International
18H11 - mardi 28 juillet 2015

L’appel au secours des Guarani-Kaiowá pour la préservation de leurs terres

 

 

A quelques mois de la grande conférence sur le climat COP21 en décembre, à Paris, deux représentants du peuple Guarani-Kaiowá, dans l’Etat du Mato Grosso du Sud, au Brésil, étaient de passage dans la capitale française du 20 au 26 juillet pour alerter des effets de la déforestation de l’Amazonie, pratiquée par des multinationales de l’industrie des agro-carburants qui s’approprient les terres indiennes, menaçant directement la survie de ces populations. L’Amazonie s’étend sur le Brésil, la Bolivie, le Pérou, l’Equateur, la Colombie, le Venezuela, le Guyana, le Suriname et la Guyane française (voir carte ci-dessous). 

La forêt amazonienne © Douglas Fernandes

La forêt amazonienne
© Douglas Fernandes

 

C’est un combat pour la préservation de l’environnement mais aussi pour sa survie que mène le peuple Guarani-Kaiowá, dans l’Etat du Mato Grosso du Sud, au Brésil. Un combat des temps modernes d’un David contre Goliath opposant les autochtones Guarani-Kaiowá aux grandes multinationales du secteur de l’agro-industrie, liées au pouvoir fédéral brésilien, qui se sont implantées après 2007 dans le Mato Grosso du Sud, via des plantations de soja ou de canne à sucre servant à produire de l’éthanol, transformé en carburant alternatif.

 

Revers de cette médaille du pétrole vert brésilien: la destruction de la plus grande forêt tropicale du monde et d’une partie du mode de vie de ses habitants, le peuple Guarani-Kaiowá. 

Ce dernier est d’ailleurs employé pour travailler dans les vastes champs de canne à sucre, couvrant à l’heure actuelle 140 000 hectares dans le Mato Grosso du Sud, dans des conditions très proches de l’esclavage, pour un salaire mensuel de 220 euros. Santé dégradée, hébergement insalubre, rythme de travail harassant et manque crucial de repos sont devenus le quotidien de tous les ouvriers coupant la canne.  

Comptant aujourd’hui 45 000 personnes, la population Guarani-Kaiowá  a perdu ces dernières années plus de 299 chefs indiens, tués par la police civile, militaire ou la police des frontières brésilienne, envoyées par les grands propriétaires fonciers, lors d’incursions musclées sur le territoire des Guarani-Kaiowá.

 

En cent ans, les Guarani Kaiowá ont perdu 90% de leur territoire

Deux attaques particulièrement violentes ont marqué au fer rouge la mémoire de Valdelice Veron, une des porte-parole du peuple Guarani-Kaiowá, venue du 20 au 26 juillet à Paris mais aussi à l’ONU à Genève.

Accompagnée du cacique Natanael Vilharva Cáceres, ils tentent d’alerter la France et la communauté internationale du sort tragique de la forêt amazonienne et du  peuple Guarani-Kaiowá, tous deux décimés au profit des logiques capitalistes de grandes multinationales de l’agro-industrie. 

Lors des incursions violentes du 16 octobre 2001 et du 13 janvier 2003, des milices, à la solde des propriétaires fonciers, sont entrées dans son village.

« Ils étaient armés et nous ont encerclés, ont brûlé nos maisons, attaché les mains des caciques, les ont battus, torturés et tués, ont violé et violenté femmes et enfants, les ont ensuite mis sur des bennes à ordure et emmenés en bordure des routes, loin de leurs terres », témoigne Valdelice Veron. La menace de disparition de son peuple se tient là, imminente, véritable épée de Damoclès prête à tomber à tout moment.

 

Crédits photos : Henri MARTIN 

 

« La canne à sucre vaut plus que la vie d’un enfant Kaiowá »

« Si on continue avec ces attaques et  cette violence, dans 20 ou 30 ans, il ne restera plus que des photos des Guarani-Kaiowá  », ajoute-t-elle avec un regard où se lisent pêle-mêle des années de lutte, d’indignation, de tristesse, une pointe de lassitude, mais surtout une dignité à toute épreuve et une capacité à rester debout, à résister. 

En cent ans, les Guarani-Kaiowá ont perdu 90% du territoire qu’ils occupaient et toutes les trois secondes en Amazonie, l’équivalent d’un stade de foot disparaît. 

Un sombre constat et leitmotiv pour Valdelice Veron et Natanael Vilharva Cáceres : la cupidité. Cupidité de mastodontes de l’industrie agro-alimentaire, souvent soutenus par le gouvernement fédéral, qui grignotent peu à peu, et toujours plus, leurs terres. « La Constitution fédérale du Brésil stipule que notre terre est une propriété indienne mais aujourd’hui c’est la cupidité qui est la plus forte, la canne à sucre vaut plus que la vie d’un enfant Kaiowá », affirme-t-elle.

