Citizen Kids
10H09 - jeudi 25 septembre 2014

Pour ceux qui tiennent encore la littérature jeunesse pour un genre mineur

 

La littérature n’est pas que pour les grands… Et l’ouverture au monde encore moins ! Deux fois par mois, une libraire jeunesse « La boîte à histoires » vient partager ses coups de cœur dans la rubrique Citizen Kids.
Au menu : albums, romans, poésie, documentaires, livres pop-up et autres ovnis littéraires pour les petits et les grands de 0 à 16 ans. Il est fortement conseillé aux adultes d’y jeter un œil…


Riposte ! Comment répondre à la bêtise ordinaire

Texte de Jessie Magana – Illustrations d’Alain Pilon
Editions Actes Sud Junior. 10,00€

Riposte

“Les chômeurs c’est des profiteurs”, “les Noirs ne sont bons qu’en sport”, “En banlieue c’est tous des racailles”…. Que ce soit dans les cours de récrés ou dans les familles les clichés ont la vie dure, surtout quand ils sont assénés comme des vérités indiscutables. Difficile d’y répondre du tac-au-tac, de trouver la répartie que clouera le bec aux beaux parleurs.

Cet ouvrage propose aux plus jeunes de démonter une par une ces idées reçues, en les déconstruisant avec méthode et en fournissant quelques arguments imparables. Repères historiques ou citations viennent étayer cette argumentation permettant de tenir à distance les idées reçues.

Riposte-LesFillesElles n’apparaissent plus alors que comme le fruit de l’ignorance, le symptôme de la bêtise ordinaire. Seul remède possible : la réflexion !

Chaque cliché est ainsi traité sur une double-page: tout est énoncé avec limpidité et pédagogie. On sent un réel souci de sobriété et de clarté visible jusque dans la mise en page. Les illustrations “au pied de la lettre” apportent quant à elles un contrepoint très humoristique au propos.

Un petit ouvrage intelligent et salutaire, pour apprendre aux enfants dès 8 ans à devenir des champions de la répartie et surtout à aiguiser leur sens critique.

Indispensable pour ouvrir les discussions en famille et susciter des débats au sein des classes !


Le Merveilleux

Texte de Jean-François Chabas
Editions des Grandes Personnes. 14,50€

LeMerveiileux

Que ceux qui tiennent encore la littérature jeunesse pour un genre mineur ouvrent un roman de Jean-François Chabas, ils seront vite convaincus du contraire. Plus encore avec ce titre là qui est une pépite de la rentrée.

Nous sommes dans le Cachemire, au Nord de l’Inde, à la fin du 19ème siècle. Un vieux forgeron parcourt les montagnes depuis l’aube, à la recherche d’un gros corindon, d’une pierre suffisamment solide et de belle taille pour lui permettre d’aiguiser ses couteaux. Les efforts du vieil homme peinant dans cette nature hostile vont être récompensés par une fabuleuse trouvaille : une pierre extraordinaire, d’un bleu profond.

Ce que vient d’extraire le vieil homme des entrailles de la terre c’est un saphir magnifique, d’une taille et d’une pureté inestimables. Le forgeron bien évidemment n’a aucune notion de sa valeur marchande et le cèdera contre deux sacs de sel à un soldat anglais qui tape le soir même à sa porte.

« Gupar le forgeron(…) soupesa l’inestimable trésor que le Blanc lui avait proposé en échange du corindon. Ç’avait été faire preuve d’une immense générosité. Le vieil homme pensa que la médisance était une chose bien affreuse; que les étrangers n’étaient pas tous des chiens cruels et cupides, bien que certains se fussent obstinés à en faire courir le bruit. »

Rentré chez lui riche à millions, le colon sans scrupules finit pourtant par réfléchir et regretter son geste. La correspondance régulière qu’il entretient avec son ami irlandais laisse poindre sa désillusion sur le genre humain. Il finit par revendre son saphir rebaptisé le Merveilleux …

C’est bien le joyau le véritable héros de cette histoire, c’est lui qui va passer de main en main, du fin fond de l’Inde jusqu’aux faubourgs de Londres, agissant comme un révélateur de la bonté ou de la cupidité des hommes.

Ce roman court et intense est porté par l’écriture délicate et ciselée de Jean-François Chabas qui alterne les procédés narratifs avec virtuosité, amenant le lecteur à partager les tourments ou les joies des différents protagonistes, explorant par là-même les travers du genre humain.

Ce roman nous séduit, nous happe et nous interroge de bout en bout jusqu’au dénouement qui boucle avec pertinence et poésie le fil de l’intrigue.

Un grand roman d’un grand auteur, à savourer dès 13 ans et sans limite d’âge..


Cet été-là

Illustrations de Jillian Tamaki / Scénario de Mariko Tamaki
Editions Rue de Sèvres. 20,00€

CetEteLa

Comme tous les étés, Rose part avec ses parents pour Awago Beach, petit coin de paradis au bord d’un lac où les journées s’écoulent avec langueur. “Mon père dit toujours qu’à Awago les bières poussent sur les arbres. Et qu’on a le droit de dormir jusqu’à 11heures”.

Elle y retrouve son amie Wendy qu’elle ne voit qu’à cette occasion-là, pendant l’été. Les deux petites filles sont devenues des jeunes-filles, ou presque. Discrète et réservée Rose ressent une vive affection et une petite pointe de jalousie envers l’exubérante Wendy qui a vu ses seins pousser pendant l’année … la chanceuse !

CetEteLa-BalancoirEntre baignades, fous rires et confidences, les deux-jeunes filles se livrent, s’interrogent sur l’avenir, les garçons et la sexualité.

La supérette du coin tenue par deux grands ados leur donne un terrain d’observation idéal: elles y découvrent avec fascination et un peu d’inquiétude ce qui les attend plus tard, peut-être: les filles un peu trop maquillées, les mots crus, les étreintes fugaces et les coeurs brisés.

CetEteLa-LitChronique douce-amère sur l’enfance qu’on laisse derrière soi, ce roman graphique raconte avec beaucoup de justesse cette période sur le fil du rasoir. Ce moment fragile où l’insouciance cède le pas aux questionnement et aux doutes, laissant entrevoir les complexités du monde adulte.

Les illustrations sont parfaitement réussies et comblent avec finesse les non-dits et les silences du texte.

Avec son trait fluide et aérien, Mariko Tamaki, alterne grandes planches muettes et petites vignettes, multipliant les angles de vue et les perspectives.

Les 300 pages se lisent d’un trait et cet été-là ne sera pas tout à fait un été comme les autres.

Les ados vont adorer à coup sûr. Les parents eux se laisseront gagner par la douce nostalgie qui émane du texte. Superbe !