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11H42 - jeudi 2 avril 2015

Nursultan Nazarbayev : la dernière révérence du tsar Kazakh ?

 

Après une courte période d’incertitude, l’actuel président du Kazakhstan Nursultan Nazarbayev, sera bien le candidat de son parti lors des prochaines élections présidentielles qui auront lieu le 26 avril prochain. Celui qui dirige le pays depuis 1990 a toutefois laissé entendre que ce mandat de cinq ans serait son dernier. Retour sur la carrière du Tsar Kazakh et sur 25 années de règne sans partage.

tsar Kazach

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nazarbayev, homme tout-puissant d’un pays en profonde mutation

Nursultan Nazarbayev a donc cédé aux demandes des principaux dignitaires de son parti, le Nour Otan (« Rayon de soleil de la Patrie ») qui l’imploraient de se porter candidat aux prochaines élections présidentielles d’avril. L’actuel président avait pourtant laissé planer le doute sur sa candidature en estimant avoir des « plans personnels différents » pour le futur. Ce mandat pourrait donc bien être le dernier pour l’homme tout-puissant du pays. Il serait ainsi le premier dans la région à assurer de son vivant la transition politique de son héritage après 25 ans de règne dans un (relativement) jeune Etat en pleine mutation mais qui demeure, comme ses voisins, soumis à un régime très dur.

Incarnation de la Nomenklatura, l’ancienne oligarchie soviétique, ce fils d’agriculteur pauvre est poussé au sommet de la République socialiste soviétique kazakhe dans les années 1980 jusqu’à devenir le dernier Premier secrétaire du Parti communiste kazakh (1989-1991). A ce poste, il assure la transition du pays vers l’indépendance officiellement déclarée en décembre 1991 mais effective depuis un an. Rapidement, le nouveau régime verse dans l’autocratie comme les républiques voisines d’Ouzbékistan et du Turkménistan. Il est réélu triomphalement en 1999 avec plus de 80% des voix, en 2006 et en 2011 avec plus de 90% des voix lors de simulacres d’élections sans enjeux où les candidats rivaux sont également des partisans du président kazakh.

Sous son règne, le Kazakhstan se transforme rapidement et a l’ambition aujourd’hui d’intégrer le club des pays développés. Le nouvel orgueil national est symbolisé par la splendeur d’Astana, la capitale flambant neuve du pays depuis 1997 qui accueillera l’exposition internationale de 2017, et la candidature de l’ancienne capitale, Almaty (trop russophone au goût du maître du pays), aux jeux olympiques d’hiver de 2022. Exploitant les riches ressources naturelles du pays (pétrole, gaz naturel, minerais) et la position stratégique du pays, au cœur du continent asiatique et véritable pont avec l’Europe, la politique économique volontariste et prudente de Nazarbayev a effectivement contribué au miracle économique kazakh dont le PIB dépasse aujourd’hui celui de la Grèce.

 

Des perspectives floues pour le pays

Cependant, sous ce voile se cache la part sombre de celui qui s’est fait accorder le titre de « Père de la nation ». Nazarbayev ne souffre en effet d’aucune opposition politique véritable. La presse est étouffée et la population étroitement surveillée par une police dont les moyens et les techniques n’ont rien à envier à celles de ses consœurs russes et biélorusses. Amnesty international dénonce ainsi régulièrement les mauvais traitements, les violences policières et les aveux obtenus sous la torture dont sont victimes ceux qui tombent entre les mains du régime. Dans un rapport de novembre 2014, l’ONG Privacy international s’est elle intéressée à l’espionnage massif des citoyens par les services étatiques et notamment par le Comité de Sécurité Nationale (CSN) qui n’a guère changé de méthodes depuis qu’il a remplacé le tristement célèbre KGB après l’indépendance du pays. Le 16 décembre 2011, à l’occasion de la fête de l’indépendance, des manifestations éclatent à Zhanasoen aboutissant à une répression policière terrible qui fait officiellement 15 morts. Ces émeutes, pour des réformes politiques et l’amélioration des conditions de travail des ouvriers du secteur pétrolier, ont surtout révélé l’ampleur du système familial et patriarcal mis en place par le président kazakh dont le neveu, Kairat Satybaldy, est pressenti pour prendre sa succession. La corruption ronge toujours le pays, qui reste en bas du classement effectué par Transparency international (126ème sur 175).

Nazarbayev utilise également volontiers la nouvelle puissance économique du pays pour faire taire les critiques à l’étranger, comme en Italie ou aux Pays-Bas, qui comptent beaucoup sur l’énergie d’origine kazakhe ou au Royaume-Uni, où les nouveaux milliardaires d’Asie centrale viennent dépenser leur argent. En France, les autorités ont également arrêté Moukhtar Abliazov, oligarque déchu et accusé de malversations financières au Kazakhstan, en Russie et en Ukraine. Opposant politique au régime et malgré son statut de réfugié politique reconnu par la Grande-Bretagne, la Cour de cassation vient de proclamer la validité de la demande d’extradition formulée par Astana. Si les accusations à l’encontre d’Abliazov, ancien patron de la BTA, l’une des plus grosses banques du pays, paraissent solides, il ne fait pourtant guère de doute que l’acharnement du pouvoir à vouloir faire taire un homme pourtant désormais privé de tout appui dans son pays relève simplement d’une volonté d’étouffer toute opposition au régime.

La montée en puissance de l’Etat islamique, organisation qui compterait plusieurs centaines de combattants de nationalité kazakhe dans ses rangs, a également servi de prétexte au président pour renforcer son emprise sur la société, la presse et les religions. Suivant l’exemple de son grand voisin russe, le Kazakhstan a enfin fait voter une loi contre la « propagande LGBT » en resserrant fortement son contrôle sur internet.

Parallèlement, le culte de la personnalité dont Nursultan Nazabayev fait l’objet s’accroît d’années en années et est symbolisé de façon grotesque par le moule en or de sa main installé au sommet de tour d’observation de Bayterek en plein cœur de la capitale. Cette personnification extrême du pouvoir laisse cependant planer des doutes sur la transition politique de ce pays après 2019, à l’image de l’Etat voisin, l’Ouzbékistan, où Islom Karimov, 77 ans, prépare également sa succession sur fond de règlements de comptes politiques et familiaux. De plus, après deux décennies de miracle économique, le pays semble entrer dans une période de turbulences économiques aggravées par la baisse du prix du pétrole et la crise économique russe avec qui le pays s’est régulièrement rapproché.

Si cette situation venait à se poursuivre, mettant à mal l’héritage impeccable de Nazarbayev, la disparition du « Père de la nation », dont les rumeurs sur sa maladie vont bon train (il serait atteint d’un cancer et a été hospitalisé à Hambourg en 2011), pourrait avoir des conséquences politiques dramatiques pour le pays. Sans aucune alternative politique, un modèle économique en berne et la crainte du terrorisme islamiste, les perspectives pour cette puissance régionale ne sont pas forcément bonnes à moyen terme.

 

Diplômé en sciences politiques et en relations internationales, Guillaume publie notamment des articles consacrés au continent asiatique.

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