESS, sorte de « think tank » à la française du secteur. Il est également délégué général du Mouvement des entrepreneurs sociaux. Au Labo de l’ESS, Tarik Ghezali se consacre à la stratégie, à la promotion du Labo et aux relations avec les hommes politiques. Mais le Labo de l’ESS a avant tout une dimension collective et est l’un des co-rédacteurs des « 50 propositions pour changer de cap », qui apportent des solutions concrètes pour changer d’économie.

Qu’est-ce que le Labo de l’ESS et quels sont ses objectifs ?

Le Labo de l’ESS est un « think tank ». Il a donc pour but la promotion des idées de l’ESS auprès des citoyens et des décideurs politiques. Avant, ces idées étaient marginales. Aujourd’hui, avec la crise financière et économique, elles se développent. Il est devenu évident que l’économie de marché qui vise la maximisation du profit ne fonctionne pas. Il y a une prise de conscience de l’impossibilité de continuer ainsi. C’est pourquoi, le Labo de l’ESS a lancé en octobre 2010 les Cahiers d’espérances qui permettent de formuler des idées neuves pour l’économie de demain. A l’inverse des cahiers de doléances qui exprimaient des plaintes et des revendications, ces quatre cents cahiers écrits dans toute la France sont des espérances qui formulent des initiatives et des propositions concrètes. Avec les trois jours de débat aux Etats généraux, une synthèse des idées aboutira à l’adoption d’un pacte avec les citoyens pour une autre économie.

L’Economie Sociale et Solidaire n’est donc pas une indignation perpétuelle, elle n’est pas fataliste. Faire les Etats généraux au palais Brongniart, haut lieu historique de la Bourse de Paris, est un symbole du retournement de la finance. L’ESS peut se développer : elle est efficace et performante. Elle ne se limite pas aux TPE (très petites entreprises) ni aux PME. Le groupe Vitamine T, présent aux Etats généraux, regroupe quatorze entreprises et trois mille salariés. De même, par sa structure coopérative et son engagement pour des valeurs humaines et sociales, Chèque Déjeuner est une société de l’ESS. Or l’entreprise est d’envergure internationale, c’est le troisième acteur mondial dans l’émission de titres à vocation sociale et culturelle. De plus, l’ESS répond à un désir des consommateurs et des salariés. Le succès du commerce équitable et du bio le montre tous les jours. L’ESS intéresse également les jeunes. Ils sont toujours plus nombreux à vouloir mettre à profit leurs compétences dans des projets qui ont du sens.
Avec les Scop (sociétés coopératives et participatives) également, on peut voir que l’ESS est possible. Les Scop sont entièrement démocratiques. Elles appliquent le principe selon lequel à un travailleur correspond une voix. Les salariés sont co-entrepreneurs, donc ils travaillent mieux, étant plus motivés par les résultats de l’entreprise – par opposition à la situation dans une société anonyme. Participant au bon fonctionnement de l’entreprise au même titre que ceux qui fournissent le capital, il est normal que les travailleurs prennent part aux décisions de la direction dans les conseils d’administration.

Le Labo de l’ESS refuse les utopies. Il s’oppose à appliquer ses principes à toutes les entreprises car tout ce qui est hégémonique est idéologique. Au contraire, l’ESS, en proposant des alternatives plurielles, doit inspirer toute l’économie. Elle doit faire tâche d’huile sur les pratiques actuelles, grâce à des valeurs telles que la solidarité, que l’on retrouve dans les Scop. Edgar Morin a dit : « tout ce qui ne régénère pas dégénère ». Aujourd’hui, l’économie mondiale dégénère. L’ESS, c’est une régénération. C’est pourquoi à partir de juillet-septembre 2011, le Labo entre en campagne pour faire de l’ESS un enjeu de changement en vue des élections présidentielles.

Quelle est votre différence avec Ashoka ?

Eve Chiapello (membre du comité de pilotage du Labo de l’ESS, professeur de comptabilité de gestion de contrôle à HEC) dit que l’Economie Sociale et Solidaire est une nébuleuse réformatrice très riche et très complexe. Le Labo de l’ESS et Ashoka ont deux éclairage différents, mais non opposés, sur cette même nébuleuse. Le Labo part des territoires, des régions, il mobilise tous les acteurs du secteur et réalise un immense travail collectif. Ashoka est tournée vers l’international et repose sur des compétences plus individuelles. L’organisation veut aussi créer des passerelles entre l’ESS et l’économie classique et met en avant le rôle de l’entrepreneur social. C’est pourquoi, la seconde partie de l’Ashoka Changemakers’ week se déroule au siège d’HEC. Mais Ashoka et le Labo ont en commun la volonté de changement et de l’innovation sociale. Les deux sont convaincus que l’utopie est de croire que l’économie peut encore continuer comme avant. Il est plus réaliste et plus pragmatique de penser qu’il faut tout réinventer, même si c’est plus compliqué. Alors, allons-y !

Pensez-vous que, par ses propositions, le Labo de l’ESS se substitue aux partis politiques ?

Le Labo de l’ESS ne se substitue pas aux partis politiques et ne le souhaite pas. Il faut aujourd’hui s’habituer au fait que la société civile agit, prend la parole. Les partis politiques doivent s’en accommoder. Les citoyens se mobilisent, la société civile devient une nouvelle force. Avant, il y avait l’Etat et le marché. Aujourd’hui, il y a l’Etat, le marché et les citoyens qui ne se limitent plus au simple vote. Ils peuvent avoir des idées, les proposer et peser sur les débats publics. Les partis politiques étant devenus des machines à élections, ils ont quelque peu délaissé les idées. C’est pourquoi ils sont preneurs des propositions des « think tank » comme le Labo de l’ESS.

Le Labo de l’ESS veut-il un pacte de l’Economie Sociale et Solidaire, à l’image de ce que Nicolas Hulot a fait pour l’écologie en 2007 ?

Le pacte écologique de Nicolas Hulot a été très rassembleur puisqu’il a réuni de nombreuses signatures. Mais le Labo refuse de faire ce que Nicolas Hulot a déjà fait. En effet, il existe déjà un pacte civique. De plus, sur le plan médiatique, réitérer un même événement peut s’avérer inefficace. Cependant, le Labo souhaite en conserver la philosophie, c’est-à-dire un contrat avec les citoyens.

Propos recueillis par Vivien Rebière

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