Why?
11H23 - mardi 21 avril 2015

« Monsieur le premier ministre, nous ne sommes pas des ploucs ! » Le coup de colère de Vanik Berberian au nom des 32.000 maires ruraux de France.

 

Les Maires des communes rurales de moins de 3.500 habitants en France sont en colère et le font à savoir à Paris en manifestant devant le Conseil Constitutionnel. Entretien avec le président de l’Association des Maires Ruraux de France et Maire de Gargilesse-Dampierre dans l’Indre (36), un des plus beaux villages de France.

 

Que font sous les fenêtres du Conseil Constitutionnel à Paris des centaines de Maires de petites communes de France ?

Nous sommes en colère. Depuis des décennies, nous voyons un modèle urbain et jacobin s’imposer à nous. Les moyens diminuent et les exigences de la population évoluent. Le projet gouvernemental de réforme territoriale est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, a eu le courage de venir nous saluer mais ses dires sont trahis par les projets du gouvernement.

 

Lebranchu-Berberian

Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, est venue à la rencontre des Maires ruraux samedi 18 avril devant le Conseil Constitutionnel.

 

Que reprochez-vous plus précisément au gouvernement ?

En confiant tous les pouvoirs locaux à de nouvelles intercommunalités de 20.000 habitants, on va retirer aux Maires des petites communes tous les pouvoirs qu’ils exerçaient au plus près de leurs concitoyens. Les communes ne seront plus que des quartiers d’intercommunalités. Ces dernières devraient rester des coopératives de communes et non devenir de nouveaux pouvoirs locaux.

Le gouvernement n’a qu’une approche numérique alors que nous privilégions la prise en compte des territoires dans leur maillage complexe autour des Maires, derniers décideurs politiques dans lesquels les Français ont encore confiance. La démocratie de proximité autour de la commune, cellule de base de la République, voilà ce que nous défendons !

La décentralisation qu’on nous promet, c’est de la concentration déguisée qui éloignera les centres de décision de nos citoyens et tuera la liberté communale. Nous ne voulons pas non plus de préfets qui nous dictent comment aménager nos communes.

 

Pourquoi ce sentiment de déni ? Le généticien Axel Kahn a parcouru la France rurale à pieds et en est revenu dépité par le sentiment d’abandon de cette France oubliée.

Ce n’est pas un sentiment. C’est une réalité. Plutôt que de redessiner la France des territoires, le gouvernement serait mieux inspiré à satisfaire notre première revendication : qu’on installe la 3G et la 4G dans toutes les communes rurales de France. Pour utiliser mon téléphone portable, je suis obligé de sortir hors des murs ma Mairie !

Et pourtant, un tiers des Français vivent dans de petites communes. Et le mouvement d’exode rural vers la ville s’est inversé : les Français retournent vers des territoires ruraux. Malgré ces phénomènes structurels, l’Etat poursuit une politique centrée sur la ville et ignore la France des ruralités. La France est aussi un territoire habité que les mentalités jacobines ignorent.

Plus profondément, les habitants des petites communes pâtissent de ce que j’appelle « le complexe des ploucs ». Nous avons intériorisé un complexe à être rural alors que nous devrions en être fiers et en tirer une grande force.

 

GrandeUne

 

Prenez l’exemple de la région Centre qui a financé tout un programme d’aménagement de centre-bourgs. Bonne intention au départ mais résultat désastreux à l’arrivée : les architectes et urbanistes ont dévisagé nos centres de villages en installant des mobiliers urbains identiques dans toutes les communes. On uniformise partout ! Imaginez, les grandes sociétés de mobilier urbain comme Decaux n’ont pas de mobilier rural !

Ce complexe est redoutable : le Maire rural, fier de ses origines, veut moderniser sa commune pour accueillir de nouveaux habitants. Or moderniser, cela veut dire ressembler à la ville. Nous disons que nous ne sommes pas des ploucs, nous ne sommes pas que « sympathiques » et nous avons des solutions rurales à inventer, à redécouvrir et à offrir à nos concitoyens. Notre combat est aussi culturel.

 

Propos recueillis par Michel Taube

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