International
17H59 - lundi 7 juillet 2014

Orages sur la mer de Chine méridionale

 

En mai, l’annonce faite par la Chine de l’installation d’une plateforme pétrolière dans des eaux disputées avec le Vietnam et des incidents impliquant des navires des deux pays ont provoqué un conflit ouvert avec le Vietnam qui a été le théâtre de violentes émeutes antichinoises. Malgré une rencontre le 18 juin entre Nguyen Tan Dung, premier ministre vietnamien, et Yang Jiechi, ministre des affaires étrangères de la Chine populaire, la tension n’est pas retombée. Ainsi, si les yeux du monde sont aujourd’hui braqués sur les zones de conflits ouverts en Afrique ou au Moyen Orient, la paix mondiale est aussi menacée en mer de Chine méridionale.

Des vaisseaux de la U.S. Navy et de la République de  Singapour en opération conjointe de la mer de Chine méridionale - juin 2008 - Wikimedia commons

Des vaisseaux de la U.S. Navy et de la République de Singapour en opération conjointe dans la mer de Chine méridionale – juin 2008 – Wikimedia commons

Sur une superficie d’environ 3 500 000 km², cette mer fait l’objet de revendications de souveraineté complexes par les cinq Etats qui la bordent. La région a récemment connu un regain de tensions suite aux démonstrations de force de l’armée chinoise.

Revendiquée également par les Philippines, la Malaisie et le sultanat de Brunei, cette zone revêt une importance stratégique importante pour tous ces acteurs et constitue un point de tensions préoccupant. La combinaison d’une militarisation à outrance, de discours agressifs et nationalistes et d’actes de provocation sont à même d’enclencher un engrenage dangereux pouvant déboucher sur un conflit meurtrier. Plus qu’une lutte pour des gisements d’hydrocarbures ou le contrôle des routes maritimes, il s’agit pour la Chine d’imposer son leadership sur les autres puissances régionales mais également le Japon et les Etats-Unis qui, par pays interposés, font valoir leurs intérêts dans la région.

SouthChinaSea

Un territoire riche qui attire les convoitises 

Délimitée par la Chine et Taiwan au nord, les Philippines à l’est, l’archipel indonésien au sud et la péninsule indochinoise à l’ouest, la mer de Chine méridionale est un territoire immense qui attire les convoitises de par sa position stratégique et ses ressources naturelles. Cette richesse est directement à l’origine des revendications exprimées par la Chine, le Vietnam, les Philippines, Brunei et la Malaisie sur des îlots inhabités mais désormais fortement militarisés.

Cette région est en premier lieu une zone de pêche qui compte pour 10% des prises mondiales et constitue donc une manne financière importante. Des incidents entre chalutiers ont d’ailleurs lieu assez fréquemment dans les différentes zones revendiquées. C’est également une des routes maritimes les plus fréquentées du monde puisqu’elle permet de relier l’Asie au Moyen Orient et à l’Europe via le détroit de Malacca. Enfin, cette zone est particulièrement riche en hydrocarbures (pétrole, gaz naturel), ce qui permettrait d’assurer l’indépendance énergétique de ces pays industriels et particulièrement énergivores.

Dès lors, dès la fin de la seconde guerre mondiale, des frontières complexes se sont mises en place. La Chine revendique ainsi la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale au nom de considérations historiques. Elle occupe depuis certains îlots des Spratleys et les Îles Paracels qu’elle a fortement militarisées. Le Vietnam revendique également la totalité des Spratleys qu’il occupe en partie. Quant aux Philippines, à Brunei et à la Malaisie, ils ne revendiquent qu’une partie de l’archipel. Cette complexité se retrouve notamment dans la dénomination même de la mer de Chine méridionale qui prend le nom de « mer du Sud » pour la Chine, « mer de l’Est » pour le Vietnam ou « mer de l’Ouest » pour les Philippines.

Après des décennies de conflit ouvert, une déclaration sur la conduite des parties en mer de Chine méridionale a pourtant été conclue en 2002. Elle semblait inaugurer le retour au dialogue. Mais la définition de la stratégie chinoise dite du « collier de perles » qui vise à assurer la sécurité des voies d’approvisionnement du pays a entraîné un regain des tensions et a aboutit aujourd’hui, avec le développement économique des pays limitrophes, à une militarisation rapide de la mer de la Chine méridionale qui fait craindre un conflit majeur. La Chine a notamment multiplié les actes de provocation envers ses voisins : déploiement massif de la marine chinoise, intrusions dans les zones contestées, incidents avec des patrouilleurs ou des chalutiers … La rhétorique belliqueuse qu’entretiennent aujourd’hui les dirigeants de ces pays et la crispation des identités autour de la peur d’une hégémonie chinoise fait craindre le déclenchement d’un engrenage qui pourrait survenir à la suite d’un accident ou d’une erreur de jugement.