 

Les droits des peuples autochtones reconnus, mais en théorie seulement

« Le gouvernement brésilien a vendu nos territoires et ne s’est pas soucié de la vie des Kaiowá et toutes ces affaires conclues à propos des terres indiennes pour les minerais et entreprises de l’agro-industrie ont généré une décimation des citoyens brésiliens indiens », déplore-t-elle.

Si la Constitution brésilienne de 1988 reconnaît les terres indiennes, la réalité est tout autre et le peuple Guarani-Kaiowá exige que le gouvernement brésilien respecte ses engagements vis-à-vis des peuples autochtones. « La Constitution brésilienne nous apporte des garanties qui couvrent l’ensemble de nos droits mais en fait c’est seulement sur le papier parce que la réalité est tout autre », explique le cacique Natanael Vilharva Cáceres. 

Même constat pour Gert-Peter Bruch, président de l’ONG Planète Amazone qui a rencontré Valdelice Veron en 2013 et qui, depuis, soutient  activement la lutte des Guarani-Kaiowá : « Les autorités brésiliennes essayent d’introduire un amendement aux lois existantes pour priver les indiens de la terre et ainsi détruire les acquis des droits des autochtones sur leurs terres ». 

 

« Si la démarcation ne se fait pas, il ne restera plus que nos statues »

Cet accaparement des terres par les grandes entreprises de l’agro-industrie est en partie facilité par l’attitude du gouvernement brésilien qui n’a pas encore réalisé la démarcation de nombreuses terres Guarani-Kaiowá.  

« A l’heure actuelle, Dilma Rousseff a sur sa table 22 dossiers de terres indiennes déjà homologuées mais il manque sa signature. Et en ne signant pas, elle tue ce peuple à petit feu », déclare une représentante de la Fondation France Libertés.

Pourtant, cela fait longtemps que les Guarani-Kaiowá réclament l’homologation et la démarcation de leur territoire mais la situation se trouve dans une impasse depuis 1953. 

La reconnaissance des terres est un processus long qui passe par trois étapes. 

Tout d’abord, l’identification anthropologique des terres. « Nous devons prouver que la terre est à nous. Des géographes et des anthropologues passent et établissent un rapport anthropologique, cela prend 2 à 5 ans en moyenne », détaille Valdelice Veron. 

Puis, le rapport écrit est transmis au Supérieur du tribunal fédéral par la FUNAI (Fondation Nationale de l’Indien) et enfin transmis à la Présidence de la République.

« Et ça s’arrête là, la présidente ne signe pas. Souvent les grands propriétaires terriens déposent des recours qui rendent invalides les décrets de démarcation et à chaque fois qu’une démarcation est invalidée, c’est là que nous subissons les attaques des milices privées. Si la démarcation de notre terre n’est pas effectuée, il ne restera plus que nos statues », poursuit-elle. 

 

Devant l’horreur, les Guarani Kaiowá tentent de s’organiser

Face à la violence exercée contre eux et les nombreux obstacles jalonnant le parcours de récupération de leurs terres, les Guarani-Kaiowá tentent de s’organiser avec d’autres peuples au Brésil, victimes eux-aussi, de l’accaparement des terres.

Deux assemblées, une au niveau local, appelée Aty Guasu et réunissant l’ensemble des Guarani-Kaiowá du Brésil, et l’autre à l’échelle continentale, le Conseil continental de la nation Guarani-Kaiowá, regroupant la totalité des peuples Guarani-Kaiowá du Brésil, de la Bolivie, de l’Argentine et du Paraguay, se rassemblent régulièrement pour discuter des formes de résistance et des moyens de survie. « Lors de ces assemblées, nous donnons la parole aux plus âgés qui nous transmettent leur savoir mais aujourd’hui la majorité de nos anciens ont été assassinés », commente Valdelice Veron. 

Comme les Guarani-Kaiowá, d’autres peuples autochtones du Brésil mais aussi du monde, sont directement menacés par les activités industrielles des multinationales. D’ailleurs, le cacique Raoni Metuktire, chef du peuple Kayapo en Amazonie brésilienne, s’est réuni en avril dernier avec d’autres chefs de peuples amazoniens du Brésil, devant le Congrès brésilien, pour appeler à l’alliance des gardiens de Mère Nature (Pachamama en espagnol). 

Dans la perspective de la COP21 qui se tient à Paris en décembre, ces derniers souhaitent élargir cette alliance aux autres peuples autochtones du monde qui se trouvent confrontés aux mêmes problématiques. 

Parce que, comme le proclame haut et fort Valdelice Veron, « nous n’allons jamais nous taire »

 

Gert-Peter Bruch, président de Planète Amazone, sur la défense du peuple Guarani-Kaiowá, au Brésil. 

 

 

 

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