Décideurs engagés
09H32 - jeudi 11 septembre 2014

« Mettons l’entreprise au service de la lutte contre la pauvreté »

 

Vice-président du Forum mondial Convergences qui s’est tenu à Paris cette semaine et délégué général de Grameen Crédit Agricole, fondation de microfinance, Jean-Luc Perron revient sur les enjeux du développement.  

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Jean-Luc Perron, vous êtes un personnage historique du Forum mondial Convergences, puisque vous êtes là pour la septième édition cette année. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru depuis 2008 ?

Indéniablement, les choses ont changé, nous n’étions qu’environ 200 au début, réunis à la maison des polytechniciens alors que la fondation Grameen n’existait pas encore, et nous parlions presque exclusivement de microfinance. Frédéric Roussel, président d’Actel m’avait alors contacté pour que l’intervienne.

Depuis, j’ai participé à la croissance de Convergences et à son institutionnalisation puisque nous avons désormais le statut d’association, avec un conseil d’administration que préside Jean-Michel Sévérino. Nous avons réussi à faire de Convergences un lieu de débat décloisonné. Le terme de Convergences lui-même avait été choisi à l’origine dans la perspective de la convergence économique liée aux Objectifs du Millénaire pour le Développement de 2015. Nous sommes bientôt en 2015 et nous parlons plutôt de Convergence des acteurs sur les meilleurs moyens et les meilleures réponses aux défis du développement durable et équitable, la lutte contre la pauvreté, contre l’exclusion économique et financière, contre la précarité au nord comme au sud, donc Convergences n’est ni un opérateur ni une organisation politique ou porteuse d’une idéologie. C’est plus qu’un rassemblement, c’est une plateforme collaborative de co-construction, où on retrouve des acteurs publics comme privés, des banques, des ONGs, des universitaires etc.


Vous faites le constat d’une multiplication des acteurs de divers secteurs dans le cadre du Forum : n’est-ce pas du coup plus difficile de mettre d’accord ces parties prenantes d’horizons différents ?

Au contraire, aujourd’hui, tout le monde souhaite un certain décloisonnement du développement, qui a longtemps été l’affaire des pouvoirs publics à travers l’Aide Publique au Développement ou des ONGs, que je ne critique pas, mais qui agissaient avant tout dans un registre philanthropique via des dons. Il y a aujourd’hui de plus en plus d’acteurs économiques qui s’intéressent au développement, dans un esprit désintéressé et dans le souci de mettre l’expertise, la dynamique et la réputation de l’entreprise au service de la lutte contre la pauvreté. Il y a donc de plus en plus de passerelles entre les sphères publique, associative et privée. Encore faut-il que ce mouvement se fasse dans la clarté et que derrière les mêmes mots on pense les mêmes choses. C’était le but de la table-ronde à laquelle je viens de participer, se mettre au clair sur les mêmes mots et le même vocabulaire.


Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de collaborations et de projets communs permis par Convergences ?

Justement, j’ai animé une table-ronde sur le thème de la co-construction et je présenterai trois exemples de co-construction. L’un est celui de la coopération entre la fondation Véolia et l’Agence Française de Développement (AFD) dans le domaine de la santé, notamment dans la lutte contre le choléra en République Démocratique du Congo (RDC), avec l’appui d’acteurs locaux, comme des ONG comme Oxfam, le ministère de la santé et d’autres structures sanitaires. On peut aussi citer la collaboration entre Livelihood, une fondation créée par Danone et le Crédit Agricole, qui finance sous forme de dons des projets ruraux visant à améliorer les conditions de vie dans les campagnes en Inde et au Sénégal, notamment en luttant contre la déforestation. C’est un autre cas typique de collaboration entre plusieurs acteurs, avec encore une fois l’implication d’acteurs locaux, comme la fondation Gandhi qui développe des projets sur le terrain.


Quel est votre sentiment par rapport aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, dont seulement trois sur sept ont été atteints ?

Certains objectifs avaient différents niveaux de priorité, le premier étant la lutte contre la pauvreté. On peut constater un fort recul mondial de la pauvreté grâce à l’émergence de la Chine et de l’Inde, mais l’Afrique n’en a pas profité, avec une réduction du nombre de pauvres de seulement 8%, un chiffre bien éloigné des 50% visés. Il faut probablement pour l’avenir se focaliser sur de nouveaux principes directeurs. Comme l’a dit ce matin la directrice générale d’ATD Quart-Monde, il faut éviter un effet d’écrémage qui fait sortir les moins pauvres du seuil de pauvreté, creusant la distance avec les plus démunis. On peut créer des drames sociaux en pensant avoir fait du bon travail dans la lutte contre la pauvreté. Soyons donc plus attentifs envers les segments les plus fragiles, les plus pauvres et les pays connaissant une situation difficile en termes de lutte contre la pauvreté.