En arrière-plan, la lutte pour l’hégémonie en Asie-Pacifique 

L’histoire, l’influence culturelle, la puissance militaire, économique et financière poussent la Chine et les Chinois à se voir assumer une position hégémonique dans la région. La puissance retrouvée et assumée depuis la présidence de Hu Jintao est à l’origine d’une politique extérieure agressive et expansionniste. Celle-ci se heurte toutefois en mer de Chine méridionale à d’autres Etats qui, sur la scène régionale, montent en puissance et contrarient les plans d’un leadership chinois en Asie-Pacifique.

Héritière d’une pensée impériale multimillénaire, la Chine possède une vision verticale des relations internationales que l’on pourrait traduire grossièrement par l’adage confucéen d’ « un seul empereur sous le ciel ». A cette vision héritée de la culture impériale chinoise, il faut également y ajouter le syndrome de la forteresse assiégée qui touche les Etats communistes persuadés que le reste du monde désire leur perte. Etat multiculturel sous tension, les dirigeants chinois craignent ainsi une délégitimation de leur pouvoir qui pourrait causer l’implosion du pays. De même, dépendant des échanges internationaux, la Chine craint la fermeture des routes maritimes par une puissance étrangère et tente d’assurer leur contrôle. Ces caractéristiques expliquent la volonté chinoise d’exercer un leadership dans cette région en alternant menaces et diplomatie.

En mer de Chine méridionale, la Chine souffle ainsi le chaud et le froid en déployant d’abord ses navires de guerre et en prenant des décisions unilatérales symboliques afin d’imposer son hégémonie, avant d’enclencher le dialogue. Cependant, d’autres puissances se sont immiscées dans le conflit et mènent leur propre guerre d’influence.

Les tensions dans cette région sont aussi le théâtre de la guerre d’influence qui se joue entre la Chine et les Etats-Unis. Ces derniers ont profité du regain dans la crise pour renforcer leurs liens avec les Etats qui craignent la montée en puissance de la Chine : c’est le cas des Philippines, traditionnel allié de Washington, mais également du Vietnam qui a engagé un dialogue stratégique avec les Etats-Unis. Présents également à Singapour, en Indonésie ou en Thaïlande, la présence américaine irrite toutefois plus la Chine qu’elle ne la force au dialogue avec ses voisins. En conflit ouvert avec la Chine sur la souveraineté des îles Senkaku/Diaoyu, le Japon s’est également rapproché de ses partenaires régionaux notamment les Philippines à qui elle a fournit une aide considérable lors du typhon Haiyan en novembre 2013. L’intention du Premier ministre japonais de lever sous certaines conditions l’interdiction d’exporter des armes a également été bien accueillie dans la région. D’autres Etats, notamment la France, profitent enfin de ce climat de tensions pour alimenter leurs carnets de commande militaire vers des pays fortement demandeurs comme la Malaisie.

Rien ne semble aujourd’hui rassurer la Chine qui voit dans l’hégémonie régionale la seule solution à la sécurisation de ses approvisionnements et à sa « survie ». Ces projets ne sont pas acceptés par les Etats frontaliers soutenus par les Etats-Unis désireux de maintenir un équilibre à leur avantage en Asie Pacifique. Loin de pacifier les relations internationales, la politique chinoise a conduit à la militarisation d’une vaste zone richement pourvue en richesses naturelles et stratégiquement bien située. Aujourd’hui, comme pour l’archipel des Senkaku/Diaoyu, une simple étincelle semble pouvoir déclencher un conflit majeur. Il est cependant peu probable, voire impossible, que la Chine recherche réellement le conflit armé. Elle cherche simplement la (re)mise en place d’un ordre régional hiérarchisé où elle serait placée à sa tête.

La situation explosive en mer de Chine méridionale révèle ainsi toute l’importance du dialogue car si aucun acteur ne désire réellement la guerre, un accident ou une mauvaise évaluation d’une situation suffirait à la déclencher. Poussés par une opinion gonflée aux discours nationalistes, les chefs d’Etats et de gouvernements de la région n’auraient alors d’autre choix que d’engager la force. Il est donc crucial d’établir un dialogue permanent entre la Chine et l’Association des Nations de l’Asie du Sud-est (ASEAN) afin de dissiper ce qui est perçu par les différents Etats parties à cette crise comme des dilemmes de sécurité.

En effet, persuadés que leurs voisins leur sont fondamentalement hostiles, tous les Etats de la région ont renforcé leur appareil militaire afin de garantir leur sécurité. Cette recherche de la sécurité absolue conduit paradoxalement à augmenter l’insécurité globale. Le maintien du dialogue, même entre Etats antagonistes, permet de désamorcer les tensions dans le respect du droit international.

Diplômé en sciences politiques et en relations internationales, Guillaume publie notamment des articles consacrés au continent asiatique.

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